Né en 1996 dans la banlieue dakaroise, le groupe Tim Timol a bercé jusqu’aux années 2000 les premiers fans de rap au Sénégal. Avec des titres comme Na fi diok, une chanson dédiée à la lutte contre la drogue et qui servira de slogan de campagne à Abdoulaye Wade, ce groupe a largement contribué à écrire les premières pages de l’histoire du mouvement hip-hop au Sénégal. Mais vers le début des années 2000, l’histoire prenait fin. Et les 4 membres empruntaient chacun une route différente.
17 ans après, Mounty «is back». L’artiste qui s’est reconverti en producteur musical et vit depuis plusieurs années maintenant en Belgique est de retour au Sénégal. Il annonce la sortie en juin prochain de son premier solo Imamoul Mounty dans la place. «Je suis venu, il y a 2 ans, à Dakar avec ma femme. On a trouvé des handicapés qui rampaient dans la rue sous un soleil de plomb. Cela m’a fait très mal de les voir ainsi. Ces gens ont besoin d’aide. Là, je me suis dit, je vais me relancer dans la musique pour essayer de les aider», confie-t-il. Cet album qui sera composé de 13 titres devrait marquer le grand retour de Mounty dans la musique, comme son nom l’indique : Dans la place. «Ça veut dire je suis de retour. J’ai déjà sorti le single Allahou merci pour annoncer l’album. Il y aura également un son qui parle de l’amour, Ma Faty. Des sons anti-drogue. Des sons antiviolence… Je touche des thèmes sensibles que la plupart des chanteurs n’abordent pas dans leurs morceaux», indique-t-il. Ce qui est important aux yeux de l’artiste, c’est de poser un acte de haute portée humanitaire et citoyen. «Je suis avant tout un citoyen sénégalais. Et en aidant les handicapés physiques du Sénégal, j’aide l’Etat qui ne peut pas tout faire», explique-t-il. 40% des recettes que générera cet album seront ainsi reversés aux associations de handicapés du Sénégal, notamment celles vivant dans la région du fleuve Sénégal, à Dakar et dans le Sud… «Mon équipe et moi avons contacté des associations qui sont surtout dans la région du fleuve parce que là-bas, il fait plus chaud encore. Et nous irons distribuer du matériel au Fouta (Ndioum, Podor, Agnam…), en Casamance et ici à Dakar (Grand Yoff, Gorée). Je ne veux plus voir des mendiants avec leurs poussettes. Ça me fait mal», souligne-t-il.
La sortie en juin de Imamoul Mounty dans la place coïncidera avec le débarquement d’un container de matériels pour handicapés. «Ma femme est infirmière dans une structure en Belgique. Elle m’a aidé à contacter des hôpitaux. Et nous avons à ce jour collecté du matériel dont les hôpitaux ne se servent plus», mentionne-t-il.
Il y aura entre autres plus de 800 scooters pour handicapé, des poussettes, des rouleurs et des milliers de béquilles, plus de 6 000 ordinateurs… Pour Mounty qui a une infirmité à la jambe gauche depuis ses 4 ans, c’est l’occasion de partager la souffrance des personnes à mobilité réduite. Il se souvient encore des propos incongrus que certains n’hésitaient pas à lui lancer à la figure. «Lorsque j’ai commencé avec Tim Timol, tout le monde rigolait de moi pour dire lafagnbi, watial scène bi way démal yelwaani (Ndlr : Espèce de handicapé, descends de la scène et vas mendier !», narre-t-il, invitant par ailleurs l’Etat à s’investir pour les soutenir. «Si l’Etat peut ouvrir des centres où les handicapés peuvent apprendre le montage des ordinateurs, apprendre à faire des choses avec leurs mains et gagner leur argent proprement au lieu de mendier, de tendre la main, ce serait très bénéfique», estime-t-il.
Mounty indique qu’il ne s’agit pas seulement de leur donner des scooteurs ou des poussettes. Il est surtout question d’ouvrir des centres où ils peuvent apprendre à travailler avec leurs mains. «Il y a beaucoup de choses à faire avec la main. Monter des ordinateurs par exemple ou le triage des enveloppes. En Europe, ces genres de boulots, ce sont les handicapés qui les font. Pourquoi pas ici ? Pourquoi on doit nécessairement aller mendier ?», interroge-t-il, non sans exhorter les mendiants eux-mêmes à être «dignes» et ne pas se considérer comme des gens voués à la misère. «Il n’y a pas de sous homme, ni de blanc, noir, handicapé, aveugle. On est tous des humains et chacun a un talent quelque part», prêche-t-il. Son talent à lui, il en use pour aider son prochain. Et il n’entend pas s’arrêter aux seuls handicapés. «En Afrique de manière générale et au Sénégal en particulier, les femmes souffrent énormément. Certaines sont atteintes de fistules, d’autres de maladies et ne peuvent pas se soigner parce que fadiou amoul fi (Ndlr : nous sommes dépourvus de système sanitaire adéquat). Dans le nord, nos mamans ont des problèmes de genou, de dos. On est en train de penser à tout cela», lance-t-il.
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