Plusieurs jours après le début de la crue, des quartiers de la commune de Matam, Afia et Gourel Defa, sont petit à petit envahis par les eaux. Sans sites de recasement, sans tentes et sans vivres, les populations regardent, avec impuissance, l’avancée des eaux dans les maisons. Par Mame Woury THIOUBOU –

Les images font froid dans le dos : de jeunes élèves de Diamel, dans l’eau jusqu’à la poitrine, leurs cahiers et livres d’écoliers bien attachés sur la tête. Contre vents et marées, ces jeunes lycéens mettent leur vie en danger pour rejoindre le lycée de Matam, à 3 km de leur quartier de Diamel envahi par les eaux en crue du fleuve Sénégal. Dans d’autres villages du Dandé Mayo, ce sont des familles entières qui sont forcées de migrer vers des terres moins menacées. Dans la commune de Matam également, la situation est de plus en plus compliquée.

Ici, la course contre la montre est lancée. Les eaux du fleuve qui encerclent la ville envahissent certains des quartiers les plus exposés. Après Gourel Defa, c’est au tour des habitants d’Afia de se retrouver prisonniers des eaux. Ce quartier, qui abrite l’Hôpital régional, reçoit de l’eau depuis quelques jours. Sur place, c’est un petit groupe de volontaires qui s’active. Saïdou Ba et Kadia Kébé sont dans cette dynamique. «Les quartiers d’Afia et Gourel Defa sont dans l’eau, mais on n’a même pas de site de recasement pour le moment», confie Kadia Kébé Ndiaye, jointe par téléphone. Selon les informations à la disposition de Mme Ndiaye, le Cdeps et le Centre culturel de Matam ont été ciblés pour recevoir les sinistrés. Mais aucun aménagement n’a encore été fait sur place. D’ailleurs, les autorités demandent à ceux qui voudraient être relogés sur ces sites, de venir avec leurs matelas. «Le Préfet et les autorités sont à pied d’œuvre. Mais on constate quand même qu’il n’y a aucun équipement sur place. Il n’y a même pas de tentes. A Belli Diallo (à quelques kilomètres de Matam) qui fait partie des premiers sites inondés, ils n’ont toujours pas reçu de tentes», regrette Mme Ndiaye.

Dans ces maisons envahies par les eaux et que leurs propriétaires tardent à quitter, faute de solutions, la vie est difficile. Plus d’eau potable, plus de latrines non plus. Une situation qui laisse entrevoir des conséquences sur la santé des populations. Des maladies hydriques ou du péril fécal, certaines sont déjà présentes dans la vallée, et vont sans doute émerger ou se multiplier dans les prochaines semaines si des mesures ne sont pas prises.

Lutter avec les moyens du bord
L’eau s’infiltre partout. Et dans la nuit du lundi au mardi, une intervention d’urgence a été nécessaire pour colmater une brèche à Gourel Nama, autre localité à la périphérie de la ville. Un camion de sable de la Compagnie sénégalaise d’entreprise (Cse), une pelle mécanique, quelques sacs et des éléments de l’Armée ont vite fait d’installer un barrage de fortune. Seulement voilà, le lendemain, tout cela était réduit à néant. Et l’eau continue de s’engouffrer dans la cuvette d’Afia. «La situation est assez inquiétante», confie Saïdou Ba. «Les interventions provisoires ne peuvent pas régler la situation. Si on a des sites de recasement, il faut les mettre à la disposition des sinistrés. Mais jusque-là, rien n’est prévu. S’il n’y avait pas les entreprises comme la Cde, Matam serait déjà sous les eaux», se désole M. Ba.

Peu de réactions des autorités
Selon les autorités, une enveloppe de 8 milliards de francs Cfa aurait été dégagée pour faire face à la catastrophe. Mais à Matam, rien n’indique que des actions sont entreprises pour mettre à l’abri les populations piégées par les eaux du fleuve. Celles qui ont dû abandonner leurs maisons n’ont encore reçu aucun soutien des autorités. Depuis le début de cette crise, les chiffres publiés par le gouvernement, à la faveur de la visite éclair du Président Bassirou Diomaye Faye sur les sites de Bakel, font état de près de 55 mille sinistrés.
Plusieurs jours après, l’onde de crue ayant gagné la région de Matam et provoqué le déplacement de plusieurs villages, de nouveaux chiffres sur le bilan humain de cette tragédie tardent à être publiés. Toutefois, selon certaines sources autorisées, à la date du lundi 21 octobre, 486 ha de culture ont été perdus dans le département de Matam, 524 ha dans celui de Kanel, pour un total de 1800 producteurs impactés. En outre, 250 mil­lions de francs Cfa d’investissement seraient également déjà perdus.
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