Il faut sauver le soldat Diomaye

«Ce n’est pas seulement notre responsabilité, c’est aussi celle de nos autorités. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est d’un véritable courage politique dans la prise de décision de nos autorités. Prenons un exemple très simple : la question monétaire dans la zone ouest-africaine. J’en appelle à nos dirigeants, et je vois ici deux présidents de la République présents dans cette salle, il est temps d’avancer sur ces questions qui, ailleurs dans le monde, ont déjà été réglées, parfois de manière inhabituelle, mais réglées tout de même. Combien de régions dans le monde partagent une monnaie commune ? Très peu. Et pourtant, ici, en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, nous avons cet exemple. Mais malgré cela, les progrès tardent à venir. Nous connaissons les problèmes. Nous connaissons les réformes à mener. Depuis des années, ces dossiers sont posés sur la table, étudiés, discutés… puis oubliés. Ce qui manque, ce n’est pas la connaissance, c’est le courage politique de nos autorités. Il est temps que nos autorités assument pleinement leurs responsabilités et engagent les réformes nécessaires. Sans cela, elles continueront à gouverner sans jamais transformer.»
Et vlan ! Dans un cadre qui n’était vraiment pas le plus approprié, notre Premier ministre, tel un éléphant dans un magasin de porcelaines, humilie encore notre président de la République. Et cette fois, c’est devant un parterre d’investisseurs, devant le Président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embaló, et des experts économiques. C’était à Diamniadio, ce mardi 7 octobre, lors de la deuxième édition du Forum invest in Senegal.
Cette sortie du chef du gouvernement contre le président de la République est la dernière d’une longue liste de discrédits de l’institution présidentielle par Ousmane Sonko ou des personnes réputées proches de lui au sein de Pastef. Le 10 juillet dernier, après le rejet de son rabat d’arrêt dans l’affaire de diffamation qui l’oppose à l’ancien ministre Mame Mbaye Niang, le leader de Pastef, dans un dédoublement fonctionnel dont lui seul a le secret, avait exprimé publiquement son mécontentement envers le Président Bassirou Diomaye Faye, à qui il reprochait un manque d’autorité et de soutien, notamment face aux attaques médiatiques d’opposants et d’activistes. «Le Peuple sénégalais ne nous a pas élus pour qu’on cherche à plaire à la Société civile ou à l’opposition. (…) Le Sénégal n’a pas de crise. Le Sénégal a un problème d’autorité. Il faut donc qu’on prenne nos responsabilités», avait-il lancé.
Quelques jours après, c’est le député Guy Marius Sagna qui lui emboite le pas. En critiquant les dignitaires du régime sortant, le député annonce que le Sénégal a donc deux présidents. «On se retrouve par votre faute dans une situation inédite où nous avons un président légal et un président légitime», dit-il. Quel manque de respect à l’endroit du Peuple qui a souverainement élu son chef ! Quelle inélégance vis-à-vis du président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye ! La plus haute institution du Sénégal, une fois de plus, est piétinée, souillée et désacralisée sous le regard complice du procureur de la République qui, pour moins que cela, est en train de poursuivre Abdou Nguer pour «offense au chef de l’Etat». Le tort du chroniqueur ? C’est d’avoir commenté le rapport de la Cour des comptes sur la situation des finances publiques et d’avoir déclaré, à propos de l’écart entre les chiffres annoncés par le nouveau pouvoir et ceux constatés par la Cour, que «nguuru Diomaye dafa jubëdi» (le pouvoir de Diomaye n’a pas fait dans la transparence).
Que dire alors du cas Samba Ndiaye ? Voila bientôt une année que sa nomination avait été annoncée en Conseil des ministres du 24 octobre 2024. Mais jusqu’aujourd’hui, cette nomination n’est pas effective parce que le Premier ministre refuse de contresigner le décret du président de la République. Ancien cacique de l’Alliance pour la République (Apr), candidat recalé à la Présidentielle pour cause de parrainages insuffisants, l’ancien Directeur général des Grands Trains du Sénégal avait pourtant rallié la «Coalition Diomaye Président». Sa nomination comme Président du conseil d’administration (Pca) de la Sn-Hlm avait suscité de vives réactions, notamment parmi les militants de Pastef. Ces derniers voient cette nomination comme une trahison, étant donné que M. Ndiaye était autrefois associé au parti de l’ancien Président Macky Sall. «Enlevez Samba et dégagez Ndiaye», avait publié le Directeur général du Port autonome de Dakar, Waly Diouf Bodian, sur sa page Facebook. Outre Waly, Cheikh Thioro Mbacké, Guy Marius Sagna, Abass Fall et Fadilou Keïta ne se sont pas non plus gênés pour critiquer sur la place publique la décision du président de la République. Cette situation est révélatrice de la discipline au sein de Pastef.
Comme à son habitude, Sonko a rejeté la faute sur les alliés. Pour lui, Samba Ndiaye a été proposé par des alliés. Et pour se dédouaner, lui ainsi que son poulain qui est le président de la République, il explique que Diomaye ne peut connaître toutes les personnes qu’il nomme. Et qu’il aurait été induit en erreur. Il refusera de contresigner le décret. Et cela fait presque une année que le maire de Ndoffane n’a toujours pas pris service.
Les critiques contre la nomination de Samba Ndiaye, Sonko les avait saluées, estimant que cela «témoigne de la maturité de notre démocratie interne». Pourtant, Salimata Dieng vient d’être virée de son poste de chargée de mission à la présidence de la République. Secrétaire générale nationale adjointe de la Jeunesse patriotique du Sénégal, elle n’a pas hésité à critiquer ouvertement son propre parti en dénonçant, dans un post Facebook devenu viral, le «laxisme grandissant», le «bureau politique aphone» et «l’accumulation de mauvais choix» au sein de Pastef. «Une jeunesse cantonnée à des titres de «chargés de mission» sans missions réelles, ni formation, depuis plus de 18 mois», lâchera la dame qui sera renvoyée.
A l’heure où le Sénégal traverse une période charnière, remettre en cause l’autorité suprême est la dernière chose dont nous avons besoin. Ainsi, il urge de sauver le soldat Diomaye, car le pays fait face à des défis majeurs qui exigent non seulement un leadership résolu, mais aussi une mobilisation collective sans précédent. Car, au moment où le président de la République essaie de recoller les morceaux avec le Fonds monétaire international (Fmi) et surtout d’attirer les investisseurs au Sénégal, le Premier ministre se plaît à danser une autre musique, au lieu de déployer tout un arsenal de séduction pour attirer des investisseurs venus d’horizons divers. Mieux, relancer le débat polémique sur la réforme du F Cfa au cours de cette tribune reste inopportun, tout comme vouloir jouer au Don Quichotte devant le Fmi.
Par Bachir FOFANA