Les marabouts de Diamakota n’ont pas bonne presse devant la justice. Etiquetés comme des arnaqueurs invétérés, ils sont régulièrement remis à l’ordre par le glaive de la justice. «Ils doivent même être sanctionnés sévèrement. La peine de six mois qu’ils reçoivent souvent ne les dissuade pas. Ils sont jeunes et doivent travailler pour gagner leur vie à la sueur de leur front», a dit le représentant du ministère public au juge. Il a requis contre Alassane Sy et Ibrahima Diao, la peine de 2 ans ferme. Ces derniers comparaissaient pour association de malfaiteurs, escroquerie et charlatanisme au préjudice de Pape Issa Ngom, portant la somme de 5 millions 350 mille. Ils sont condamnés à 2 ans dont 6 mois ferme.
En fait, la partie civile, sexagénaire désabusé, a reçu un jour, selon ses révélations à la barre, un appel téléphonique. Son interlocuteur s’est présenté à lui sous le nom de Babacar Diao. Ce dernier lui dit qu’il voulait lui prodiguer des conseils, car il serait marabouté. Il lui a aussi fait savoir qu’il pouvait aider sa fille muette à retrouver la parole. Pour ce faire, il lui a recommandé de faire des sacrifices. Mais, pour le rassurer, l’homme lui a remis un numéro de téléphone en promettant de lui rendre visite. Quelques jours après, il a envoyé un certain Modou Diao chez lui. «Ce dernier m’a dit que c’est son père Babacar Diao qui l’a envoyé. Il l’a appelé au téléphone et me l’a passé. Celui-ci m’a dit que c’est bien lui qui l’a envoyé auprès de moi. Il m’a demandé de faire beaucoup de sacrifices pour obtenir la guérison de mon enfant. C’est ainsi que j’ai commencé à lui envoyer des sommes d’argent au numéro qu’il m’a remis jusqu’à hauteur de 3 millions 350 mille francs», a raconté la partie civile, qui dit avoir remis le reste en mains propres à Modou Diao. Pendant trois mois, les mis en cause ont réussi à lui soutirer la somme de 5 350 000 francs. N’ayant rien vu, Pape Issa Ngom a porté plainte contre X.
En tout cas, Modou Diao s’était arrangé à ce que l’argent soit envoyé à un tiers qui se trouve être Alassane Sy. D’ailleurs, les enquêteurs ont trouvé sur lui une carte d’identité dont le numéro est le même que celui qui figure sur les reçus de retrait. Mieux, le numéro de téléphone, qui a servi à l’envoi correspond avec le sien. Mais, comme il habite la même maison avec Ibrahima Diao, ce dernier n’a pas été épargné par les enquêteurs. L’exploitation de son téléphone a permis de trouver beaucoup de messages de même nature. Ce qui amène le procureur à dire qu’il y a des faisceaux d’indices, qui convergent vers leur culpabilité. Selon lui, s’ils ne sont pas des auteurs principaux, ils sont des complices. C’est pourquoi, après avoir demandé de les condamner pour le délit d’association de malfaiteurs, il a sollicité la disqualification de l’escroquerie en complicité de ce chef et de les relaxer du délit de charlatanisme qui, selon lui, n’est pas constitué. Les prévenus ont nié les faits. Alassane Sy soutient que sa pièce d’identité était détenue par son frère Modou Diao, qui est le propriétaire du numéro de téléphone.
Selon l’avocat de la défense, il y a plus de préjugés que de preuves. Car, «le plaignant a dit qu’il n’a jamais vu Alassane Sy et c’est une autre personne qui venait prendre l’argent chez lui», a rappelé Me Aliou Sow en précisant que son client n’a jamais mis les pieds chez Ngom. Il n’a jamais échangé avec lui par téléphone non plus, ajoute l’avocat. A l’en croire, c’est son frère Omar Diao qui utilisait sa puce quand il a quitté Dakar. D’ailleurs, les appels émis sont localisés dans la zone de Keur Massar, Tally Boune alors que Alassane Sy n’était pas à Dakar, renseigne la robe noire. Estimant que son client est comme un cheveu dans la soupe, il a plaidé la relaxe au bénéfice du doute. Son co-prévenu, qui n’avait pas d’avocat, a dit être étranger aux faits. Au finish, ils ont été déclarés coupables et condamnés à 2 ans dont 6 mois ferme.
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