Donald Trump a épuisé toutes ses voies de recours sans succès. Ainsi se ferment les quatre ans de téléréalité. Quatre ans de One man show. Quatre ans de Trump Show. Trump n’avait jamais eu de politique extérieure. Sa politique extérieure se réduisait à son instinct et à des coups comme dans le business. Avec la fin du Trump show, les Etats-Unis vont revenir aux fondamentaux de leur politique extérieure, résumée par Bill Clinton en ces mots : «Le multilatéralisme quand nous le pouvons et l’unilatéralisme quand nous le devons.» Malheureusement, avec Trump, c’était l’unilatéralisme à tous les coups, même sur des questions non essentielles, alors que les Américains ne recouraient à l’unilatéralisme que pour des questions de sécurité nationale ou d’intérêts vitaux pour eux. Avec Joe Biden, nous allons assister à la renaissance du multilatéralisme. Il a déjà donné un avant-goût avec son annonce du retour des Etats-Unis dans les accords de Paris sur le climat et bientôt le retour à l’Organisation mondiale de la santé, que Trump a utilisée comme bouc-émissaire face aux ravages du coronavirus, qui a montré toutes les fragilités de l’hyperpuissance. Hyperpuissance militaire, économique et financier, devenue impuissante face à un petit virus, non pas parce qu’elle n’a pas les moyens de lutter mais parce que son Président, qui ne fait confiance qu’à son instinct, avait estimé que le virus chinois disparaitrait comme il est venu.
Il est aussi fort probable que Joe Biden va essayer de renouer les fils de l’Atlantisme que Trump a déchiré en encourageant le Brexit et un partenariat avec Londres (une alliance populiste avec Boris Johnson). Le seul acte unilatéral sur lequel Biden ne reviendra pas, sera le transfert de l’ambassade des Etats-Unis de Tel Aviv à Jérusalem, parce que la défense d’Israël est une constante dans la politique extérieure des Etats-Unis, comme l’est aussi l’accès au pétrole du Moyen-Orient, d’où le parapluie américain pour l’Arabie Saoudite depuis les accords sur le Quincy entre Roosevelt et Ibn Saoud. Ces deux constantes (Défense inconditionnelle d’Israël et alliance avec l’Arabie Saoudite), vont être maintenues, même si, contrairement à Trump, l’Administration Biden reprendra langue avec les Palestiniens et surtout avec les Iraniens, pour sauver l’accord sur le nucléaire. Les Iraniens l’ont tellement compris qu’ils ont commencé à faire monter les enchères.
Tout n’a pas été négatif chez Trump car, à force de pression, il a réussi à établir un dialogue entre meilleurs amis dans la région (les Saoud et Netanyahu), car Trump, qui n’aime pas les complexités des relations internationales, ne pouvait pas comprendre que ses deux meilleurs amis, qui ont aussi l’Iran comme ennemi principal, ne soient pas amis. Israël et Arabie Saoudite se parlent. C’est le plus grand mérite de Trump. Il a réussi parce que «vers cet orient compliqué», il a débarqué avec des «idées simples». Dans les 100 jours de la politique extérieure de Biden, il y a aura bien sûr la Corée du Nord qui, comme l’Iran, va faire monter les enchères pour mieux négocier, en procédant à son jeu favori de tirs de missiles suivis de menaces. Mais il risque d’être le perdant parce que, à coup sûr, Biden va opter pour la doctrine de «la patience stratégique» de Obama, c’est-à-dire avoir la patience en attendant que le régime utilise l’ennemi extérieur et l’état de belligérance permanente, pour reléguer au second plan les contradictions internes.
La grandeur de l’Amérique est consubstantielle au multilatéralisme. Quand on se veut le phare de la démocratie et qu’on proclame urbi et orbi sa vocation universaliste, il est suicidaire de s’enfermer sans finesse dans un égoïsme national comme Trump. Les pères fondateurs des Etats-Unis, qui sont férus d’histoire, ont voulu recréer une nouvelle Rome dans le nouveau monde. Rome ne s’est jamais enfermée dans la péninsule italienne et avait fait de la Méditerranée un lac romain. Trump qui n’est pas passionné par les classiques, aurait sabordé la puissance américaine s’il avait eu encore quatre ans. Pauvre Biden, il devra en quatre années, faire autant que Roosevelt (redonner confiance à une Amérique qui doute) et Lincoln (réunifier un pays qui n’a jamais été aussi fragmenté). Je n’ai pas oublié l’Afrique. Nous ne serons pas dans les radars les 100 premiers jours.