Dans la matinée d’hier, le souverain pontife s’est rendu à l’église cathédrale Saint-Pierre de Rabat où l’attendaient de nombreux fidèles. Au bout d’une heure passée dans ce lieu de culte où il a prononcé l’Angélus, une prière qui célèbre les moments de l’Incarnation du Christ, le Pape François avait été ovationné à son entrée dans la cathédrale, ce à quoi il répondait par des saluts.
Le chef de l’Eglise catholique s’est ensuite adressé aux fidèles catholiques du Maroc, une petite communauté, en les mettant en garde contre toute tentation de «prosélytisme» pour étoffer leurs rangs. «Les chemins de la mission ne passent par le prosélytisme qui conduit à une impasse», fait remarquer le Pape argentin. Qui ne manque pas de se faire insistant : «S’il vous plaît, pas de prosélytisme !» Le propos papal se transforme même en conseil, lorsqu’il lance aux fidèles catholiques du Maroc : «Continuez à vous faire proches de ceux qui sont souvent laissés de côté, des petits et des pauvres, des prisonniers et des migrants.» A ces derniers, il fera comprendre : «C’est notre manière d’être avec le Christ qui est plus primordiale.» Au Royaume chérifien, le prosélytisme actif auprès de musulmans marocains peut valoir jusqu’à trois ans de prison, renseigne-t-on. Résultat : la mise en garde papale sonne comme une résonance particulière à l’endroit de ses coreligionnaires établis au Maroc.
Au cours de cette rencontre à laquelle ont pris part des représentants de l’église orthodoxe et des évêques venus des diocèses de Tanger, de Rabat et de la Préfecture apostolique de Layoune, le Pape a salué le père Jean-Pierre, un rescapé de la tuerie de Tibérine en Algérie et le plus ancien des prêtres, qui est en train de poursuivre sa vie monastique au Maroc. Sa sainteté en a fait de même avec la religieuse italienne, Eucilia Montavani, la plus ancienne des sœurs, âgée de 97 ans), et qui vient de fêter ses 80 ans de vie consacrée, comme l’avait indiqué vendredi le chargé de la presse de la cathédrale de Rabat, le prêtre Daniel Nourissat, aux médias africains venus couvrir la visite apostolique.
«Contre la haine
et la vengeance comme moyen
d’assurer la justice»
La miséricorde a été le thème choisi par le chef de l’église catholique pour la célébration de cette messe au complexe Moulay Abdallah, l’après-midi. Dans son homélie, le pape a attiré l’attention des fidèles en les mettant en garde «contre la tentation de faire de la haine et de la vengeance comme moyen légitime d’assurer la justice de manière rapide et efficace». Cette tentation «nous menace. La seule chose qu’apportent la haine, la division et la vengeance, c’est de tuer l’âme de nos peuples, d’empoisonner l’espérance de nos enfants, de détruire et d’emporter avec elles tout ce que nous aimons». «C’est pourquoi Jésus nous invite à nous regarder et à contempler le cœur du Père. C’est seulement à partir de ce vaste horizon, capable de nous aider à dépasser nos logiques à courte vue qui divisent, que nous serons en mesure de parvenir à un regard qui ne prétend pas clore ni abandonner nos différences en cherchant éventuellement une unité forcée ou la marginalisation silencieuse», suggère-t-il. La messe d’hier a été marquée tour à tour par les différentes paroles, prières et temps de méditation. Puis l’Evangile est lu, avant que ne suive le grand moment de l’eucharistie ponctué par une bousculade des fidèles pour avoir la chance de goûter au «pain» béni par le Pape.
Deux cadeaux sont remis au Pape François avant la clôture de la messe. Un arganier, arbre typique du Maroc et symbole de fraternité, et une sculpture de bronze représentant Jésus portant la croix, comme annoncé vendredi dernier par Daniel Nourissat, prêtre et chargé de la presse à cathédrale Saint-Pierre de Rabat. Sahbi Chtioui, un artiste d’origine tunisienne, en est le concepteur.
Pour cette messe, le souverain pontife était accompagné de l’archevêque de Rabat, Mgr Cristóbal López Romero, et l’archevêque de Tanger, Mgr Santiago Agrelo Martinez, de celui d’Alger et de l’évêque d’Oran. A côté de ce beau monde de religieux, des personnalités présentes figurent, au premier rang, des officiels marocains, Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur, son collègue des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Nasser Bourita et Ahmed Toufiq, ministre des Habous et des Affaires islamiques. De nombreux membres du corps diplomatique accrédité à Rabat n’ont pas manqué l’évènement.