Le 20 mars 2020, ce sera la fin de mission de la première génération des Agents de sécurité de proximité (Asp). A moins que le président de la République, Macky Sall, ne décide de prolonger leur contrat. Comme un couperet, la nouvelle a douché l’enthousiasme des centaines d’agents qui s’interrogent sur leur avenir. Engagée pour une durée de 2 ans, renouvelable une seule fois, la première génération a vu son contrat «exceptionnellement» être renouvelé une troisième fois par le chef de l’Etat. En attendant la date fatidique, ils espèrent une nouvelle prorogation pour s’éviter des mois d’incertitude dans la recherche d’emploi.
On compte les jours, on tend les oreilles vers la Présidence pour espérer une décision contraire qui va évidemment apaiser leur inquiétude. Le 20 mars, c’est la fin d’une aventure pour la première génération des Agents de sécurité de proximité (Asp). A moins que le président de la République, Macky Sall, qui a instauré ce corps il y a 7 ans décide de proroger leur mandat. Comme il l’avait fait il y a deux ans. Autant de «si» qui plongent dans l’incertitude les 7 000 volontaires engagés lors du premier recrutement en 2014. «Catastrophe !», répète au téléphone un Asp en service dans une ville au sud du pays. Il n’en revient pas. Il a appris la nouvelle comme un coup de massue sur la tête. «C’est une dame qui m’a informé depuis Dakar de la décision prise par le président de la République. Elle m’a même révélé que Macky Sall risque de supprimer l’Asp. Aujourd’hui, beaucoup de collègues estiment que si la première génération part, les autres n’ont plus d’espoir», a-t-il exprimé au bout du fil avec de la désolation dans la voix. Et depuis l’annonce, il ne cesse de cogiter sur son avenir, des questions légitimes hantent son esprit. Comment après trouver un autre boulot pour entretenir ses enfants et leur maman ? Selon lui, beaucoup d’entre eux ne sont pas encore informés. Rencontré devant la Daf, située en face de la mosquée omarienne sise sur la corniche, cet agent est surpris par cette décision qui est tombée comme une bombe au milieu d’une colonne d’Asp. «C’est vous qui me l’apprenez. Je ne suis pas au courant», soutient-il avec un air bouleversé. Après ces quelques mots échangés, l’agent rejoint son poste. Que faire même si la plupart des agents ont bénéficié de formations connexes en perspectives de ce jour fatidique ?
«Combien d’ingénieurs sont au chômage ?»
Agent dans un commissariat dakarois, un jeune homme pianote sur son smartphone mal éclairé et compte les jours qui le séparent du chômage. «Ça nous plonge dans l’incertitude. J’ai été formé en informatique, mais combien d’ingénieurs sont en chômage. On recommence à zéro sans aucune garantie que ça va marcher», dit-il. Depuis 7 ans, il participe à des opérations de sécurisation, de démantèlement de gangs de trafiquants de drogue, à la régulation de la circulation. «C’est incroyable tout ça. On ne va rien capitaliser et on peut se retrouver dans l’insécurité parce que certains d’entre nous ont participé à des opérations très dangereuses. C’est un appel que je lance parce qu’on ne peut pas entériner la mesure», prie-t-il. Tout ça a un goût de cendres dans sa bouche.
Originaire du Sud du pays, il a eu à bénéficier d’une formation dans les domaines de l’agriculture et de l’élevage, sanctionnée d’une attestation. Il est de la 1ère génération. «Nous sommes inquiets», confie-t-il. Père de famille, il pense déjà à venir chercher du boulot à Dakar si cela venait à être effectif. Au-delà de son cas spécifique, il pense qu’une libération peut avoir des conséquences «parce que, dit-il, les anciens militaires détachés à la police ou à la gendarmerie connaissent déjà les arcanes de l’Administration sécuritaire. Ils savent beaucoup de choses qu’ils peuvent tenter de faire pour se faire de l’argent demain».
Il n’est d’ailleurs pas le seul à avoir cette idée en tête. Interrogé sur la question, un agent des services de renseignement a épousé l’analyse de l’Asp. Selon lui, la recrudescence des cas d’agression, de vols à l’arrachée, etc. risque d’arriver à un niveau beaucoup plus élevé. Pour lui, ce n’est pas une bonne option de libérer ces Asp. Un Agent de sécurité de proximité (Asp), servant dans une autre ville à l’Est du pays et qui a servi dans l’Armée nationale pendant deux ans, estime aussi que le départ de tous ces gens peut constituer un danger pour les Sénégalais. Il est de la première génération. Il dit : «Ces gens ont été formés, surtout les anciens militaires, au maniement des armes, à la sécurité, à la défense, à la protection. Remercier des pères de famille comme ça, c’est leur demander d’aller chercher encore du boulot. Chose qui n’est pas facile au Sénégal.»
Agents d’appui dans les commissariats et brigades
Dans les bridages de gendarmerie et les commissariats de police, ils font partie du décor. Dans les couloirs, ils se démènent pour gérer les papiers de légalisation. Bref, ils sont des acteurs essentiels du système qui a donné des résultats malgré quelques couacs. «Nous avons ici des gosses qu’on a formés en informatique. C’est une décision qui vient d’en haut, ils n’en peuvent rien. Ils étaient là comme manutentionnaires. Lorsque l’appel à candidatures pour l’engagement dans le corps a été lancé, ils ont été intégrés. A la suite de leur formation, ils ont été rappelés à la Daf. D’autres sont actuellement en formation à l’initiation aux nouvelles machines pour les enrôlements. Ils maîtrisent bien l’outil informatique», révèle un flic, affecté à la Direction de l’automatisation du fichier (Daf). Cet autre Asp en service aussi à l’intérieur du pays, notamment à l’Est, issu de la deuxième génération, est d’avis que la décision du Président ne sera pas sans conséquences. Il argue que les agents de sécurité de proximité connaissent trop de choses. Et il poursuit : «Si on ne renouvelle pas le contrat de la première promotion, il y aura problème. Nous, nous ne pouvons plus continuer parce que là nous saurons maintenant que tôt ou tard, nous serons libérés de la même manière. A partir de ce moment, il n’y aura même plus de travail parce que les gens ne sont plus motivés.» Au moins, lui, il a fait une formation en installation et maintenance en système photovoltaïque de la part de la direction de l’Asp, corps créé par décret n° 2013-1063 du 5 août 2013. Ils sont pratiquement 10 mille jeunes volontaires à s’engager au service de la sécurité citoyenne. L’engagement civique est d’une durée de deux (2) ans, renouvelable une fois. Dans les textes, consultables sur le site, il est dit que l’Agent de sécurité de proximité (Asp) est un assistant qui s’engage, unilatéralement, pour servir son pays dans un esprit civique. L’agent concourt à la mise en œuvre de la gouvernance sécuritaire de proximité en rapport avec les acteurs régaliens, à savoir la police et la gendarmerie. Mais également, l’accueil, la surveillance et le contrôle de l’accès du site sur lequel il est déployé rentrent aussi dans son domaine de compétences, sans oublier le renforcement des Administrations dans leurs missions de service public. «Son statut d’engagé civique le distingue du bénévole et du salarié. L’Asp n’est ni fonctionnaire ni embauché au sens du droit du travail. Il s’engage d’une manière formelle pour une durée limitée dans un but d’intérêt général. Il perçoit en contrepartie un pécule», précisent les textes. Il est mentionné qu’après sa formation, l’Asp s’engage volontairement à servir son pays, en apportant sa contribution dans la mise en œuvre du concept de sécurité par tous, pour tous et partout. Cet acte citoyen est matérialisé par la signature d’un contrat d’engagement civique individuel d’une durée de deux ans, renouvelable une fois pour la même durée. Le recrutement cible les Sénégalais des deux sexes, âgés de 24 à 40 ans, et qui jouissent de leurs droits civiques. Pour le recrutement, aucun diplôme n’est au fait exigé, dans un souci de respect de l’égalité des chances. Les personnes vivant avec un handicap ne sont pas aussi exclues du système. Ces personnes à mobilité réduite sont prises en compte dans le recrutement, tenant compte des services adaptés à leurs aptitudes physiques. Lors des deux précédents recrutements, les critères de sélection ont été l’engagement civique antérieur, le cursus scolaire des candidats, les expériences professionnelles, entre autres. Ces agents retenus ont été formés dans des domaines tels que la connaissance des acteurs de la sécurité, l’hygiène et la salubrité publique, la sécurité-incendie, la protection de l’environnement. Mais aussi ils ont eu des cours en droit pénal, en droit spécial, la procédure pénale, la gouvernance sécuritaire de proximité, la connaissance de l’Etat et des institutions, l’instruction civique, la déontologie et la discipline.