Le Collectif des «diambars» du Golfe a tenu hier une marche pacifique de la Place de l’Obélisque au rond-point Rts. C’était pour réclamer leur indemnisation, 27 ans après la première guerre du Golfe. Ils annoncent qu’ils vont saisir un juge compétent au niveau national et si ce dernier se déclare incompétent, ils iront vers les juridictions internationales pour faire condamner l’Etat du Sénégal.
«Diambars du Golfe : 27 ans de misère, 27 ans de dilatoire, 27 ans d’injustice, après avoir servi sous les drapeaux», pouvait-on lire hier sur les pancartes des survivants de la première guerre du Golfe, des veuves et orphelins qui tenaient une marche hier pour réclamer leur indemnisation à l’Etat du Sénégal. De la Place de l’Obélisque, en passant par les Allées du Centenaire, pour finir à la Rts, les marcheurs scandaient ensemble, «primes de guerre, guerre du Golfe», pendant 1h et demie de temps de marche. Brassards rouges à la main, bandeaux rouges… Rien n’était de trop pour ces soldats et familles des victimes pour réclamer ce «qui leur revient de droit».
Mame Makhtar Guèye, médiateur dans ce dossier, d’expliquer les raisons qui les ont conduits à manifester. «500 milliards de francs Cfa ont été collectés pour l’indemnisation des victimes. Cet argent, l’Onu l’a réparti en deux tranches. La première, c’était pour indemniser les dommages collatéraux civils, la 2e partie consistait à dédommager les soldats qui avaient subi des pertes, notamment en vies humaines. Donc l’argent est venu, mais malheureusement, contrairement aux autres contingents, le contingent sénégalais n’a pas reçu un franc de cet argent», explique-t-il. Avant d’ajouter qu’ils ont interpellé le président de la République. «Mais par honnêteté, je ne peux pas dire que le dossier n’a pas avancé parce que l’Etat nous avait ouvert 4 portes», informe M. Guèye. Il cite : «J’ai été reçu par Augustin Tine (Ndlr : ministre des Forces armées), nous lui avons démontré que l’argent était venu, mais probablement détourné. Après le ministre des Forces armées, nous avons été reçus par Omar Youm (Ndlr : le directeur de Cabinet du président de la République), et enfin le Premier ministre a hérité du dossier.»
Le secrétaire général de l’Ong Jamra a, en outre, dit au Pm : «Vous avez tout pour passer au payement des indemnisations. Il m’a fait comprendre que le dernier mot revient au chef de l’Etat en sa qualité de chef suprême des Armées. Il m’avait dit de leur donner du temps et cela fait 3 mois, c’est trop.» C’est cette raison qui explique, selon lui, la tenue de cette marche pour interpeller le Président Sall.
L’avocat de ces soldats, veuves et orphelins, Me Abdoulaye Tine, a souligné qu’il y a eu plusieurs rencontres avec l’Etat du Sénégal, «sauf qu’il y a un temps pour la négociation et un autre pour l’action». Ainsi, il a annoncé que dès la semaine prochaine, ils vont saisir un juge compétent au niveau national pour lui demander d’ordonner une expertise financière concernant cet argent. «Nous allons nous battre aussi pour que les veuves, les orphelins soient indemnisés de manière adéquate. Il y a des personnes blessées, il va falloir que l’Etat les indemnise aussi», poursuit-il. Non sans soutenir qu’en cas de résistance abusive et pour X raisons par extraordinaire une de nos juridictions nationales compétentes se déclare incompétente, «nous irons vers les juridictions internationales où on pourra sans aucune difficulté faire condamner l’Etat du Sénégal».
L’historique de la première guerre du Golfe
Lorsque l’Arabie Saoudite, après l’agression d’un pays voisin à savoir le Koweït par l’Irak, avait lancé un Sos adressé à la Ummah islamique mondiale, le Sénégal avait répondu présent en envoyant 495 hommes qui sont venus renforcer les 33 contingents envoyés par 33 pays pour protéger le territoire saoudien. La mission a duré 6 mois, de septembre 1990 à mars 1991. Malheureusement, au terme de leur mission, alors que les «diambars revenaient de la Umra, leur avion a connu un crash terrible le 2 mars à 4h 40 du matin. Le résultat : il y a eu 93 morts sénégalais sur le coup».
Au retour de leur mission, se remémore Mame Makhtar Guèye, les 402 survivants, accompagnés des 93 veuves et de leurs orphelins, ont remué ciel et terre pour rentrer en possession de leur indemnité de guerre «parce qu’il y a eu des indemnisations qui viennent du fait qu’après la guerre, l’Onu avait exigé de l’Irak de réparer les dommages causés aux civils, mais également aux contingents», rappelle Mame Makhtar Guèye. Mentionnant que Saddam Hussein avait fait savoir qu’il n’avait plus d’argent, qu’il avait tout dépensé pendant la guerre. Les autorités onusiennes lui ont dit : «Vous n’avez pas d’argent, mais vous avez du pétrole.» C’est en ce moment-là que le Conseil de sécurité s’est réuni et avait construit la résolution 1483, communément appelée résolution d’embargo pétrole contre nourriture. Cela consistait, d’après M. Guèye, à bloquer les frontières irakiennes pour n’autoriser l’importation de blé, de maïs et autres vivres que si Saddam Hussein acceptait de payer en pétrole. «Il y avait une commission qui était chargée de collecter ces pétroles ; c’est la Commission d’indemnisation des Nation unies (Cinu). Au terme de cette collecte de pétrole, des millions de barils ont été vendus dans les marchés internationaux. Et cela a permis de récolter 500 milliards de francs Cfa», se rappelle-t-il enfin.
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