Somone – Vers un Sénégal sans tabac : L’Assemblée et le Forum civil cherchent la bonne formule

La 15ème Législature s’attaque à la consommation de tabac avec l’appui du Forum civil. C’est un combat de longue haleine qui se poursuit.Par Alioune Badara CISS –
La consommation de tabac, sous toutes ses formes, est dans le viseur de la 15ème Législature sénégalaise. Khady Sarr, présidente de la Commission santé, des affaires sociales et de la société solidaire internationale, a annoncé, ce samedi à la Somone, que l’Assemblée nationale mène un plaidoyer ferme pour le renforcement des lois anti-tabac, visant à aller bien au-delà des mesures actuelles. L’objectif, c’est d’avoir une consommation quasi-nulle et une meilleure protection des non-fumeurs. Ce travail se fait en étroite collaboration avec le Forum civil, une organisation-clé dans la lutte contre le tabagisme au Sénégal, qui a notamment organisé un atelier à la Somone pour sensibiliser les députés.
Malgré les efforts de la précédente législature pour interdire l’usage du tabac dans les lieux ouverts au public, l’application de cette loi présente des lacunes. Khady Sarr souligne «ces insuffisances remarquées quant à l’application de cette loi». «C’est pourquoi la commission compte aller plus loin sur d’abord la totalisation et l’universalisation de l’espace humain, de sorte que cette interdiction soit totale», précise la députée.
Le Forum civil est à l’initiative du Plaidoyer pour la taxation du tabac au Sénégal (Ttaa), un programme dont l’objectif est «de parvenir à une augmentation de la taxe sur les produits du tabac, de réduire leur consommation, d’augmenter les ressources fiscales de l’Etat et de minorer le coût de la santé publique». Pour ce faire, le Forum civil a œuvré de concert avec l’Administration fiscale, axant d’abord le plaidoyer sur le suivi et la traçabilité des produits du tabac. Cette approche vise à mieux sécuriser toute augmentation de la taxe. Des sessions de renforcement de capacités sur la traçabilité et l’impact de la taxation sur la santé publique ont été menées, coïncidant avec la signature par le gouvernement de l’arrêté 001559 du 17 janvier 2024 portant création d’un comité de mise en œuvre et de suivi du système de traçage des produits du tabac.
Taxation du tabac
L’ambition de la commission est claire : elle veut étendre l’interdiction du tabac à tous les espaces humains. En plus de cette interdiction généralisée, une hausse significative de la taxation est envisagée. L’objectif est de «créer une taxe et la rehausser, aller jusqu’à pourquoi pas une consommation à zéro fois», promet la présidente de la commission.
Un autre défi majeur réside dans l’émergence de nouvelles formes de tabagisme, telles que les cigarettes électroniques ou la chicha. «Il y a un chantier qui est là devant nous, et il faudra mieux connaître ces nouvelles formes, sensibiliser par rapport à ça et voir qu’est-ce qu’on va introduire dans la loi pour la prise en charge de ces nouvelles formes de consommation», explique Mme Sarr.
Interrogée sur la possibilité de voir cette loi votée sous la 15ème Législature, Khady Sarr affiche un optimisme mesuré : «Oui, en ce qui nous concerne, on fera de notre possible pour d’abord nous faire accompagner en termes de capacitation par les spécialistes, mais également porter la loi, le projet de loi, aller vers les circuits pour voir où il y a blocage et le porter au sein de l’Assemblée. Le travail qu’on a fait de l’Assemblée, c’est de faire des progrès. C’est de faire en sorte que les choses s’améliorent et nous ne nous arrêtons pas.»
Face aux changements politiques, il est crucial de reprendre le processus avec les députés de la 15ème législature. C’est dans ce cadre que le Forum civil a organisé l’atelier à la Somone, visant à renforcer les capacités des députés de la Commission santé de l’Assemblée nationale sur les projets de textes relatifs au tabac. L’objectif est qu’ils «puissent maîtriser les enjeux liés aux conséquences du tabagisme et de porter le plaidoyer pour la protection de la jeunesse, des femmes et des filles». Cet atelier a spécifiquement abordé les aspects liés au tabagisme passif et aux Produits du tabac nouveaux et émergents (Ptne). Dr Abdoul Aziz Kassé, retraité du service de santé des armées et de l’université Cheikh Anta Diop, acteur de longue date dans la lutte contre le tabagisme, apporte son soutien indéfectible à cette initiative. Il rappelle avec force les dangers du tabac : «toutes les formes de tabagisme sont dangereuses, que ce soit le tabac, la cigarette, le cigare, la pipe, la chicha, les cigarettes électroniques. Comme je l’ai dit, le vendeur va tuer la moitié des fumeurs, donc on ne peut pas laisser faire», précise Dr Kassé. Il salue l’approche de la présidente Sarr : «C’est pourquoi vous comprendrez que madame la présidente, avec un bruit, a repris exactement tout ce qu’il fallait dire sur la question.» Il souligne l’importance d’augmenter encore plus les taxes sur le tabac, non seulement pour dissuader les fumeurs, mais aussi pour récupérer de l’argent pour le Trésor public et soigner les malades avec cette manne. Dr. Kassé insiste également sur la nécessité d’interdire le tabac dans tous les lieux publics et ouverts au public. Il alerte sur le fait que les fumeurs ne se tuent pas seulement eux-mêmes, mais «ils tuent en plus les non-fumeurs. Ils tuent deux fois plus que le paludisme des non-fumeurs. C’est inadmissible».
Un point économique crucial soulevé par le Dr Kassé concerne la répartition des revenus générés par le tabac. «Aujourd’hui, l’argent que génère le tabac, il n’y a que 25% qui reviennent à nos pays. Les 75% vont chez le vendeur et le producteur. Dans les pays structurés, 75% de l’argent reviennent à l’Etat et 25% aux producteurs et aux vendeurs. C’est ça qu’il faut inverser», espère Dr Kassé.
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