Entre les mains de la Division des investigations criminelles (Dic) et en attendant que les raisons de leurs interpellations soient officiellement établies, Bah Diakhaté et l’imam Cheikh Tidiane Ndao font les frais de leur discours antipastéfien. En tout état de cause, ce sera mal poser le problème que de comparer leurs dires à ceux qui, sous le dernier régime, étaient dirigés contre Macky Sall et ses acolytes. Nous ne nous en sortirons pas tant que, par l’exemple, des opposants actuels et de simples témoins de l’histoire tenteront de reproduire l’impertinence et les écarts dont ils ont été victimes. Seydi Gas­sama a exhorté le nouveau gouvernement à ne pas suivre les pas de Macky Sall. Il lui faudra également demander aux militants de l’opposition de ne pas suivre l’exemple du gatsa-gatsa. Hum ! Pas simple.

Au change, c’est le Sénégal qui perdra de sa stabilité, de son Etat de Droit et de sa sociabilité. De toute façon, le plus grand acquis que le pays tirera de ce changement de régime consistera à une nette élévation de la conscience citoyenne collective. Les Sénégalais découvriront essentiellement que les justifications de violence verbale ou physique ne tiennent pas la route lorsqu’il est question de préserver l’ordre public. Jusqu’aux forfaitures, détournements de deniers publics et autres injustices, rien ne peut justifier que des insanités soient portées et encouragées sur des hommes et femmes publics.

Je ne suis pas Bah Diakhaté, pas plus que j’exècre ce que les partisans de Ousmane Sonko débitaient d’abject sur certaines figures des anciens régimes. Il est temps de passer à autre chose de plus sain, de beaucoup plus soigné. Sinon, la folle surenchère en calomnies ou en grossièretés aura raison de notre commun vouloir de vie commune. En politique, la fin ne peut justifier raisonnablement les moyens de conquête. Il est temps que les formations politiques et leurs légitimes animateurs reprennent leur place de choix dans le débat public, au lieu d’en laisser sournoisement l’initiative et la responsabilité des sales coups à des activistes vedettarisés.

Trop de liberté sans responsabilité, c’est la jungle. Quand un outrage et des accusations sans fondement sont dirigés à l’encontre d’une personne, il est tout à fait normal et devrait être ordinaire que l’auteur, justiciable du reste, soit mis en cause, pourvu que les actes similaires où pires aient été traqués et punis. Mais quand ceux qui sont actuellement victimes avaient fait pareil sans coup férir, il convient de reconnaître leur responsabilité dans la pollution du débat public. Mais tout compte fait, il nous faut, à présent, civiliser l’espace pu­blic. Il y va de notre salut public.

Pourtant, le Président Diomaye avait déjà annoncé, en la matière, la couleur des initiatives prochaines d’apaisement et de pacification de l’espace public. «Au vu des urgences qui nous étreignent et de l’espérance placée en nous, nous travaillons de manière acharnée, diligente et méthodique autour de chantiers prioritaires dont les plus importants sont : la réconciliation nationale et la reconstruction des bases de notre vivre-ensemble, la refondation des institutions, l’allègement sensible du coût de la vie pour alléger les fardeaux du quotidien, les concertations nationales inclusives sectorielles sur l’évaluation et la relance des politiques publiques.»

Au-delà de la responsabilité des diffuseurs et des auteurs, il faut dépersonnaliser la poursuite. Pour ce faire, il ne faut plus que les infractions de diffamation ou d’offense soient les seules à même de caractériser les faits. Il faudra qu’un nouvel organe, doté de moyens consistants en ressources, notamment financières et humaines, puisse poursuivre par d’autres moyens légaux. Après tout, le Droit, ça se crée à mesure que les circonstances en exigent le soin.

De cette manière, les poursuites seront moins identifiées comme étant des réparations de préjudices individuellement subis, mais d’une «atteinte à l’ordre public». Ceci peut être formulé de sorte qu’une nette dissociation soit opérée et distancée des personnalités pu­bliques, et ce, pour une dépolitisation des faits répréhensibles.
Birame Waltako NDIAYE