Comme l’on pouvait s’y attendre, le Parquet général s’est opposé à la décision de la Chambre d’accusation financière accordant à Lat Diop la liberté provisoire, assortie d’une assignation à résidence avec port du bracelet électronique. En effet, ce mardi 12 août 2025, la Chambre d’accusation financière de la Cour d’appel de Dakar a ordonné, dans un arrêt, la mise en liberté provisoire de l’ancien Directeur général de la Lonase. Cette déci- sion faisait suite au refus initial du Juge d’instruction financier d’accorder la liberté provisoire à Lat Diop. Ses avocats avaient interjeté appel, obtenant l’infirmation de l’or- donnance de refus du Juge d’instruction par la Chambre d’accusation financière.
Il faut dire que c’est la deuxième bataille
procédurale remportée par l’homme poli- tique, sous mandat de dépôt depuis septemb- re 2024 pour des accusations de détourne- ment de deniers publics, extorsion et blan- chiment de capitaux portant sur 8 milliards de F Cfa, après que Mohamed Dieng de 1Xbet a déclaré l’avoir corrompu. Déjà, c’est la pre- mière fois qu’un corrompu est derrière les barreaux pendant que le supposé corrupteur fait du weundeelou à travers le monde !

Dans notre chronique du 12 avril 2025, nous parlions de l’arrêt de la Chambre d’ac- cusation de la Cour d’appel financier, saisi d’un recours par les avocats de l’ancien Directeur général de la Lonase. Cet arrêt indique en filigrane que Lat Diop, dans le cadre des accusations portées contre lui, est en réalité un otage politique. D’abord, là où l’accusation portait sur 8 milliards de francs Cfa de fonds présumés détournés et extor- qués, les juges ont estimé que cela ne résulte que des seules déclarations de Mouhamed Dieng, son accusateur ; «que les échanges par messagerie WhatsApp que ce dernier a produits ne font ressortir qu’un montant de 15 millions de F Cfa qui, au regard des som- mes colossales déclarées, apparaît très déri- soire, voire insignifiant». Ensuite, aucun document émanant de la Lonase ou d’un quelconque corps de contrôle ne vient corro- borer les accusations de détournement de fonds ; surtout que la Lonase n’a jamais porté plainte, ni ne s’est constituée partie civile. Selon toujours les magistrats, rapportés par la presse, la double qualification (extorsion de fonds et détournement de deniers publics) retenue apparaît difficilement soutenable en l’espèce, parce qu’il s’agit soit de fonds privés, soit de deniers publics. «Considérant qu’a- près environ sept mois d’enquêtes d’instruction, l’accusation n’a toujours pas réussi à mettre sur la balance des éléments de preuve tangibles et solides pour battre en brèche les dénégations constantes et invariables de l’inculpé», la Chambre a prononcé la mainle- vée du mandat de dépôt et ordonné l’assigna- tion à résidence sous surveillance électro- nique à Lat Diop, qui reste toujours en prison parce  que  le  Procureur  financier  (donc l’Exécutif) s’y oppose.

Un arrêt infirmé par la Cour suprême qui doit encore examiner le sort de l’ancien Dg de la Lonase, qui reste en prison en attendant.

«Quelle triste façon de s’obstiner à garder Lat Diop en prison ! On s’attendait à ce pourvoi, depuis que les hâbleurs de Sonko avaient crié contre sa liberté provisoire. Sans doute que la Cour suprême ne se dédira pas. Mais Lat restera à croupir à Rebeuss. Cela plaît à certains…», écrit Madiambal Diagne sur son compte X.

Guy juge et condamne avant même le procès
Même si la procédure donne droit au Procureur général de se pourvoir en cassation, il est difficile de dissocier ce pourvoi, à la limite qui frise l’acharnement, à la clameur fasciste des pastéfiens qui a suivi l’arrêt de la Chambre d’accusation. En effet, comme s’ils se sont donné le mot, responsables de Pastef et certains de leurs chroniqueurs et juristes manipulateurs ont rué dans les brancards pour dénoncer cet arrêt de la Chambre d’ac- cusation. Le pauvre et déshonorant Guy Marius Sagna, sur ses réseaux sociaux, a fus- tigé ce qu’il qualifie de traitement judiciaire inéquitable. «Je le répète, il est inacceptable d’avoir un système judiciaire qui envoie les voleurs de poulets en prison et qui accorde des bracelets électroniques aux kulunas qui ont pillé les milliards des Sénégalais», a écrit le parlementaire, reprenant une expression populaire pour désigner les délinquants.

Pourtant, l’activiste politicien à la culture

juridique très famélique a eu à bénéficier à trois reprises, sous Macky Sall, de cette mesure qu’il semble aujourd’hui dénier à Lat Diop. Inculpé à trois reprises (alertes au terrorisme, actes de nature à troubler l’ordre public…), Sagna a, à chaque fois, obtenu la liberté provisoire. C’est pourtant le même système judiciaire qui avait accordé la liberté provisoire à un présumé violeur, client très régulier de Sweet Beauté, pendant que d’autres citoyens, accusés du même délit, croupissaient en prison. Certains y sont toujours d’ailleurs, en attente d’un jugement.

Oui, il faut vraiment s’indigner du langage ordurier d’un député du Peuple pour dénigrer la Justice. Qui disait la semaine dernière que «les critiques formulées, souvent exces- sives et dépourvues de toute objectivité, ne s’accommodent point d’une démocratie en construction et de l’instauration d’un climat des affaires propice à l’émergence» ?
Ousmane Diagne sait maintenant qui «cri- tique» et qui jette le «discrédit» sur l’institu- tion judiciaire. Pendant que le parti Pastef insulte les magistrats, ceux-ci se taisent et certains d’entre eux emprisonnent ceux qui critiquent Pastef. Bienvenue au Sénégal !

Acharnement et règlement de comptes
Ce qui est clair maintenant aux yeux des Sénégalais, c’est que la détention de Lat Diop est un cas d’acharnement, de règlement de comptes par l’instrumentalisation de la Justice. Et cela, c’est une première victoire du pensionnaire de la chambre 42 de la Maison d’arrêt de Rebeuss (Mar). En effet, la haine et la vengeance ne suffisent pas pour condamner quelqu’un en Justice. Il faut des preuves pour le faire. Accuser une personne de détournement est une chose, mais établir sa culpabilité devant les juridictions, c’est une autre paire de manches.
Aujourd’hui, il est manifeste que Lat Diop est maintenu en prison depuis bientôt une année sur la base d’une dénonciation de corruption sans preuves. Car l’enquête n’a pas pu retracer les transactions de ces montants en jeu. Et l’attente d’une commission rogatoire dont personne ne connaît la fin, ne saurait servir de prétexte au Parquet pour le maintenir en détention. Sauf pour confirmer que c’est bien l’Exécutif bicéphale qui le veut. Quelqu’un nous avait bien dit que s’il demandait l’arrestation d’un individu, le ministre de la Justice devrait s’exécuter parce que «c’est une autorité politique».
Avant de porter des accusations sur une personne, il est plus raisonnable d’en avoir des preuves. Beaucoup de personnalités publiques ont été jetées à la vindicte populaire sur la base de simples accusations qui ne font pas d’elles des fautives. Que ce soit Lat Diop ou un autre, il est inadmissible que des citoyens soient maintenus en détention pendant si longtemps sans jugement. C’est un acharnement pur et simple, une violation flagrante des droits des Sénégalais, uniquement destinée à satisfaire ce qui reste de la meute assoiffée de sang au sein de Pastef.
Ce qui a été développé avec Lat Diop pour- rait l’être pour Mansour Faye, Farba Ngom, Moustapha Diop, Sophie Gladima, Ismaïla Madior Fall, Khadim Bâ…. Retenir quelqu’un sans preuve, juste par pure méchanceté, il faut être Pastef pour le faire. De plus, hier, tout était sur le dos de Macky Sall. C’est lui qui enfermait et relâchait au gré de ses humeurs. Aujourd’hui, ce sont les juges. Ce régime n’est responsable de rien. Et jusqu’à quand?

Par Bachir FOFANA