Le Sénégal vient d’étoffer son arsenal juridique sur la répression du terrorisme. Le Code de procédure pénale et le Code pénal ont été modifiés hier à l’Assemblée. Les projets de loi no 11/2021 modifiant la loi 65-61 du 21 juillet 1965 portant Code de procédure pénale et no 10/2021 modifiant la loi 65-61 du 21 juillet 1965 portant Code pénal ont été adoptés. C’est la deuxième modification depuis 2007. Pour la majorité parlementaire, la mise à niveau du corpus judiciaire par rapport au droit international a été avancée comme prétexte pour convoquer l’Hémicycle en procédure d’urgence. Ce que conteste l’opposition qui y voit une réponse du pouvoir aux événements de mars dernier.Par Malick GAYE
– «C’est un régime de dissolution de partis politiques. En modifiant le Code pénal en son article 279-1, Macky Sall veut museler tout le monde sous le prétexte fallacieux du terrorisme. Cela va donner au procureur qui est aux ordres la latitude de poursuivre n’importe quel manifestant en se basant sur cet article. On sait ce qui motive Macky Sall. Il veut un 3ème mandat sans contestation», a dit Cheikh Bara Doli, président du groupe parlementaire Liberté et démocratie, en soulevant une question préjudicielle. Une position que la majorité ne partage pas.
La mouvance présidentielle, qui a accusé l’opposition de «manipuler l’opinion», a expliqué que les termes «piraterie maritime et le financement du terrorisme» sont les seuls changements par rapport à la loi de 2016. «Entre le texte soumis à notre appréciation et celui de 2016, quelle est la différence ? Il n’y a que 2 modifications qui sont la piraterie marine et le financement du terrorisme», a expliqué Seydou Diouf de Bby. Dans le même sillage, Aliou Kébé de la majorité a estimé que l’opposition n’a pas à «avoir peur de cette loi» pour la simple et bonne raison que «celui qui n’est pas un terroriste et qui n’a pas l’intention d’en être ne doit pas avoir peur de cette loi».
Allant plus loin dans les explications, son collègue Demba Babayel Sow a souligné le caractère «préventif de la loi». Il a, tout de même, pris le soin d’avertir en ces termes : «Il ne faut pas faire croire au Peuple que tout manifestant sera arrêté après l’adoption de cette loi. Il faut arrêter de mentir. On a des hydrocarbures, il faut savoir se protéger.» Cela n’a pas empêché des opposants comme Marie Sow Ndiaye du Pds de considérer que «nous avons le devoir moral de désobéir à une loi liberticide».
Si l’opposition est restée campée sur ses positions, Cheikh Tidiane Gadio, ancien ministre des Affaires étrangères et allié de Macky, a jugé utile d’expliquer la situation : «Le Sénégal a fait accepter à toute l’Afrique que la sécurité précède le développement. Jean Castex, Premier ministre français, disait que le Sénégal n’est pas épargné par les terroristes. Ils ont choisi de ne pas attaquer. Soumaïla Cissé, l’ancien chef de l’opposition du Mali, m’a une fois dit que le chef de la police jihadiste à Gao est un Sénégalais. Les terroristes disaient qu’ils vont attaquer les mausolées de Seydina Limamou Laye ou de Cheikh Ahmadou Bamba, car c’est contre les principes de l’islam. Ils ont des cellules dormantes au Sénégal. Il faut être sérieux. Cette loi n’est pas une réponse aux événements de mars dernier. Elle a été rédigée sous Wade en 2007», a-t-il dit. Malgré ses explications, Aïda Mbodj estime que cette loi ne vise qu’à «maintenir Macky au pouvoir. La majorité peut la voter, mais le Peuple ne va pas l’accepter, car assimiler les manifestations au terrorisme est un acte pour freiner la lutte contre le 3ème mandat».
mgaye@lequotidien.sn