Le Tera meeting organisé par le parti Pastef, le samedi 8 novembre 2025, s’est exactement déroulé tel que nous l’avions prévu. A l’émission Ndoumbélane sur la Sen Tv, à la veille du rassemblement, nous disions que Ousmane Sonko allait se mettre sous trois registres : attaquer le pouvoir sortant, se victimiser et ne pas assumer ses responsabilités dans la situation actuelle du pays. Devant des dizaines de milliers de militants venus de partout du Sénégal, Ousmane Sonko s’en est encore vertement pris à l’ancien président de la République Macky Sall et à son parti, à la Justice, ainsi qu’à certains de ses alliés politiques.
Abordant la question de la dette dite cachée (et qu’il n’arrive malheureusement pas à prouver), le leader de Pastef a menacé de poursuites ceux et celles qui nieraient son existence. Il a, dans la foulée, demandé la dissolution de l’Alliance pour la République (Apr), qui est à ses yeux un conglomérat de criminels et de prévaricateurs des deniers publics. D’après Sonko, c’est ce lourd héritage légué par Macky Sall qui a mis le pays au bord de l’asphyxie financière, avec une dette réévaluée à plus de 130% du Pib. D’où, à l’en croire, la raison de la mise en place du Plan de redressement économique et social (Pres). Et le lien est vite trouvé entre l’Apr, la situation économique et les questions de redevabilité. «Si justice n’est pas faite, que personne ne paie d’impôt», lance-t-il. Il faut être Ousmane Sonko, inspecteur des Impôts et chef du gouvernement, pour appeler à l’incivisme fiscal, après avoir traité de corrompus les magistrats.

Certains alliés de Diomaye Président en ont également pris pour leur grade. «Un allié qui cherche à manipuler pour séparer Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye n’a rien à faire dans le gouvernement. Il n’est pas un allié sincère», a-t-il martelé, faisant allusion au ministre de l’Environnement, Abdourahmane Diouf, allant jusqu’à menacer le président de la République. «Des cas de surfacturation ont été découverts dans un ministère. J’ai donc demandé au président de la République, Bassirou Diomaye Faye, de muter le responsable concerné dans un autre département, en attendant que toute la lumière soit faite sur cette affaire», révèle Sonko, qui évoque également le cas d’un autre allié épinglé par un rapport de l’Ige, pour 2 milliards de francs Cfa (Aminata Touré, ancienne présidente du Cese).

Pour terminer sur ses relations avec le président de la République Bassirou Diomaye Faye, Sonko dira : «Il y a certains qui pensent que ma relation avec le Président Bassirou Diomaye Faye va se détériorer. En tout cas, tout peut arriver dans la vie ! Sachez que ce qui mettra fin à notre relation ne viendra pas de moi. Et, j’ai espoir que cela ne viendra pas non plus du Président Bassirou Diomaye Faye.»

Tout le monde l’aura compris, s’il y a trois enseignements à retenir de ce rassemblement, premièrement Ousmane Sonko a fait un aveu de taille : c’est qu’il a perdu le contrôle de la situation. Deuxièmement, il n’a plus d’influence sur le président de la République. Et troisièmement, le rabat d’arrêt de la Cour suprême le rend inéligible pour 2029.

Comme le dit un ami, les bidons vides font toujours plus de bruit et flottent mieux à la surface. Ce meeting, censé montrer la force d’un mouvement, a surtout révélé son vrai poids parmi les 18 millions d’habitants du pays. Sonko voulait impressionner, il a fini par se dévoiler et exposer au grand jour sa faiblesse devant le président de la République. La démonstration de puissance s’est transformée en aveu de faiblesse. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé avec des exigences directement adressées au président de la République : limoger le ministre Abdourahmane Diouf, enlever Aminata Touré de la présidence de la coalition, dissoudre l’Apr, poursuivre Macky Sall pour haute trahison, remplacer certains magistrats du Conseil constitutionnel, remplacer les magistrats de la Cour suprême et procéder à la dissolution de la Coalition Diomaye Président.

Aux injections de Sonko, le Président n’a répondu que par une balle à blanc (la destitution de Aïda Mbodj de la présidence de la Coalition Diomaye Président). Par ce geste, nous assistons à une inversion des rôles : Serigne Ngoudou devient Koromack et Koromack est maintenant Serigne Ngoundou. En d’autres termes, Bassirou Diomaye Faye a fait comprendre à Ousmane Sonko qu’outre le fait qu’il est le président de la République, il n’est plus son chef politique. En effet, Bassirou Diomaye a affirmé avec force son autorité. Une autorité réaffirmée face à certaines bonnes volontés qui se sont levées pour jouer aux sapeurs-pompiers entre le chef de l’Etat et le chef du gouvernement. Mais quelle que soit l’issue des négociations, la séparation semble être inscrite dans le temps, car l’un (Diomaye) veut un second mandat en comptant sur son bilan, et l’autre (Sonko) veut le pouvoir en 2029, quitte à installer le chaos. La séparation est inévitable. Soit elle doit être actée aux yeux de tout le monde et l’assumer, soit faire genre, tout en sachant qu’ils seront les perdants en 2029. La politique, c’est l’art d’additionner, de rassembler, de rassurer pour atteindre le sommet.

Aujourd’hui, après avoir avalé des couleuvres à n’en plus finir, Bassirou Diomaye découvre qu’il doit assumer la fonction présidentielle. Et dans ce jeu que veut lui imposer son Premier ministre, il a le bon rôle et tout à gagner. Mais pour réussir, il lui faut juste avoir le courage, l’audace et de l’ambition. Il doit aussi comprendre qu’un homme d’Etat n’a pas d’ami. «Un homme d’Etat n’a pas d’amis, n’a pas de parents. Son ami et son parent, c’est l’Etat et la loi», disait feu Djibo Kâ.

Toutefois, que l’on ne perde pas de vue, quelle que soit la profondeur de leur différend politique, que Diomaye moy Sonko et Sonko moy Diomaye. Et qu’ils seront jugés ainsi à l’heure du bilan.

Finalement, la seule annonce notable dans le discours de Sonko est pourtant d’une gravité extrême : le pays est en faillite, en banqueroute, incapable d’honorer ses engagements. Voilà, en résumé, la (seule) véritable nouvelle de ce Tera meeting. Le reste n’était qu’une rediffusion de son vieux scénario : se victimiser, diffamer, manipuler des rapports à sa convenance pour salir quiconque ne s’aligne pas derrière lui. Une recette éprouvée depuis 2014 ‐et visiblement, toujours aussi efficace auprès de ceux qui refusent d’ouvrir les yeux.
Par Bachir FOFANA