Candidature supposée de Macky aux Nations unies : Le pouvoir nourrit une Sall polémique

C’est Me Oumar Youm, qui l’avait théorisé à son élection en 2012 : «Nous allons offrir deux mandats à Macky et le placer ensuite à la tête de l’Onu.» Rien n’est officiel, mais la candidature supposée (ou imaginaire ?) de Macky Sall au poste de Secrétaire général des Nations unies est devenu un sujet à polémiques pour le pouvoir de Pastef dont certains de ses responsables comme Mimi Touré ou Yassine Fall ne cachent pas leur opposition à celle-ci alors qu’elle n’a aucun cachet officiel. C’est le prolongement d’une bataille du camp du pouvoir dont des responsables ont du mal à voir l’ex-chef de l’Etat en pleine lumière.
Par Bocar SAKHO-Macky Sall a été toujours un grand taiseux. On commente ses intentions et ses ambitions cachées sans qu’il n’affiche ses désirs. Mais, le pouvoir de Pastef, à travers sa ministre des Affaires étrangères, Yassine Fall, et Haut représentant du chef de l’Etat, Mimi Touré, ainsi que d’autres directeurs généraux, piliers du régime, se sont empressés de vouloir étouffer une candidature non officielle dans l’œuf.
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Ces spéculations ont pris de l’épaisseur il y a quelques jours, suscitant des débats, alimentant les discussions au sein de la classe politique sénégalaise et dans certains cercles diplomatiques africains. Ces spéculations ont persisté, mais il est crucial de noter que l’ancien Président Macky Sall n’a jamais officiellement confirmé sa candidature à ce poste. S’agit-il d’un ballon de sonde ou d’une stratégie échafaudée par les têtes pensantes de Sall pour mesurer son taux de popularité ? Populaire auprès de ses ex-pairs, le Président Sall va-t-il bénéficier des parrainages nécessaires même si son pays ne le soutient pas ? Cette absence de confirmation officielle, malgré la persistance des rumeurs, peut être interprétée comme une approche stratégique. En effet, permettre la circulation de telles informations sans les valider formellement offre la possibilité de sonder le terrain, d’évaluer le niveau de soutien potentiel aux niveaux international et régional sans s’engager publiquement.
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Une annonce formelle prématurée exigerait un capital politique considérable et pourrait s’avérer embarrassante en cas d’échec, tandis qu’un statut de «candidat supposé» permet un lobbying plus discret et retarde l’examen direct de son bilan. De plus, le processus de sélection du Secrétaire général de l’Onu débutant en 2025 pour un mandat commençant en 2027, une non-confirmation précoce offre une flexibilité précieuse quant au calendrier d’une éventuelle démarche officielle. Cette stratégie souligne la complexité de l’interaction entre la perception publique, l’ambition politique et les procédures diplomatiques formelles.
La position tranchée et polémique de Yassine Fall
Le gouvernement sénégalais actuel, sous la direction du Président Bassirou Diomaye Faye, a adopté une position claire et sans équivoque : il ne soutiendra pas une éventuelle candidature de l’ancien Président Macky Sall au poste de Secrétaire général des Nations unies. La ministre des Affaires étrangères, Yassine Fall, a publiquement précisé que les exigences pour un tel poste sont rigoureuses, citant notamment une «intégrité impeccable», un «passé sans tâche» et une «expérience diplomatique avérée». Elle remet ainsi en cause publiquement la légitimité de Macky Sall…
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Cette position est aussi assumée par certains acteurs du camp du pouvoir comme Fadilou Keïta, Waly Diouf Bodian, Ngagne Demba Touré, qui estiment que l’ambition de Macky Sall est inappropriée au regard de son bilan, particulièrement la fin de son règne marquée par de «fortes tensions politiques et sociales» et des «troubles graves ayant causé la mort de 80 personnes». L’actuel pouvoir, qui n’a pas réussi à faire triompher Amadou Hott à la Bad, cherche ainsi à marquer une rupture, affirmant qu’il ne souhaite pas «cautionner une ambition jugée déconnectée des critères objectifs que cette responsabilité implique».
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Le refus explicite du gouvernement de soutenir la candidature de Macky Sall représente une divergence significative par rapport à l’idée d’un front national uni pour une position internationale de haut niveau. Cette décision n’est pas une simple différence de politique, mais un désaveu public qui envoie un signal fort. Le nouveau gouvernement, arrivé au pouvoir après une période de vives tensions politiques et de manifestations, utilise cette position pour affirmer une rupture nette avec l’administration précédente et ses problèmes de gouvernance perçus. En insistant sur les critères «d’intégrité impeccable» et de «passé sans tache», il critique implicitement le bilan de Macky Sall, notamment en ce qui concerne les pertes de vie humaine lors des protestations. Cette démarche renforce le mandat du nouveau gouvernement axé sur la «bonne gouvernance et l’engagement panafricain». Un tel manque de soutien de la part du propre gouvernement d’un candidat, surtout un gouvernement nouvellement élu, affaiblit considérablement toute prétention au poste de Secrétaire général de l’Onu, qui requiert un large consensus et un appui étatique solide. Cette rupture politique interne a des conséquences diplomatiques externes profondes, rendant presque impossible une candidature crédible pour Macky Sall depuis son pays d’origine.
Réactions et perceptions internationales
Malgré la position de Dakar, certaines voix sur le continent africain ont présenté Macky Sall comme un «porte-étendard africain» ou «le choix de l’Afrique» pour le poste de Secrétaire général des Nations unies. Des analystes ont souligné son «background» et son expérience diplomatique avérée, rappelant son plaidoyer pour la réforme du Conseil de sécurité de l’Onu, notamment l’obtention d’un siège permanent pour l’Afrique, et sa gestion de crises régionales.
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L’idée de Sall comme «le choix de l’Afrique» découle probablement de ses rôles de leadership au sein de l’Union africaine et de la Cedeao, où il a défendu des causes continentales telles que l’annulation de la dette et la réforme du Conseil de sécurité de l’Onu. Ces réalisations sont indéniablement des atouts pour la représentation africaine au plus haut niveau mondial. Cela met en lumière un dilemme crucial pour les dirigeants africains aspirant à des rôles mondiaux : si la solidarité régionale est importante, un bilan national irréprochable et un soutien national fort sont primordiaux pour obtenir une légitimité internationale. Le caractère controversé de l’héritage de Macky Sall au Sénégal éclipse ses efforts diplomatiques continentaux plus larges, surtout son mandat à la tête de l’Ua qui l’a permis de la faire intégrer parmi le G20.
Contexte de la succession au poste de Sg de l’Onu
Le mandat actuel du Secrétaire général des Nations unies, António Guterres, se termine fin 2026. Le processus de sélection du prochain Secrétaire général devrait donc commencer en 2025. Traditionnellement, le poste est attribué pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois. Bien qu’il n’y ait pas de règle formelle de rotation géographique, il est souvent attendu que le poste revienne à un candidat d’une région différente après plusieurs mandats.
Pour la prochaine succession, l’Amérique latine, après l’Afrique, l’Asie et l’Europe, est souvent mentionnée comme une région potentielle de l’origine du patron de l’Onu. Mais, ce n’est figé… Car Koffi Annan a remplacé Boutros Boutros-Ghali en 1997 après un seul mandat.
bsakho@lequotidien.sn