Touba est replongée dans la ferveur depuis plusieurs jours. La communauté musulmane célèbre demain la 136ème édition du Magal de Touba dans un recueillement pour rendre hommage à Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur du Mouridisme. Serigne Touba, qui a contribué à l’expansion et au rayonnement de l’islam, est un nom sanctifié. Son héritage est entretenu par des millions de talibés. Son legs a été géré depuis sa disparition par 8 khalifes généraux. 8 empreintes sur la cité religieuse et le Mouridisme. Serigne Mouhamadou Moustapha (1927-1945)

: Le gardien du temple
Serigne Moustapha Mbacké est une lumière dans le Mouridisme. Génie du savoir-faire, il fut un bâtisseur à Touba. Serigne Mouhamadou Moustapha était le continuateur et le réalisateur de la cité dont son père a été l’architecte. Il y a le défi du désenclavement qu’il a relevé en réalisant le tronçon de rail à ses frais. C’est le véritable Ila Touba, très loin avant la conception évidemment de l’autoroute. S’il habitait à Touba avec sa proche famille, il a conçu la naissance des sept villages éloignés chacun de 7 kilomètres ceinturant ainsi la ville dans les différentes directions avec le mausolée et la mosquée comme centres d’attraction.
Cette opération a provoqué la prospérité de nombreux négociants diourbellois. Grâce à l’importation de matériaux, il s’est formé les commerçants Baol-Baol devenus fins négociants. Ce qui explique la prépondérance des commerçants mourides dans le tissu économique du Sénégal.
Serigne Fallou Mbacké (1945-1968) :

Le visionnaire
A Touba, l’esprit de bâtisseur habite tous les khalifes généraux. Serigne Fallou Mbacké est l’architecte de la modernisation de Touba et a donné au Magal ce cachet populaire dans la capitale du Mouridisme. En demandant aux talibés de venir désormais célébrer le départ en exil du cheikh dans la cité religieuse, il posa ainsi les fondations d’une cité dominante. C’est dès son accession au «khilafa» que Serigne Fallou Mbacké eut comme premier chantier la célébration du 1er Magal à Touba en 1948, rompant avec la tradition qui consistait à le célébrer par chaque talibé partout. Le 16 mai 1949, 27 du mois Rajab, Serigne Fallou lança la reprise des travaux de la Grande mosquée de Touba en compagnie de tous ses frères et sœurs, les cheikhs et disciples de Serigne Touba. Après la première phase de la construction de la mosquée, il donna le nom de Lamp Fall au plus long minaret en hommage à Mame Cheikh Ibra Fall. Ce minaret mesurait 86, 60 m. La mosquée est inaugurée le 7 juin 1963 en présence du Président Senghor.
De son père, Cheikh Ahmadou Bamba, et de sa mère, Sokhna Awa Bousso, Serigne Fallou Mbacké est issu d’une famille d’hommes de culture et de valeurs religieuses. Il a impacté le Mouridisme. Durant son khalifat, Serigne Fallou a envoyé 896 personnes accomplir le 5ème pilier de l’islam. Ses contemporains rapportent qu’il a offert 413 véhicules à des particuliers et payé des dettes d’autrui à hauteur de 67 millions de francs à l’époque. Serigne Fallou entretenait des relations cordiales avec toutes les familles religieuses du Sénégal. Le défunt Cardinal Hyacinthe Thiandoum, avait fait un témoignage émouvant lors de son rappel à Dieu : «On a perdu un homme de la dimension de Mame Adama, tellement il était utile à toute l’humanité.»
Cheikh Abdoul Ahad Mbacké (1968-1989)

Le bâtisseur
Troisième Khalife général des mourides après le rappel à Dieu de Serigne Fallou, Cheikh Abdoul Ahad Mbacké naquit à Diourbel en 1914. C’était un homme sobre, très convivial, courtois et serviable, mais la vérité et le précepte islamqiues étaient son moteur. Dans un sermon mémorable, Cheikh Abdou Ahad Mbacké avait assuré qu’un musulman doit se retrancher opiniâtrement dans la vérité.
En talibé exemplaire, on l’a vu, agriculteur émérite, manié lui-même dans ses champs, les instruments aratoires, avec dextérité et maîtrise. Il produisait dans ses exploitations de Touba Bélel, de Bokk Barga, de Kaad Balodji, de Mbara Dieng. Ensuite, il a exercé le métier de commerçant, a tâté le transport en commun. Cette volonté de «mettre la main à la pâte» montre sa volonté de donner l’exemple, de se nourrir à la sueur de son front et de montrer sa volonté de s’assurer des revenus licites du point de vue de l’Islam.
Cette période a permis à Baye Lahat d’emmagasiner une somme d’expérience de la vie, une connaissance approfondie de la nature humaine. Cette expérience est un capital inestimable pour la gestion de la communauté, quand vint son tour d’exercer le khalifat.
A la tête du khalifat, les talibés découvrent un guide droit, honnête, ennemi irréductible du mensonge, de la duplicité et de l’hypocrisie. Sa rigueur inflexible le conduit très vite à mettre sur les rails un train de réformes de fond dont les résultats ne tardèrent pas à donner au Mouridisme un nouveau visage.
Dès son avènement, Serigne Abdoul Ahad insiste sur la doctrine du travail avec un exemple personnel, qui insuffle aux disciples mourides cet esprit combatif avec lequel ils vont à la conquête du monde.
Serigne Abdou Khadre Mbacké (1989-1990)

L’érudit
Il naquit une nuit de vendredi de 1914 à Darou Alim «Alimoul Habir», plus connu sous le nom de Ndame. Un village situé à 5 km de Touba, fondé par son vénéré père Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké. Cheikh Abdoul Khadir est le fils de Sokhna Aminata Bousso, fille de Serigne Mboussobé, un frère de Sokhna Diarra, mère de Serigne Touba.
Dès Son enfance, Cheikh Abdoul Khadir Mbacké a commencé à incarner une intercession à l’égard des créatures et a fracassé tous les obstacles qui se dressaient entre les créatures et leur salut.
Serigne Abdoul Khadir dirigeait les offices religieux et procédait lui-même à la prière sur les morts aussi souvent qu’il le pouvait. Répondant à l’appel du Très-haut, après avoir servi le figh et l’islam, un jour de Vendredi le 18 mai 1990, 11 mois seulement après avoir revêtu son manteau de quatrième khalife de Serigne Touba, il aura vécu un séjour terrestre de 75 ans, exactement comme son père Cheikh Ahmadou Bamba. Serigne Abdoul Khadir fait partie des hommes dont nous décrit Serigne Touba dans son ouvrage intitulé «La voie de la satisfaction des besoins» en parlant de l’attitude des compagnons du prophète : «Ils ont perpétué le message sans discorde, car ils avaient assujetti leur âme charnelle à l’obéissance.» «Ils avaient ruiné les fortunes à faire des dépenses pieuses sans ostentation aux yeux des gens, ni hypocrisie», ajoutait-il.

Serigne Saliou
Mbacké (1990-2007) :

le 5ème pilier !
Sa lumière a guidé le pays pendant 17 ans. Serigne Saliou Mbacké (1915-2007), cinquième Khalife général de la confrérie mouride, était le dernier fils survivant de Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur du Mouridisme. Il était une figure religieuse très respectée. Son khalifat, qui a duré 17 ans (1990-2007), a été marqué par un engagement profond envers l’éducation religieuse et l’agriculture. Il était reconnu pour son dévouement à l’enseignement du Coran et pour ses vastes projets agricoles, notamment le développement de grandes exploitations comme les 45 000 hectares de Khelcom. Ces initiatives ont permis de créer des opportunités économiques pour de nombreux membres de la communauté mouride.
Le Sénégal se souvient encore de son discours inaugural, où il déclarait : «Hormis l’islam et la gestion de l’héritage de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, rien ne saurait retenir mon attention, encore moins susciter de ma part commentaires ou autres directives.» L’homme a respecté ses engagements jusqu’au vendredi 28 décembre 2007 : à la fois ascète et savant, Serigne Saliou était spécialisé dans les sciences exactes, le droit et l’astrologie. Humble et très détaché des choses de ce bas monde, Serigne Saliou était aussi un bâtisseur. Sous son khalifat, qui a duré dix-sept ans, la ville de Touba a acquis une dimension de modernité.
En tant que chef spirituel, Serigne Saliou Mbacké était vénéré pour sa piété, son humilité et son engagement à préserver l’héritage de son père. Il a supervisé d’importants travaux de rénovation de la Grande mosquée de Touba et a initié la construction d’une université islamique. Son décès en 2007 a été un événement majeur au Sénégal, le Président de l’époque ayant décrété un deuil national de trois jours. Son neveu, Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké, lui a succédé, inaugurant le temps des petits-fils.

Le temps des
petits-fils
Après le décès de Serigne Saliou Mbacké en 2007, s’ouvre l’ère des petits-fils. Evidem­ment, le principe reste immuable ; l’ordre de succession est dévolu au plus âgé. Après Cheikh Saliou, c’est Serigne Bara Mbacké qui hérite du khalifat ; il est décédé le 30 juin 2010, avant d’être remplacé par Cheikh Maty Lèye. Ce dernier devient ainsi le 7ème Khalife général de Touba dans la foulée. Il décéda en janvier 2018 à l’âge de 94 ans.
Aujourd’hui, c’est Serigne Mountakha Mbacké, patriarche de Touba, qui est le khalife de la communauté.