Chinoiseries autour d’une poignée de mains

L’actualité de la semaine est dominée par la photo-souvenir entre le Premier ministre sénégalais, en col Mao, et Xi Jinping, le Président chinois, dans un costume-cravate, tout ce qu’il y a d’universel. Bien entendu, les groupies du président de Pastef se déchaînent sur les réseaux sociaux et ne reculent devant aucun superlatif pour magnifier la poignée de mains qui leur semble aussi historique que la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb.
Ne pinaillons pas. Le voyage du Premier ministre Ousmane Sonko fait beaucoup de bruit, surtout lorsque les esprits chagrins se mettent à railler un Premier ministre sénégalais qui se fait recevoir par un Gouverneur de province chinois.
Rien à voir avec le saut de grenouille du Président Bassirou Diomaye Faye dans l’Empire du Milieu, en septembre 2024, durant lequel il co-préside le Forum de coopération Chine-Afrique… De la gnognotte, apparemment, aux yeux du peuple des 54%.
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Pour rappel, c’est en 1971 que la Chine et le Sénégal établissent des relations diplomatiques. S’il y en a qui ne sont pas au courant, c’est sans doute parce qu’ils n’étaient pas encore nés ?
La coopération sino-sénégalaise permettra, entre autres, l’envoi d’une dizaine d’équipes médicales et l’érection de l’Hôpital Silence en Casamance, qui voit affluer même des gens des pays voisins tant la médecine chinoise acquiert la réputation d’être miraculeuse. Bien entendu, tous les chefs d’Etat sénégalais, depuis lors, visitent la Chine.
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La réciproque n’est pas vraiment de mise. Il n’en viendra que deux au Sénégal : Hu Jintao, le premier, en février 2009, sous Wade, auquel il rend la politesse avant d’aller à Maurice et en Tanzanie. Pour l’occasion, il sort son carnet de chèques et ne lésine pas sur les moyens : sept milliards de francs Cfa pour acheter à la Suneor dix mille tonnes d’arachide, un prêt de onze milliards Cfa pour renouveler le parc automobile et, enfin, vingt-cinq milliards Cfa pour le réseau de communication.
Il faut dire que la Chine vient alors de reprendre ses relations diplomatiques avec le Sénégal, après les avoir rompues lorsque notre pays choisit de reconnaître Taïwan en 1996. Une affaire aussi glauque qu’opaque, où il sera question de pots-de-vin et autres joyeusetés qui finiront par faire jeter le Président taïwanais en prison.
Le fameux «don» de sept milliards de francs Cfa au Président Wade qu’il annonce en plein Conseil des ministres, finira par une cérémonie officielle de distribution de chèques à différents départements par son Premier ministre Macky Sall devant des caméras, et les allusions fines de l’opposant Idrissa Seck sur un mystérieux compte bancaire à Chypre.
Et puis, on apprend avec stupeur que quand les Taïwanais partent alors de chez eux pour venir au Sénégal, ils quittent chez eux pour aller chez eux. C’est une sulfureuse affaire de trafic de passeports diplomatiques qui nous informe, révélée à la suite de la découverte d’un cadavre chinois dans la Seine, à Paris, titulaire d’un passeport diplomatique sénégalais.
On s’égare…
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Bref, tout ceci est derrière nous à compter du 25 octobre 2005, et c’est officialisé par un communiqué : les deux pays se refont des mamours et le Grand Théâtre, le Musée des civilisations noires, un hôpital, l’Arène nationale commencent à sortir de terre.
Raison de la visite de chantier du p’tit Timonier de Pékin en cette année 2009.
Il faut attendre neuf interminables années, en juillet 2018, pour qu’un Président chinois foule à nouveau le sol sénégalais : Xi Jinping passe par Dakar pour visiter ses chantiers, signer des accords de coopération, lâcher des chèques, avant de reprendre l’avion pour d’autres cieux plus cléments, comme ceux du Rwanda.
Tout ceci n’est rien comparé à l’expédition exploratrice de l’équipe gouvernementale la semaine passée en Chine : la coopération sino-sénégalaise vient de connaître un tournant unique dans l’Histoire.
Défense de ricaner.
Après donc tout le tintamarre du voyage du Premier ministre au pays du thé, alors qu’on espère reprendre notre souffle, ne voilà-t-il pas que la Cour suprême renvoie ses avocats à leurs chères études dans l’affaire de diffamation contre Mame Mbaye Niang et les vingt-neuf milliards Cfa du Prodac.
Tremblement de terre : les six mois avec sursis et les dommages et intérêts de deux cents millions à verser à Mame Mbaye Niang sont définitifs. Bien entendu, le Premier ministre n’est pas homme à se laisser faire… Il donne rendez-vous aux groupies de Pastef pour éclairer leur lanterne.
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Tout de blanc vêtu, après un briefing sur «la révolution en marche» par son plan de redressement avec son retour de l’Empire du Milieu, il attaque l’affaire Prodac : il a le dossier sur sa table ; d’ailleurs, il l’exhibe devant les caméras et annonce une contre-attaque de ses avocats dès le lendemain.
On en oublie presque que le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, participe à Séville à une rencontre sur la gouvernance du monde, donc trois fois rien…
Le doute raisonnable n’habite pas une seconde le Premier ministre : ce sont juste les prolongations du complot de Macky Sall pour empêcher sa candidature en 2024 ; d’ailleurs, il va falloir repasser devant les juges concernant toutes les accusations dont il est victime depuis 2021, et ils devront «prendre leurs responsabilités» concernant les accusations d’appels à l’insurrection et de viols.
On pourrait affirmer, sans vexer personne, que ça ne manque pas de Sweet dans les idées ? Je dis ça, je dis rien…
Par Ibou FALL