Avancée de la mer : Vague de menaces sur Kafountine

Le nouveau gouvernement finalise un projet, en collaboration avec l’Afd, pour atténuer les impacts de l’érosion côtière à Kafountine. Le ministre de l’Environnement et de la transition écologique, Daouda Ngom, l’a indiqué à l’issue d’une visite du quai de pêche fortement endommagé par le phénomène. Par Khady SONKO –
Mieux vaut voir une fois que d’entendre mille fois. C’est tout le sens qu’il faut donner à la visite du ministre de l’Environnement et de la transition écologique : Daouda Ngom a visité vendredi le quai de pêche de Kafountine et environs pour mesurer lui-même l’ampleur des dégâts de l’érosion côtière ici. Cette visite entre dans le cadre de la tournée qu’il a menée dans la région. Le ministre l’a débutée par la pépinière et le Centre national de formation des agents des Eaux et forêts et parcs nationaux à Djibélor, ensuite le périmètre maraîcher des femmes à Agnack Petit, dans la commune de Niaguis.
L’étape de Kafountine était inévitable. Le phénomène de l’érosion côtière est manifeste au niveau du littoral sénégalais, mais il est réellement plus grave à Kafountine. «Le quai de pêche de Kafountine est plus que jamais menacé. D’autres sites et activités sont aussi menacés. L’homme a sa part de responsabilité dans ce désastre. Le déboisement a beaucoup influé aussi sur ce phénomène, parce si on avait toujours une bande végétale au niveau du littoral, cela allait atténuer les impacts», a constaté Daouda Ngom à l’issue de la visite guidée par le maire de Kafountine. «Il va falloir prendre cela à bras-le-corps, et les services du ministère de l’Environnement sont en train de travailler avec d’autres services de l’Etat pour atténuer les impacts de cette érosion côtière sur les activités des populations», a dit Daouda Ngom.
A l’en croire, il y a un projet avec l’Agence française de développement (Afd) qui sera finalisé bientôt et qui mettra en œuvre des solutions pour lutter contre cette érosion côtière à Kafountine.
Des explications sur le phénomène et des pistes de solutions
Le Centre de suivi écologique a mené une étude qui a permis de déterminer «les coins chauds en termes de dynamique côtière» sur toute la zone de Kafountine. Ainsi, au niveau du quai de pêche, il est constaté sur les 20 dernières années, une dynamique du trait de côte de 60 mètres, de l’ordre de 3 mètres par an. «Les populations ont confirmé que sur les trois dernières décennies, le trait a reculé de 100 mètres. La conséquence de cette dynamique côtière est le démantèlement d’équipements électriques et routiers, les pertes de réseaux, mais également des impacts au niveau du secteur touristique, la disparition des rizières», a listé Mamadou Lamine Ndiaye du Centre de suivi écologique. «Nous allons compiler tout ça dans un rapport synthétique que nous allons vous faire parvenir les jours à venir», promet-il au ministre de l’Environnement.
«Sur toute la côte, que ce soit au niveau de Saint-Louis, le phénomène s’est produit et il y a eu des projets qui ont été mis en œuvre avec des enrochements et actuellement au niveau de la Langue de Barbarie, la mer s’est retirée sur au moins une trentaine, voire une cinquantaine de mètres. Au niveau de Saly, il y a eu des solutions beaucoup plus dures avec un engraissement et actuellement tous les hôtels de Saly ont retrouvé leurs plages», rassure Malick Diagne. D’après cet agent du Centre de suivi écologique, les connaissances et expertises techniques sont là. «Il suffit de voir ici avec les populations quelle est la solution la mieux adaptée. Ce qui serait mieux, c’est de trouver des solutions fondées sur la nature», estime-t-il. Le spécialiste définit le phénomène en deux grandes proportions : la dynamique océanique et littorale, et la dynamique terrestre. «Sur la dynamique océanique, on commence à comprendre les phénomènes qui ont amené cette érosion côtière. C’est la houle du nord. Souvent elle arrive entre février et mars. Mars, c’est la période où la houle du nord est très puissante. Malheureusement quand elle arrive au niveau d’Abéné, cela fait une bifurcation parce que la forme de la terre est comme ça. Elle arrive perpendiculairement sur Kafountine avec beaucoup de force de vagues qui fait cette érosion. Mais en même temps, il y a une dynamique terrestre très active sur toutes les bandes de sable. Il y avait déjà des bandes dans l’océan qui ont disparu. Ces bandes étaient des brises d’armes qui atténuaient la force des vagues. Maintenant que ce rempart naturel est parti, la plage de Kafountine est exposée à la houle du nord», a développé M. Diagne. Concernant la partie terrestre, déplora-t-il, «toute cette bande de filaos a disparu et cette population qui se densifie, avec presque 15 mille âmes, ne fait qu’occuper les zones très fragiles, notamment les zones où il y avait des végétations. Cette fragilisation des bandes de sable crée un risque». Cependant, le pire est encore à craindre. «Le grand risque qu’on va voir, c’est là où il y a le site de prière El Hadj Omar Foutiyou Tall qui est une zone basse. Si l’eau arrive jusqu’à ce site, toute la rizière va être envahie d’eau de mer et cela va continuer jusqu’à très loin à l’intérieur. On craint cela et nous avons peur si cela arrivait, qu’il y ait une rupture de brèche, car l’eau de mer va faire le tour de Kafountine avec ses 15 mille âmes qui y vivent», a fait savoir Cheikh Mbow, Directeur général du Centre de suivi écologique.
Brin d’espoir
La visite du ministre rassure le maire dans sa lutte pour atténuer l’érosion côtière qui impacte négativement sa commune. David Diatta a toujours alerté sur l’urgence d’intervenir pour limiter l’avancée de la mer à Kafountine. «C’est rassurant. Aujourd’hui, nous espérons que d’ici peu de temps, des actions concrètes seront prises pour faire face au phénomène», a déclaré l’édile de Kafountine, qui attend des mesures «immédiates et urgentes», mais aussi une réelle volonté politique de l’Etat.
ksonko@lequotidien.sn
1 Comments
En tout cas c’est un phénomène qui doit interpeller tout le monde. Le cas de kafountine est d’autant plus que catastrophique. Ce qui est pire dans tout ça, c’est la non mise en place des solutions concrètes. Pour vous rappeler que c’est la énième fois qu’une autorité visite et constate ces dégâts immesurables. Si rien n’est fait d’ici peu de temps c’est tout kafountine qui serait envoyé par les eaux marines.