Avant la présentation de votre programme de relance, permettez-moi…

Monsieur le Premier ministre,
A l’heure où vous vous apprêtez à présenter devant la Nation, votre Plan de relance économique, je tiens, en toute responsabilité et avec le respect dû à vos fonctions, à vous adresser cette contribution fraternelle, à la fois lucide et sincère.
La gravité du moment l’exige. Le contexte économique est tendu, les attentes immenses, les ressources limitées et les équilibres fragiles. Votre parole, vendredi, engagera bien plus qu’un parti, une équipe ou un courant : elle engagera le destin de 18 millions de Sénégalais, dans toute leur diversité.
1. Une volonté de transparence… à canaliser
Votre initiative de rendre publique la situation financière du pays a pu répondre à un souci légitime de vérité. Mais elle a produit, reconnaissons-le, autant d’effets négatifs que positifs, en ébranlant la confiance des partenaires techniques et financiers. Or, la relance ne peut s’opérer dans l’isolement, ni dans la défiance. Comme tous les pays du monde, nous devons rassurer nos partenaires, reconstruire le dialogue et redonner crédit à notre signature.
2. Préparer les esprits aux efforts à venir
Nous allons traverser une période extrêmement difficile. Des mesures impopulaires seront nécessaires. Cela impose un climat de concorde, une Nation réconciliée et soudée autour de l’essentiel, non autour d’un parti, aussi valeureux soit-il. Vous ne travaillez pas pour Pastef, vous travaillez pour le Sénégal tout entier.
Et pour réussir, vous aurez besoin d’un Peuple mobilisé, non divisé. D’une majorité sociale, non d’un entre-soi militant.
3. Relancer immédiatement les Forces vives de l’économie
Je vous invite à considérer dès à présent trois mesures d’urgence pour éviter l’asphyxie :
• Injecter rapidement des ressources pour sauver le secteur privé national, aujourd’hui exsangue.
• Redémarrer le secteur du Btp, grand pourvoyeur d’emplois et moteur de relance.
• Lancer sans délai de grands travaux structurants, à commencer par la réhabilitation du chemin de fer national. Ce projet doit être confié à nos techniciens sénégalais, compétents, capables de faire les études, de mobiliser les financements et de le réaliser. J’en connais plusieurs, prêts à se mettre au travail dès demain matin.
Ce pays regorge de compétences en diplomatie de développement, en ingénierie ferroviaire, en agriculture, en gouvernance publique. Ces experts ne font pas de politique partisane : ils attendent seulement qu’on les sollicite.
4. Pour réussir, entourez-vous de ceux qui savent faire
Ni slogans ni improvisation ne suffiront. Il vous faut une équipe d’experts expérimentés, à l’image de ceux qui entouraient le Président Wade ou le Président Macky Sall : des hommes de l’ombre qui savent concevoir, planifier, rechercher des financements, négocier, exécuter. Ces profils existent encore. Ils sont là. Utilisez-les. Valorisez-les.
5. Justice, réconciliation et avenir
Je vous invite solennellement, Monsieur le Premier ministre, à faire un pas vers la réconciliation nationale. A parler avec grandeur à votre propre parti pour mettre fin aux invectives, et appeler à des débats d’idées, des confrontations de programmes.
La Justice, qui fut longtemps un lieu de discorde, peut devenir un instrument de stabilité. Veillez à ce qu’elle soit juste, indépendante, conforme aux textes. Respectez la Constitution. Elle est celle qui a permis votre accession à vos hautes fonctions. A votre ministre de la Justice, à votre procureur, aux juges, rappelez avec fermeté qu’ils ont un rôle républicain à jouer. Rien ne se construira sur la revanche ou l’acharnement.
Conclusion : une main tendue pour le Sénégal
Je vous écris sans calcul, sans posture. Je ne parle ni en opposant ni en partisan. Je parle en homme d’Etat, inquiet mais optimiste. Nous pouvons, ensemble, faire du Sénégal un exemple. Mais il nous faut de la hauteur, du calme, de l’humilité et de la méthode.
Je vous souhaite courage, lucidité et surtout écoute. Car l’histoire ne retiendra pas les discours, mais les actes posés au nom de la République.
Veuillez recevoir, Monsieur le Premier ministre, l’expression de ma considération républicaine.
Thierno LO
Ancien Ministre – Serviteur de l’Etat