L’accès des femmes aux terres sécurisées n’est que de 15% seulement. Pour renforcer ce niveau d’accès des femmes au foncier, un plan d’action genre et foncier est en gestation.Par Alioune Badara CISS(Correspondant) –

 Les femmes participent à plus de 70% aux travaux agricoles et s’investissent en  grande partie dans la production vivrière et sur les autres maillons de la chaîne de valeur. Malgré tout, au niveau de l’exploitation, elles ne contrôlent que   12% des parcelles cultivées, et ces parcelles sont de taille réduite, environ 1,7 ha en moyenne. Ces constats associés à l’inégal accès aux facteurs et moyens de production entre hommes et femmes ont poussé l’Etat du Sénégal, à l’instar de nombreux pays, à adopter des politiques plus sensibles au genre.  C’est dans ce cadre qu’un atelier d’élaboration d’un plan d’action genre et foncier s’est tenu la semaine dernière à Saly.

«On avait pris une circulaire dans le cadre de réduire ces inégalités et d’allouer 15% des aménagements à partir de eaux de surface et 20% des aménagements à partir des eaux souterraines, et actuellement des actions sont en train d’être faites pour montrer qu’il y a de bonnes pratiques en cours», renseigne Mme Mbacké Sokhna Mbaye Diop, conseillère technique et coordonnatrice de la cellule genre au ministère de l’Agriculture, de l’équipement rural et de la souveraineté alimentaire. Ainsi considère-t-elle que le plan d’action genre et foncier qui sera élaboré vient à son heure, car il y a une nécessité «d’harmoniser pas mal d’outils qui existent. On a besoin d’un plan d’action global qui intègre les aspects juridiques, économiques et sociaux. C’est ça qui va nous permettre d’avoir une meilleure visibilité sur les actions que le gouvernement doit faire pour accompagner les producteurs et aussi la participation du secteur privé et des organisations de producteurs. Parce que le gouvernement ne peut pas tout faire. On a besoin de toutes les parties prenantes, y compris les partenaires techniques et financiers, la Société civile, le secteur privé et les organisations de producteurs».

Ce plan d’action, qui va se dérouler sur la période 2024-2028, est bien apprécié par le Directeur exécutif de l’Initiative prospective agricole et rurale (Ipar) qui assure la coordination technique de la plateforme de gouvernance foncière au Sénégal. Selon Dr Cheikh Omar Bâ, c’est important de travailler dans l’harmonisation des dispositifs, des outils, mais aussi des politiques publiques en matière de gouvernance foncière. Il faut  également préserver les terres du Sénégal. C’est pourquoi, soutient M. Bâ, «on parle de la préservation de la zone des Niayes, mais aussi de la zone Sylvo-pastorale qui regroupe aujourd’hui, pour l’essentiel, la zone pastorale du Sénégal. Et si on parle de la place de la femme dans l’accès à la terre, c’est parce qu’on sait le rôle que joue la femme, mais aussi les difficultés que rencontrent les femmes pour accéder à la terre, surtout à la terre de bonne qualité. C’est pourquoi on s’est aperçu de l’importance d’harmoniser l’ensemble des initiatives en matière de gouvernance foncière et en matière d’outils de sécurisation du foncier. C’est heureux aujourd’hui que la cellule genre essaie de regrouper tout cela pour qu’on ait une harmonisation en vue de l’atteinte des Odd…».

L’Ipar pour un observatoire
Aujourd’hui, la plateforme a identifié de nombreux défis liés à l’accès des femmes à la terre qui reste relativement faible. «On se situe autour de 15%. Et c’est clair qu’il y a un besoin d’améliorer cet accès.

Et on se rend compte que dans les aménagements, où on donne des quotas de 10%, l’accès n’est pas toujours garanti. On doit aller jusqu’à 30%. C’est pourquoi on s’est dit qu’il faut non seulement édicter des règles, mais il faut une inclusivité dans l’accès des femmes à la terre, pas seulement des femmes, mais également des jeunes», a suggéré le Directeur exécutif de l’Ipar. Qui a également soulevé d’autres défis, tels que l’harmonisation de la question des données, mais aussi de celle du crédit pour aider les femmes à financer leurs activités, afin qu’elles contribuent à la transformation structurelle de  l’économie. Il invite les acteurs à mettre en place un observatoire. Pour le Directeur exécutif de l’Ipar, «on doit aller vers un observatoire où on essaie de suivre les avancées, les limites, et qu’on corrige ensemble pour un dialogue concerté. Cela pourrait beaucoup aider l’accès des femmes à la terre. L’accès n’est pas un problème juridique, mais un problème socio-culturel. Et c’est pourquoi il faut avoir des alliances stratégiques pour que le combat que portent les femmes ne soit pas seulement celui des femmes, mais celui de la société. Parce que quand les femmes accèdent de manière équitable à la terre, ça améliore les conditions de vie de l’ensemble de la société».

En écho à ces propos, Ibrahima Faye, agronome, associé au Bureau pays de la Fao, s’est dit heureux de constater que la cellule genre du ministère a fait l’étape de la collecte des données, l’évaluation de ces capacités techniques, la disponibilité de données pour renseigner cet indicateur et qu’un rapport a été fait. «C’est déjà un pas, mais l’idée, c’est d’aller vers un plan d’action pour l’indicateur sur l’accès à la terre et de manière sécurisée pour les femmes et les jeunes», suggère-t-il.
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