Le Directeur général de l’Agence de construction des bâtiments et édifices publics aurait choisi un civil à la place d’un militaire pour diriger le comité de suivi du Force Covid-19. Sans dénier aux militaires leurs compétences, Hamady Dieng estime que ces derniers sont meilleurs dans la mise en œuvre des opérations comme celles que doit exécuter cette structure. Dans cet entretien, il évoque les activités de son mouvement politique et les réalisations et nouvelles ambitions de l’agence qu’il dirige depuis le limogeage de Mme Socé Diop Dione, épinglée par le dernier rapport de la Cour des comptes.

Vous faites vos premiers mois à la tête de l’Agence de construction des bâtiments et édifices publics (Acbep). Celle que vous avez remplacée avait été épinglée dans sa gestion par la Cour des comptes dans son dernier rapport. Comment comptez-vous corriger les failles relevées par cette juridiction financière en entamant votre mission ?
Je ne vais pas, peut-être, aller dans votre sens en disant que la gestion passée de l’agence a été épinglée. Parce que ce que j’ai compris, c’est un constat des faits mais qui ne va pas dans le sens de la gestion proprement dite de l’agence. Ce sont des situations qui peuvent arriver quand on parle d’ordres de mission. Pour moi, c’est un peu superficiel. Les missions de l’agence, c’est que c’est une structure d’ouvrage déléguée, qui prend en charge des constructions, qui gère des finances des structures partenaires. Donc, c’est dans ça que la gestion se trouve, mais pas dans des épiphénomènes.
J’ai été rassuré quand je suis venu à cette agence. D’abord de par les textes qui l’organisent, qui la structurent, qui sont très clairs, si chacun respectait ce qu’il devait respecter. La deuxième chose traduit la volonté du gouvernement, du président de la République de doter le pays d’une structure, qui a des aptitudes de prendre en charge la construction de nos bâtiments et nos édifices pour les mettre à la disposition des fonctionnaires.
La troisième chose : j’ai trouvé dans cette agence un personnel qualifié, disponible, suffisamment organisé et suffisamment méticuleux. Quelles que soient les difficultés rencontrées, si un management leader arrive, il est facile de fusionner ce leadership avec ce que j’ai trouvé sur le terrain. Bien sûr, il y a toujours des domaines qu’il faudra améliorer. D’ailleurs, on n’a pas hésité. Toute suite, nous sommes engagés à améliorer ces domaines-là : devenir une structure de référence en termes d’études techniques et d’études de faisabilité qu’on nous confie. Nous avons estimé qu’il faut créer au niveau de l’agence un Bureau d’études. Au lieu d’aller toujours vers les autres Bureaux d’études extérieurs ou privés, nous devons, avec toutes les compétences que nous avons, avoir notre Bureau d’études en interne.
Ce sont les ministères et les institutions de la République, qui nous donnent du travail à partir de leur expression de besoins liés à leur fonctionnement. Avec toutes les compétences que nous avons, il fallait négocier, discuter avec les partenaires ; être un avec les partenaires. Le personnel a très bien compris cela, tous les goulots d’étranglement ont été débloqués.
Pour asseoir cette démarche-là, nous allons proposer à nos partenaires des conventions pour que nos rapports soient beaucoup plus structurés et que chacun sache dans ce partenariat-là quelle est la place de chacun. Nonobstant cela, il est bon de rappeler quand même que l’Acbep depuis bientôt 7, 8 ans, a réalisé plus de 67 projets livrés et le montant de ces réalisations tourne autour de 60 milliards. Donc, c’est une grande structure qui a fait des résultats visibles qui sont occupés dans les universités, dans certaines régions du Sénégal, certains établissements de formation professionnelle qui sont des projets de valeur, de qualité qui ont été livrés.

Le chef de l’Etat, en vous nommant à ce poste, montre l’intérêt qu’il accorde à cette structure, quelle est la feuille de route qu’il vous a remise pour la gestion de l’Acbep ?
La feuille de route ne change pas. Elle est dans le décret qui a créé l’agence en 2011. Nous avons pour mission de construire les bâtiments et les édifices de la République. Maintenant, tout cela est accompagné par un texte qui le réglemente véritablement. On dit que nous avons pour mission de construire des bâtiments et des édifices publics. On n’a pas dit tous les bâtiments et édifices, donc nous nous allons chercher des bâtiments dont nous sommes sûrs, avec notre capacité technique et humaine, qu’on peut exécuter et qu’on pourra suivre.
La feuille de route, c’est effectivement d’abord au niveau interne de réorganiser le travail, de développer une collégialité dans le travail, de retrouver une unité d’action au niveau de l’agence et de libérer les énergies surtout. C’est-à-dire de permettre aux gens seulement d’exister dans les idées, c’est-à-dire les pousser à prendre des initiatives.

Vous êtes aussi le coordonnateur de la Rencontre des acteurs et mouvements pour l’émergence (Rampe). Elle mène beaucoup d’actions et s’intéresse souvent aux débats publics et politiques. Que peut-on retenir de l’impact des activités de votre organisation sur vos cibles ?
J’ai proposé au chef de l’Etat de me permettre, de m’autoriser à mettre en place une structure qui me permet d’être plus utile  dans ce que je fais et dans ce qu’il fait. Il  l’a accepté en 2015, 2016. A partir de ce moment, nous avons mis en place la Rampe : la Rencontre des acteurs et mouvements pour l’émergence. Ce mouvement s’est inscrit tout de suite dans l’action politique.
Nous avons farouchement soutenu les filets sociaux du président de la République. Parce que cela permet un peu de rassurer à la base, de libérer les gens du quotidien, du comment je vais me soigner aujourd’hui, comment je vais manger demain… Et à partir du moment où ils sont libérés, ils peuvent participer à la construction de leur pays. Mais nous avons construit autour de la Rampe des actions très sociales très importantes, particulièrement structurées autour des populations vulnérables telles que les veuves et les orphelins, les handicapés, les enfants qui sont dans les établissements dont les moyens des parents sont faibles.
De 2016 à 2019, nous avons eu à poser des actes assez retentissants dans ce pays. C’est pourquoi je peux dire aujourd’hui que la Rampe est certes une structure nationale voire même une structure internationale.

Le marché de la distribution des vivres pour les populations impactées par le Covid-19 a récemment suscité une polémique. Certaines franges de l’opinion n’ont pas trouvé le ministre du Développement territorial convaincant dans ces explications. Etes-vous du même avis que ces citoyens-là ?
Il y avait une contrainte de temps, de nécessité. C’était peut-être le raccourci parce que les populations demandaient ce qu’on peut faire pour elles : fallait-il retarder ou faire le choix que nous avons fait ? Le choix qui a été fait peut être bon dans la mesure où on avait déjà un fichier, qui est le Registre national unitaire. Je sais qu’il n’est pas fiable parce qu’il a été conçu sur la base politicienne dans certaines localités. Ca va poser des problèmes. Mais il y a une possibilité de corriger. Comme il a été perçu que l’offre est supérieure à la demande, donc il y a une possibilité d’élargir les bénéficiaires. C’est à ce niveau qu’il faut juger les choses.
Le Sénégalais est par nature partisan : chacun pense à ses proches, à ses parents. C’est la vérité ! Cela a créé beaucoup de difficultés. J’ai eu des retours comme quoi des membres de la Société civile, des Badiénou gookh posent problème. Car ils recensent ceux qu’ils veulent. On ne savait pas que ça allait se passer comme ça au départ. Il fallait mettre l’Armée avec l’Admi­nistration territoriale. Les autres sont des partisans ; ils créent une situation à la limite impossible.
J’aurais fait des bons d’achat parce que les besoins ne sont pas nécessairement ce qu’on a donné surtout qu’on dit que le riz distribué n’est pas de qualité. C’est un appel d’offres, on ne voit que des sacs. Le système de contrôle n’est pas évident.
On a connu que ce genre de distribution en période de crise, donc on ne retient que cela. En résumé quelle que soit la personne, en dehors de l’Armée qu’on a mise là-bas, on allait avoir le même bruit. Si la gestion était confiée à l’Armée et à l’administration sociale et qu’on mette les gens de la Société civile et politiques out, on allait avoir des résultats significatifs. A ce niveau-là je n’ai pas de reproche à faire au ministre qui se démêle comme un beau diable. Mais il est difficile de convaincre les Sénégalais, car il y a des préjugés, des perceptions qui faussent l’analyse.

Comment appréciez-vous la présence de certaines personnalités présentes au Dialogue national ? Certains disent même que le Président a mis la charrue avant les bœufs en nommant le général Ndiaye.
Quand on s’inscrit dans une logique inclusive de partage, de voir toutes les sensibilités et entités participer à la gestion d’un bien commun, on ne peut pas ne pas recevoir de critiques. Ceux qui sont dedans vont apprécier et ceux qui n’y sont pas vont réagir dans un autre sens. Il faut être dans un esprit positif, savoir que ce comité est mis en place pour garantir la transparence des actions. Jusqu’où seront-ils à la hauteur ? Ils seront jugés après. Au Sénégal, on va vite en besogne. On critique avant l’exécution de la mission. Ils doivent avoir le bénéfice du doute parce qu’ils sont de grandes personnalités.
Par contre, j’aurais préféré qu’on mette en avant un civil plutôt qu’un militaire. Un civil à la tête et les militaires dans la mise en œuvre, c’est ma préférence. Car il ne faudrait pas qu’on fasse croire que les autres sont mauvais ou qu’ils sont incapables d’organiser la transparence ou de développer. On prépare les gens à un esprit négatif. Ils sont très efficaces dans la mise en œuvre. Mais dans la direction, il faudrait que les civils prennent la place. Et on peut trouver des civils qui sont capables d’être indépendants et résilients dans ce qu’ils font et de pouvoir diriger des actions de ce genre.