C’est une bien triste semaine pour tous les catholiques dont le chef de l’Eglise, le Pape François, «qui venait de l’autre bout du monde», s’est éteint lundi passé, le lendemain de Pâques. Paix à son âme. A son dernier souffle, il est à la tête de l’Etat sans doute le plus puissant de la planète, avec un milliard quatre cents millions d’âmes à sa dévotion.

Au Sénégal, on doit au Clergé une école de qualité, qui tient debout quand tout autour ça s’effondre dans l’éducation et l’instruction. Et aussi des serviteurs de l’Etat remarquables, de l’envergure du regretté Bruno Diatta, mais surtout notre premier président de la République, qui nous fera honneur partout dans le monde. Léopold Sédar Senghor, homme du monde pétri de culture et de savoir-vivre, au sens élevé de la République, qui s’évertuera à bâtir une Nation, c’est-à-dire un Peuple sans couture, avant de rendre les clés du palais de la République avec cette classe qui le caractérisera sa vie durant.

Vos «Sénégalaiseries» sont également en berne cette semaine : elles viennent de perdre un de leurs lecteurs les plus assidus, Alioune Badara Ndiaye, que nous appelions affectueusement «Pa Ndiaye». Un patriarche comme beaucoup aimeraient en descendre. A chacune des publications d’un de mes recueils, il en achetait beaucoup et les offrait à ses amis. Il m’aimait bien et je le lui rendais autant. Ses conversations passionnantes, son humour et son rire contagieux nous manqueront. Que son âme repose en paix.

Après ces minutes de silence, revenons à nos pittoresques sénégalaiseries.
Finalement, dans l’affaire des fonds Covid, après les seconds couteaux de l’Administration et les Vip bon chic, bon genre du régime précédent, ce seront cinq ministres qui vont devoir rendre des comptes. L’Assemblée nationale ne fera pas beaucoup de chichis pour leur mise en accusation, à mon sens. Y’en a déjà à qui on interdit de sortir du territoire, juste sur sa bonne bouille…

Un ministre, ça passe ; mais cinq, ça casse ?
Ce n’est plus une affaire de p’tit malfrat, mais de mode de gouvernance. La prochaine étape, à n’en pas douter, visera plus haut : le chef de gouvernement… Sauf erreur indépendante de ma volonté, à cette époque, c’est Macky Sall qui s’y colle. Juste après la Présidentielle de 2019, sans crier gare, il décide de passer en mode «fast track».

On ne sait pas trop ce que ça veut dire, mais ça applaudit à tout rompre dans les rangs de l’Apr.

Il aurait des projets plein la tête, mais avec un Premier ministre godillot et un gouvernement de bras cassés, ça ne le fait pas… Ça le croirait presque en campagne électorale pour un troisième mandat. Signe des temps, toute cette période, tout ce qui évoque l’impossibilité d’un troisième mandat est viré sans ménagement.

Quand arrive le Covid, alors que la dette intérieure s’évalue à mille milliards de francs Cfa, que les comptables des entreprises tirent des tronches d’enterrement, le chef de l’Etat et ses ministres décident d’autorité, à l’unanimité des Vip de la scène publique, de consacrer le même montant aux chômeurs, aux traîne-savates, aux branleurs, aux mauvais coucheurs et aux frustrés de l’huile de coude. Ça distribue de tout et n’importe quoi : de l’eau bricolée, des masques, du riz, et même des pyjamas…

Côté intrigues, ça s’en donne à cœur joie dans les couloirs des distributeurs d’aides, au point que des chanteurs sans succès en deviennent des patrons de presse reconnus. Comme dirait Dieudonné Mbala Mbala, «dormez, braves gens, je m’occupe de votre argent».

Maintenant, le temps des comptes à rendre arrive avec ses grands sabots… Après les ministres dont l’imminente mise en accusation ne fait pas l’ombre d’un doute, la Haute cour de justice pourra enfin s’attaquer au gros morceau : après le meurtre de quatre-vingts dignes fils du pays et la falsification de la comptabilité publique, il ne manquera certainement pas un ministre qui pourrait vendre la peau de l’ancien Président pour sauver ses fesses. C’est la loi du genre…

Une p’tite ombre au tableau : Amadou Bâ, le député de Pastef, qui ramasse un râteau du Conseil constitutionnel. Non, aucun courrier de Macky Sall concernant une possibilité de troisième mandat ne figure aux archives. Ça aurait corsé l’accusation ? Cerise sur le gâteau, le même regroupement de «Sages» vient d’invalider sa loi interprétative.

Ah, le bonheur d’utiliser l’ancien mot le plus long de la langue française : anticonstitutionnellement…

Une fois n’est pas coutume : cette semaine, c’est Thierno Alassane Sall, TAS pour les paresseux, qui tient le haut du pavé… Jusque-là, à Pastef, ça le regarde de haut. Certes, ce n’est pas un habitué des «Unes» fracassantes qui battent les records de vente en fin de journée. Sur les réseaux sociaux, il n’est pas celui dont les vidéos et les photos passent pour des reliques et des icônes chez kids et les midinettes.
Son plus haut fait d’armes est son bras de fer avec le président de la République à propos de la compagnie française Total, alors qu’il est ministre en charge du Pétrole. Bien entendu, ça se termine par un limogeage brutal. Démissionner du gouvernement quand on ne s’entend plus avec le patron ne serait-il pas plus simple ?

A-t-on idée…
Ça n’en fait pas pour autant un héros du peuple des frustrés, qui veulent que la France dégage, avec son franc Cfa, ses bidasses cantonnés en bordure de mer et son charabia, notre langue officielle, qui semble du chinois pour nos actuels gouvernants.

Il se voit débordé sur la gauche par une drôle de petite Frapp, et sur la droite, par une bande de fiscalistes exaltés. Ces gens font du bruit, commettent des dégâts, se donnent en spectacle régulièrement, et ça plaît souverainement à la plèbe. TAS a beau arborer sur le front la preuve qu’il pose son front par terre assidument et poser comme un patriote aux yeux desquels la République a des valeurs inestimables, dans l’ordinaire canaille populaire, ça a du mal à y croire : pensez donc, un ancien rouage du système dézingué contre sa volonté.
Et puis, quelle est cette idée folle de croire qu’on peut vendre à grande échelle l’image d’un honnête homme à une populace d’électeurs pour qui frauder, mentir, voler, trahir, forniquer sont un art de vivre ?

Ça ne fait pas les faits divers et ça veut plaire à la racaille…
Par Ibou FALL