ECOFEST – Leçon inaugurale : Le Pr Mamadou Fall invite à réhabiliter les savoirs endogènes


La leçon inaugurale de la première édition du Festival oust-africain des arts et de la culture (Ecofest) a été donnée par un historien. Le Pr Mamadou Fall appelle à «réhabiliter les savoirs, expériences et cultures endogènes».
L’historien sénégalais Mamadou Fall appelle à réhabiliter les savoirs, expériences et cultures endogènes souvent enfermés dans des catégories folklorisantes et restés à la marge de la production mondiale des connaissances. «Nos savoirs, expériences et cultures endogènes sont restés à la marge de la production mondiale des connaissances, souvent enfermés dans des catégories folklorisantes. Il est temps d’inverser ce mouvement», a-t-il plaidé. Le professeur Fall prononçait la leçon inaugurale de la première édition du Festival oust-africain des arts et de la culture (Ecofest), qui se poursuit jusqu’au au 6 décembre sur le theme: «Mutations et crises politiques en Afrique de l’Ouest : que peut faire la culture ?»
L’historien sénégalais a par ailleurs appelé à «sortir de l’ethos occidental, du monopole du regard occidental sur les cultures africaines». «Trop longtemps, nos langues, nos rituels, nos mythes, nos proverbes et nos arts ont été réduits à des documents ethnographiques, objets d’études plutôt que sources légitimes de savoirs, de droits, de philosophie ou de science», a-t-il déploré. Selon lui, une partie des élites africaines largement occidentalisées a négligé ou sous-estimé ces héritages, les lisant comme des résidus d’un passé dépassé. Or, indique le professeur Fall, cette problématique «est cruciale», et se tient en cette question : «Comment les sociétés et les élites africaines ont-elles manqué des rendez-vous avec leur propre production de sens, d’esthétique, de valeur et de savoir pour s’installer dans des formes d’aliénation qui ont alimenté le sous-développement, la marginalisation et les conflits ?»
Mamadou Fall, spécialiste d’histoire contemporaine, estime que les mécanismes externes de production de connaissances ont façonné le récit dominant dans certaines régions du monde, notamment en Afrique. Pour inverser les choses, il préconise de changer de paradigme en refusant de considérer «la culture comme seulement un objet de contemplation esthétique, un supplément d’âme que l’on convoque à l’heure des cérémonies». La culture «est la matrice vivante de l’identité collective et l’espace où se négocient, depuis des siècles, des équilibres entre humain, environnement et sacré», souligne le coordinateur du projet Histoire générale du Sénégal. Selon lui, «la culture doit être reconnue comme un lieu de production de sens et de valeur, un marché structuré avec des actifs, des titres et des marques collectives. Elle doit aussi comporter une banque de la créativité où se déposent et se valorisent des capitaux immatériels». Il en appelle ainsi à former une nouvelle génération de «refondateurs de nos cultures», après les périodes de l’engagement culturel dans les années 1930, de l’engagement politique des indépendances et celle de l’engagement des développementalistes des années 1980. «Cette génération des refondateurs des cultures doit recentrer la production culturelle sur les lieux où se produisent le sens, le sacré, le beau et le bon dans le quotidien des communautés, car le levier culturel est si puissant dans la vie communautaire comme dans les relations internationales», explique-t-il.
Pour ce faire, 19 leviers peuvent être considérés comme «priorités stratégiques», dont celui qui doit inciter à «assumer l’unité et la diversité des cultures ouest-africaines en les pensant comme un patrimoine vivant, pas comme un décor». Il préconise aussi de réinstaller dans les raisonnements quotidiens, la dimension du talent et de l’histoire partagée. «Les épistémologies du Sud invitent à écrire nos histoires à partir de nos propres temporalités, de nos propres périmètres, et non plus seulement comme une suite d’épisodes reliés aux grands moments de l’histoire urbaine», affirme Mamadou Fall.
Aps



