Kolda – Commercialisation de l’anacarde : La filière dans le dur

En Casamance, la filière anacarde commence à mourir. Et pour cause, la faible implication de l’Etat dans la production, la transformation et la commercialisation. D’où l’inquiétude des acteurs avec surtout la perte d’emplois.Par Aladji BADJILANG –
Le manque de financements du secteur de l’anacarde étouffe la filière en Casamance. Les acteurs de la transformation de la noix de cajou sont dans la détresse. Une détresse qui se manifeste à grande échelle par l’absence de crédits financiers et la disponibilité de la matière première. De l’avis de Moulaye Biaye, transformateur de l’anacarde en jus, le secteur meurt à petit feu avec ses milliers d’emplois directs et indirects. Ce jeune entrepreneur dans ce secteur assure que l’accès aux financements permettra d’avoir une production satisfaisante qui peut atteindre le marché international. Comme lui, Xavier Diatta, le Directeur général de Casa industrie Sa, rappelle que la disponibilité de la matière première en quantité industrielle encourage la transformation qui est un secteur économique très rentable. Face à ces difficultés d’accès aux financements, Xavier Diatta regrette que les banques soient des institutions de consommation.
Les acteurs crient au scandale et interpellent l’Etat
Réunis en assemblée pour lister les difficultés du secteur et ébaucher des solutions, les acteurs de l’anacarde appellent l’Etat à une intervention rapide et cohérente, comme c’est le cas au Benin et en Côte d’Ivoire où des mesures d’accompagnement sont instituées. «Je demande à l’Etat la protection de ce secteur privé par la disponibilité du capital et l’accompagnement institutionnel, qui peuvent écarter la concurrence déloyale», a dit Moulage Biaye. Pourtant, le secteur de l’anacarde est riche en filières porteuses d’emplois. Il s’agit du jus, de l’amande et autres. Faute de financement et d’organisation, Xavier Diatta parle d’inquiétude totale pour les milliers de pères de famille qui gagnent honnêtement leur vie grâce à ce travail. «L’Etat a la responsabilité de corriger les impairs dans ce secteur en renforçant la qualité des noix de cajou, de subventionner les acteurs et rendre plus compétitif l’anacarde», note-t-il. Des femmes fortement engagées dans ce secteur espèrent un appui rapide du gouvernement pour sortir de ce marasme. Pour Codou Cissé, présidente du Gie agropastoral, par ailleurs présidente de la coopérative Ucas de Ziguinchor, «le Programme Diomaye pour la Casamance doit s’ouvrir à ce domaine de l’anacarde qui, aujourd’hui, est l’un des leviers économiques de toute la Casamance naturelle». L’inquiétude devient plus grande à mesure que M. Elimane Dramé, transformateur de jus, énumère le nombre d’unités industrielles en arrêt de production à cause de ce manque de financements, de la concurrence et de la rareté de la matière première. Face à cette situation, M. Dramé plaide pour la valorisation du produit local et favoriser la transformation et l’exportation du produit fini. «Le taux de chômage grimpe davantage à cause de la faillite de certaines installations, et là c’est le découragement total chez les acteurs de la filière», annonce Elimane Dramé, avec une voix rongée par l’inquiétude.
Au cours de leur rencontre bouillante, les acteurs de l’anacarde n’ont pas caché leur mécontentement en analysant la situation. De Ziguinchor à Kolda, en passant par Sédhiou, la culture de l’anacarde est devenue un véritable eldorado pour les milliers de personnes qui y travaillent sur l’ensemble de la chaine de valeur. D’ailleurs, le constat est réel, beaucoup de jeunes ont tourné le dos à l’immigration clandestine, pour devenir les bras valides utilisés dans le travail de la noix de cajou. Avec la disponibilité des terres cultivables et la quantité d’eau pluviale, l’anacarde est devenu une filière porteuse d’emplois qui peut concurrencer l’arachide dans cette partie du pays. D’où l’implication de l’Etat au cœur, depuis la sélection des noix, la plantation, la transformation jusqu’à la commercialisation des produits finis.
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