Le marathon de diffusion de théâtres sur scène s’est terminé mardi dernier avec la présentation de la pièce théâtrale «Dernière ligne droite», jouée au Centre culturel Blaise Senghor par la compagnie «Vitamine C». Au moment de donner ce dernier acte, Samba Mballo, administrateur du Réseau sénégalais des jeunes créateurs (Rejec), estime que le théâtre sénégalais est en pleine phase de renouveau. Il parle même d’un «retour en force» du théâtre sur scène.   

Une dernière session de diffusion de théâtres sur scène pour tirer les rideaux sur une saison. Mardi dernier, le Centre culturel Blaise Senghor a abrité un moment particulier qui met fin à un marathon théâtral de 17 mois, débuté en février 2022. Organisé par le Réseau sénégalais des jeunes créateurs (Rejec), cette session de diffusion a été clôturée par la prestation des artistes comédiens de la compagnie théâtrale «Vitamine C» dont Sidi Fall est le Directeur artistique, et en présence du parrain de l’évènement, Dr Massamba Guèye. «Le réseau a démarré une session de diffusion de spectacles de théâtre. Nous avons lancé un appel à candidatures en février 2022 pour sélectionner des spectacles sénégalais et des films produits dans les centres culturels. Au niveau de Dakar, nous avons produit 17 spectacles de théâtre et aussi dans d’autres espaces comme à la Somone et à Saint-Louis. Donc l’objectif de ce programme, c’est vraiment de renforcer la diffusion et permettre aux comédiens, qui sont des créateurs à temps plein, de pouvoir bénéficier d’espaces de diffusion et aussi de créer une économie autour du théâtre sur scène face à la montée de l’audiovisuel et au manque de subvention», fait savoir Samba Mballo, administrateur du Rejec. «Nous avons fait une saison sur dix-sept mois, c’est assez inédit ! Parce qu’une saison dure dix mois, et donc sur dix-sept mois, nous avons terminé par Dernière ligne droite. C’est aussi symbolique parce que la pièce présentée aujourd’hui retrace l’histoire de l’Afrique et de la gouvernance. C’est donc un appel à la jeunesse pour qu’elle prenne conscience des problématiques et enjeux majeurs du continent», explique Samba Mballo.
Suffisant pour que cet acteur du théâtre sénégalais parle de «retour en force» du théâtre sur scène.

Concurrence des séries
A l’heure du bilan, Samba Mballo affiche sa satisfaction. «On a eu pour chaque spectacle, en moyenne 150 tickets vendus. Ce sont donc plus de 2000 personnes qui ont été mobilisées pour nos dix-sept spectacles. Et ça veut dire que le théâtre intéresse toujours les gens et je pense qu’en réalité, il y a eu un écho parce que les médias ont couvert vraiment l’ensemble des spectacles. Pour chaque spectacle, nous avions des médias qui étaient présents. Cette communication autour des spectacles fait que les Sénégalais essaient de retrouver les programmes ou les activités théâtrales qu’il y a un peu partout pour venir les suivre. Aujourd’hui, je pense que le théâtre sur scène est de retour. Maintenant, il va falloir garder le cap», note-t-il.
Dans quelques semaines, plus précisément le 6 octobre prochain, la nouvelle saison sera lancée. «Déjà, pour le mois d’octobre, nous avons trois spectacles qui sont programmés au Centre culturel Blaise Senghor et dans d’autres espaces avec lesquels nous sommes en train de discuter», ajoute l’administrateur du Réseau sénégalais des jeunes créateurs dont l’un  des objectifs est de reproduire le modèle dans les autres régions, non sans se fixer un préalable qui n’est autre que de mettre l’accent d’abord sur la formation des ressources humaines.  «On veut d’abord former des diffuseurs, parce que la diffusion de spectacles, c’est un métier, et il faut d’abord former des diffuseurs qui vont savoir comment monter un projet de diffusion, comment monter un dossier de spectacle, comment aller chercher des partenaires et comment faire une communication autour de ce spectacle-là. Quand on aura fait une formation pour les diffuseurs, on va élargir la cible à toutes les régions du Sénégal. Si on a dans chaque région du Sénégal, deux personnes qui sont formées dans la diffusion de spectacles, on pourra mettre le spectacle dans les circuits de diffusion et le faire tourner dans toutes les régions du Sénégal», renchérit-il. Parlant de la collaboration avec les télévisions pour les amener à diffuser ces théâtres sur scène, Samba Mballo informe qu’ils sont en train de «travailler sur un autre modèle», en faisant focus sur les plateformes digitales.

«Dernière ligne droite», les maux de l’Afrique sur scène
Revenant sur la pièce théâtrale Dernière ligne droite, le comédien indique que c’est une pièce qui met en avant les maux dont souffre l’Afrique. Les guerres, en citant l’exemple du Mali, la rébellion, le massacre des enfants lors des conflits ont été évoqués par les artistes comédiens de la compagnie théâtrale «Vitamine C», qui ont fait montre d’un talent et d’une maîtrise scénique parfaite. Le tripatouillage de la Constitution, l’émigration clandestine  ont fait l’objet d’un procès de la part des artistes comédiens de cette compagnie théâtrale, qui ont tenu en haleine les spectateurs durant plus d’une heure. Une pièce de théâtre d’alerte consécutive à une situation politique, selon l’auteur et metteur en scène de la pièce, Sidi Fall. Directeur artistique de la compagnie théâtrale «Vitamine C», il explique avoir démarré l’écriture de la pièce en 2010, au moment où le Printemps arabe avait essaimé dans presque tous les pays magrébins. «Donc en tant qu’artistes, notre devoir, notre mission, c’est d’alerter. Vu la façon dont les choses évoluent, si on ne fait pas attention, ça risque de contaminer toute l’Afrique, plus particulièrement l’Afrique de l’Ouest», soutient-il. Poursuivant son argumentaire, Sidi Fall souligne que «ce fut une histoire d’émotion et de sang qui a battu tous les records du silence dans une salle comble où il était interdit de pouffer de rire face à une tragédie vécue en direct».
Dernier acte de cette saison, des attestations de reconnaissance ont été distribués aux artistes comédiens et autres acteurs culturels par les organisateurs de cette manifestation, pour magnifier les efforts qu’ils font pour développer le théâtre.
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