Adopter une méthode cartésienne pour réaliser les politiques publiques

Nous comprenons que l’exercice du pouvoir politique est une tâche ardue dans la mesure où les promesses électorales semblent souvent se transformer en une vue de l’esprit. En Afrique comme ailleurs, les pouvoirs politiques sont confrontés à de grands problèmes planétaires, c’est-à-dire des défis mondiaux tels que les bouleversements liés aux diverses mutations de l’économie de marché, aux modifications des rapports de l’homme à la nature créées par un système consumériste entraînant partout des inégalités et violations des droits fondamentaux de l’Homme, un système financier mondial qui crée des déséquilibres et une mauvaise répartition des richesses. Les lourdes conséquences du Covid-19, la guerre en Ukraine avec ses perturbations sur la Mer noire impactant les importations des denrées alimentaires et le transport maritime, les crises politiques et le terrorisme dans le Sahel, la guerre au Moyen-Orient qui bouleverse brutalement les relations internationales, les attaques des Houthis du Yémen sur la Mer rouge contre Israël et les Usa perturbent le trafic maritime mondial. Récemment, le naufrage du cargo qui transportait 21 000 tonnes d’engrais à base de sulfate de phosphate d’ammonium va créer, pendant une longue période, une catastrophe écologique inouïe. Tous ces éléments constituent une contrainte internationale marquée par le consumérisme, la crise d’un modèle social, une situation de séduction du marché de consommation, une migration et une inégalité profonde. Cette situation qui rend souvent difficile la réalisation de promesses électorales. «Les promesses de lendemains meilleurs ne seraient-elles plus qu’un rêve ou un leurre ?» Au niveau interne, nos Etats font face à deux types de contraintes : l’un est de nature budgétaire, l’autre est écologique. Le premier est caractérisé par un manque de ressources financières et une dépendance alimentaire, le second est lié aux problèmes environnementaux et géographiques tels que les sécheresses, la rareté de l’eau potable, la croissance urbaine, la santé, les inondations, la famine et l’extrême pauvreté.
Devant cette situation qui compromet toute politique ou hypothèse et rend illisible et incompréhensible l’avenir, il faut adopter une méthode cartésienne et prudentielle pour la résolution des problèmes et anticiper sur les éventuelles crises. Il s’agit tout simplement de se départir de la logique politicienne et démagogique pour épouser une posture épistémologique nous permettant de comprendre les véritables causes des problèmes et produire des connaissances pour les résoudre. Il faut avoir une méthode et une bonne organisation pour mieux utiliser les moyens disponibles. Des ressources humaines très compétentes, expérimentées, informés, bien éduquées et polyvalentes pour conduire toutes les réformes et les changements nécessaires. Des hommes et femmes capables de comprendre des situations complexes et de poser des actes d’intuition et de déduction, retrouver les causes profondes afin de solutionner les problèmes par la connaissance. Connaitre les règles de la méthode, surtout la règle d’analyse des faits et phénomènes, et la règle d’ordre, c’est-à-dire la déduction dans un raisonnement discursif. En 1637, René Descartes publiait Le discours sur la méthode, dans lequel il exposait les règles qui doivent permettre à chacun de parvenir à la vérité. Il disait : «Par méthode, j’entends des règles certaines et faciles qui, suivies rigoureusement, empêcheront qu’on ne suppose jamais ce qui est faux, et feront que sans consumer ses forces inutilement, et en augmentant graduellement sa science, l’esprit s’élève à la connaissance exacte de tout ce qu’il est capable d’atteindre.»
Les défis mondiaux s’aggravent et rendent très difficile la résolution des problèmes nationaux. C’est pour cela qu’il faut travailler pour un monde nouveau ajusté sur le Rapport Brundtland de 1987 : «Un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.» De brillants intellectuels ont déjà posé les bases du développement durable comme Nathalie Kosciusko-Morizet, Laurence Tubiana, Marie Blandin et Michel Camdessus, etc. Une méthode permet de répondre sans erreur aux questions suivantes : comment satisfaire les besoins fondamentaux des populations tels que l’eau, la santé, la nourriture, l’énergie, l’habitat, le travail ? Comment assurer une bonne transition écologique ? Comment assurer la paix et la sécurité des populations ? Comment repenser nos villes pour avoir des centres urbains viables ? Comment corriger la décentralisation des politiques publiques ? Comment développer un tissu industriel dans un contexte d’internationalisation de la production et d’émergence d’entreprises multinationales ? Comment comprendre et agir sur les phénomènes migratoires ou la mobilité professionnelle ? Voila autant de questions qui méritent une étude sérieuse, un savoir-faire et une méthode. Il est impossible de redéfinir ou réinventer le monde, il faut justement savoir s’adapter aux exigences nouvelles et aux diverses mutations. Le libéralisme a créé une civilisation universelle sous l’emprise des marchés. Dans un de ses ouvrages, Monsieur Claude Albagli, président du Centre d’études sur le développement international et les mouvements économiques et sociaux (Cedimes), posait le problème de la nationalité d’un bien tel qu’un ordinateur ; son écran étant fabriqué en Corée, le chargeur en Malaisie, le manuel en Italie, les logiciels aux Usa, la sacoche en Chine et le siège social commercial en Irlande pour un distributeur établi en France.
Alpha YOUM
Spécialiste de Gestion publique et Droit social