Dimanche passé, la communauté des musulmans chiites mozdahir a commémoré le deuil du massacre des descendants du prophète de l’islam. Le guide religieux, Chérif Mohamed Aly Aïdara, a profité de ce grand rassemblement pour rappeler la genèse d’Achoura pour ensuite inviter les musulmans du monde à choisir, dans la célébration d’Achoura, un camp : celui des ennemis de la famille du prophète massacré en cette date ou celui de ses amis.Par Abdoulaye KAMARA – 

De l’émotion, de la solennité, des sanglots, des larmes, des mots forts, du silence. Sous la tente dressée dans une cour, grande de près 8 ha, entièrement clôturée, ne manquait que la joie. Les mots, prononcés par les orateurs qui se sont relayés sur la tribune de Daroul Hijratou, étaient comme destinés à toucher la sensibilité et même à tirer les larmes des milliers de fidèles qui avaient répondu massivement à l’invitation du guide religieux de la communauté musulmane chiite Mozdahir. Cette communauté de l’islam chiite commémorait Achoura, dimanche passé, dans le village natal du guide religieux Mawlana Chérif Mohamed Aly Aïdara. Le vénéré homme de Dieu, en prononçant son message en direction des pèlerins, a rappelé les péripéties cruelles de l’extermination de la quasi-totalité de la descendance masculine du prophète Mohamed (psl). Chérif Mohamed Aly Aïdara a notamment enseigné : «Dans la première décade du mois lunaire de Mouharra, les armées du khalife de l’islam de l’époque a fait maltraiter, torturer, assoiffer la famille du prophète. Avant de tuer, de décapiter le 10ème jour du mois la lignée masculine dont le fils chéri, l’imam Hussein.» Le guide, dans sa description dans les détails de ce massacre, a réussi à jeter un coup de froid au sein de la foule d’admirateurs et talibés. Des sanglots et des larmes étaient audibles dans la foule qui suivait frontalement le récit historique. Et puis… en chœur, comme un cri de guerre, «labayka yaa Hussein», «Allahouma salli ala Mouhammad wa aali Mouhammad», prononcèrent plusieurs fois les fidèles. Et Maawlana Chérif Aly de poursuivre : «Il n’y a eu aucun autre événement heureux de l’islam ce jour-là. Comment un musulman sincère peut-il commémorer ce jour par des festins, de la joie ? A ceux-là de donner des explications. Dans ce cas, on fait le choix d’être soit du camp des ennemis de la famille du prophète Mohamed (Psl), donc de l’islam, ou du camp de ses partisans. Ceux-là sont les chiites qui considèrent qu’Achoura est un jour de deuil, de malheurs.»
A rappeler qu’en marge de cette commémoration, une équipe de médecins avaient consulté gratuitement des centaines de pèlerins et d’habitants du département de Vélingara.

Tamme xarit ou tanne xarit
Revenant sur les bases de la commémoration d’Achoura par les musulmans, Alioune Badara Badiane, talibé de Mawlana Chérif Mohamed Aly Aïdara, a enseigné : «Les musulmans sunnites considèrent qu’Achou-ra est un jour de fête, alors que les chiites considèrent que c’est le plus grand jour de deuil, de malheurs, de désastre que le monde musulman ait connu. Il faut dire que l’extermination de la quasi-totalité de la lignée masculine du prophète a été une grande joie pour les souverains de l’époque qui ont ainsi pris leur revanche sur ceux qu’ils considéraient comme des opposants intraitables à leur règne dictatoriale ; la famille du prophète en l’occurrence. Ils en ont fait un jour de fête à commémorer tous les ans. Et comme ce sont eux qui ont exporté l’islam en Afrique, ils ont convaincu les néophytes que c’est un jour de fête où il n’y a pas d’interdit, tout est permis. Au Sénégal, c’est un jour de tous les travers pendant lequel les hommes peuvent s’habiller en femmes et les femmes en hommes, et la fornication tolérée. D’où est née l’appellation «Tamme sa xarit» ou Diaboliser son ami, le traiter de cannibale en langue Wolof (Tamxarit), en faisant allusion à la famille endeuillée du prophète. A la place, les chiites disent Tanne sa xarit ou choisir le camp de ses amis en langue wolof, en s’apitoyant sur le sort triste réservé à la famille du prophète dont ils sont les partisans.»

10 jours de dévotion
Dimanche passé, jour d’Achoura, était l’épilogue de 10 jours de dévotion de milliers de talibés du guide de la communauté musulmane chiite mozdahir à Daroul Hijratou. Les jours précédents étaient studieux et pleins de ferveur. «Tous les jours de la première décade de ce mois lunaire de Mouharam, Mawlana Chérif Mohamed Aly Aïdara et ses fidèles récitaient, chacun, 41 fois la sourate «Yaasin», faisaient des invocations pour la paix, la prospérité et la protection, en récitant particulièrement une invocation enseignée par le prophète de l’islam et qui comporte 1000 noms d’Allah», a rappelé Alioune Badara Badiane qui précise : «Oui Dieu a plus de 1000 noms et non 99 comme on le dit souvent. Comment un Dieu infini peut-il avoir un nombre si infime de noms ?», s’est-il interrogé. Cela était accompli dans la matinée. La nuit, poursuit-il, «après la prière de la nuit, nous faisons le Madjalisse, c’est-à-dire la cérémonie de deuil en l’honneur de la famille du prophète. On rappelle l’histoire des tueries de Karbala dont les victimes étaient la descendance du prophète de l’islam. Plusieurs personnes se relayaient pour raconter une partie de l’histoire. En fait, on procède à une révision générale des enseignements de l’islam et du prophète. Pour que nul n’ignore les fondements lointains et immédiats de la célébration d’Achoura et

Présence de l’Etat
L’Etat a respecté les promesses tenues lors du Comité départemental de développement (Cdd) tenu, quelques semaines auparavant, par le Préfet du département de Vélingara, Thierno Souleymane Sow. Les Forces de défense et de sécurité, les sapeurs-pompiers, le Service d’hygiène, les agents de sécurité de proximité, les agents préposés au nettoiement étaient à l’œuvre, avec plein de détermination et d’enthousiasme, avant et pendant la célébration d’Achoura de Daroul Hijratou. Le Sous-préfet de l’arrondissement de Bonconto, Souleymane Touré, qui a présidé la rencontre, a salué la mobilisation exceptionnelle de ces services qui ont ainsi exécuté à la lettre les instructions données par le Préfet lors du Cdd.
La présence de l’Etat n’a pas fait défaut, contrairement aux 2 dernières éditions. Mawlana Chérif Aly Aïdara, après avoir remercié toutes les autorités administratives et locales qui se sont investis pour la réussite de cette édition d’Achoura, a donné rendez-vous aux fidèles l’année prochaine, tout en espérant que, d’ici-là, l’Etat va bitumer la route Biarou-Médina Pakane qui passe par Darou Hijratou.
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