Les trois présidents, Assimi Goïta du Mali, Ibrahim Traoré du Burkina Faso et Abdourahamane Tiani du Niger, ont officiellement annoncé que les peuples du Sahel avaient décidé de tourner une nouvelle page en scellant leur divorce avec la Cedeao.

Mais de quels peuples parlent-ils ?
En effet, aucun des trois dirigeants n’a été élu. Donc, ils n’ont pas la légitimité populaire pour engager leur pays dans une organisation internationale.
L’image d’une photo officielle avec un Capitaine, un Colonel et un Général, tous les trois en treillis militaires, est catastrophique pour le combat que nous menons pour la démocratie en Afrique.

Nous avons en face de nous non pas des leaders soucieux du développement et du progrès social, mais des putschistes qui violent les droits de l’Homme dans leur pays, étouffent les libertés et plongent leurs citoyens dans une misère sociale absolue.

Au Burkina, Me Guy Hervé Kam, président du Balai Citoyen et avocat de Ousmane Sonko, a été kidnappé et détenu dans un lieu secret. Malgré les dénonciations quotidiennes des avocats et des rares militants des droits de l’Homme qui osent encore s’exprimer dans le pays, le régime de Traoré n’en démord pas et tient à le réduire au silence sans aucune procédure judiciaire. Dans le pays, les djihadistes ont, il y a deux semaines, attaqué un camp militaire et tué 107 soldats ; le Capitaine Traoré a qualifié la tragédie de fake news diffusée par la presse française. Il en a profité pour suspendre le média Tv5 Monde pour six mois.

Au Niger, le Général Tiani détient l’ancien Président Bazoum en otage depuis un an sans procès, réclamant sa démission, ce que l’intéressé refuse. Pendant ce temps, les bandes armées avancent à l’intérieur du pays.

Au Mali, les opposants sont en prison, les partis politiques interdits, l’Armée massacre des populations civiles en compagnie des milices de Wagner. Assimi Goïta, qui avait promis une transition de six mois, en est à presque quatre années de mandat usurpé.
Ces trois putschistes, derrière leurs gesticulations et leur discours anti-impérialiste, n’ont qu’un seul agenda : se maintenir au pouvoir par l’instrumentalisation de l’anti-France, et en même temps être dans les bonnes grâces de la Russie.

Ces aventuriers et dictateurs prétendent lutter contre l’impérialisme en payant des mercenaires russes pour garantir leur sécurité. Ces mêmes miliciens sont auteurs de massacres documentés par les Nations unies. Ce fut le cas au Mali en mars 2022, quand Wagner et ses alliés ont tué dans le village de Moura, environ 500 civils, selon une enquête de l’Onu.

De surcroît, se réclamer du panafricanisme et déléguer sa souveraineté sécuritaire à une puissance étrangère, la Russie, sont antinomiques. Mais ce n’est guère la cohérence qui étouffe les trois aventuriers du Sahel.
Tiani, Traoré et Goïta doivent arrêter les frais, organiser des élections et rendre le pouvoir aux civils.

Il reste désormais à la Cedeao de tirer les conséquences du choix des pays de l’Aes. S’ils veulent partir, qu’ils partent et que l’institution demeure selon ses principes et règles.

Par contre, le Sénégal n’a pas à suivre des aventuriers. Des putschistes ne doivent pas nous imposer notre agenda diplomatique.

Il faut rappeler que le Sénégal est la 4ème économie de la Cedeao, mais la plus grande démocratie de la zone.

Le Président Bassirou Diomaye Faye et son homologue Faure Gnassingbé, désignés médiateurs par leurs homologues de la Cedeao, ont un rôle à jouer pour recréer un lien de confiance et ramener le Mali, le Burkina et le Niger dans la communauté. Si ces pays ne veulent pas revenir, nous devons rester dans la Cedeao et la rendre plus démocratique et plus efficace.
Mamadou CISSE