En Afrique, la politique se réduit souvent à l’électoralisme. Et s’il en est ainsi, c’est bien parce qu’elle a fini d’engendrer une forme de modèle de gouvernance qui s’apparente à une pratique essentiellement marquée par une politique politicienne, laquelle consacre la politique des médiocres, assez souvent promus à des postes de responsabilité qui ne reflètent pas véritablement leurs compétences.
Compte-tenu de cela, une rupture s’impose dans l’acception même de la gouvernance démocratique, entendue comme une gestion (des institutions) de la cité, par la gestion des organes mêmes qui contribuent à la viabilité du pouvoir politique, lesquels constituent des groupes de pression sur le chef de l’Etat dans l’exercice de son pouvoir. Parmi eux, nous notons l’opposition et la société civile, comme deux entités qui ont en partage (en principe, notons-le) l’intérêt du Peuple, ce qui explique qu’elles sont considérées comme des espaces de contrepoint idéologique du pouvoir.
Aussi, si, comme nous le disions tantôt, une révolution démocratique s’impose en Afrique particulièrement où les problèmes liés à la compétence réelle des gouvernants se pose, à côté des difficultés autres auxquelles se confronte l’Etat dans l’exercice du pouvoir, c’est parce que les leaders d’opinion que constituent entre autres les membres de l’opposition, à côté de ceux de la société civile, se trouvent confrontés dans leur réalité à une exigence de redéfinition de leurs objectifs réels sont-ils de simples opposants au pouvoir en place ? Ou bien représentent-ils réellement des espaces qui privilégient la voix du Peuple en se faisant le porte-voix de ce dernier auprès du pouvoir en place ?
En Afrique, où faire de la politique est entendu souvent comme l’un des meilleurs moyens de promotion sociale, une marque d’intérêt matériel, nous notons souvent une opposition stratégique, composée de membres de parti qui ont œuvré (par le phénomène de la transhumance souvent ) à ce que les électeurs élisent un président de la République sur la base (non avouée) d’une récompense promise à des postes de responsabilités, tout cela, notons-le, s’exerçant à l’insu des électeurs, utilisés comme fin aux desseins souvent inavouables des hommes politiques. Nous voyons ainsi se dessiner une trahison dans la conception que nous devrions avoir de l’opposition, une opposition qui est devenue purement stratégique de nos jours, dont les membres, issus de différents partis politiques, ne sont mus les uns les autres que par leur intérêt.
Nous nous trouvons ainsi confrontés à un problème d’ordre éthique, avec la nouvelle conception que les hommes politiques ont de l’opposition, le militantisme politique n’étant plus désintéressé. Par où nous lisons une transgression de la règle liée au civisme, dans la mesure où le soutien des partis politiques de nos jours est «âprement monnayé selon le poids de l’électorat qu’ils font miroiter au Président».
Quant à la société civile, elle est biaisée dans son acception même.
Il convient de savoir avant tout que si on se fonde sur une approche du concept, disant ce qu’elle n’est pas, la société civile n’est pas un parti politique, pas un syndicat, mais si on regarde de près la manière dont cette société civile se présente en Afrique, au Sénégal en particulier, la société civile s’apparente davantage à un parti politique, alors que l’indépendance par rapport aux partis politiques et l’autonomie devraient régir le statut de la société civile. Ce qui fait que les membres de la société civile se présentent de nos jours comme des hommes politiques aux desseins déguisés. On en rencontre ainsi qui sont devenus des conseillers de princes, ministres défendant des causes éloignées de celles qu’on leur connaissait du temps de leur gloire intellectuelle. Ce que nous trouvons de paradoxal à ce niveau de l’analyse, c’est le fait de se réclamer souvent de la société civile en étant membre de l’Etat, plus exactement en ayant une charge étatique quelconque. Et le président de la République est d’autant plus conscient de la «réalité» de ces gens qui appartiennent à la société civile ainsi que de la marque de sympathie qu’ils ont suscitée pendant une époque de l’histoire politique de certains pays (le Sénégal, en 2012, avec des leaders d’opinion qui se réclamaient de la société civile comme Y’en a marre, entre autres), qu’il devra tenir compte des critiques et propositions de la société civile.
Ainsi, comme nous le disions tantôt, une révolution aussi bien démocratique que civique s’impose dans le domaine d’expression du pouvoir, en vue d’une meilleure gestion de la cité et des hommes.
Une gouvernance démocratique apaisée en Afrique ne pourrait, à mon avis, être construite qu’en tenant compte de la nécessité d’intéresser son Peuple à l’exercice du pouvoir, sans intention de le tromper en le manipulant inconsciemment. A ce titre, un contrat dans le sens du «contrat social» devrait s’établir entre le prince, l’opposition, la société civile et le Peuple, contrat sur la base duquel on détermine les règles d’exercice du pouvoir, mais aussi les mécanismes qui permettent de prendre en compte l’intérêt général d’un Peuple que l’on traiterait comme un égal ; cela, dans la mesure où c’est le Peuple lui-même qui fonde l’autorité et la réalité de la souveraineté dans un régime véritablement démocratique. Ce n’est qu’à ce prix que la paix (qui est l’apanage de toute aspiration au vivre collectif, et donc un enjeu politique) serait possible enfin en Afrique où la démocratie et les droits de l’Homme sont souvent piétinés, où les Présidents, faisant de l’autorité et donc du pouvoir une affaire de famille, n’hésitent pas à truquer le jeu du pouvoir, parfois au mépris du respect des droits de l’Homme garanti par des textes majeurs et qui est le principe fondateur de la citoyenneté.
secksagar@yahoo.fr