Des personnalités parmi les plus en vue du pouvoir viennent de rentrer dans l’ombre par le fait du prince. Longtemps cachées, des divergences profondes ont fini par emporter celles qui, pour certains, s’étaient crues inamovibles.

Si l’arrivée de Idrissa Seck dans la coalition au pouvoir est un choc, le départ de ceux que l’on commençait à considérer comme des caciques du régime de Macky Sall peut aussi être assimilé à un séisme. Voir partir Mahammed Boun Abdallah Dionne, Aminata (Mimi) Touré, Amadou Ba, Mouhamadou Makhtar Cissé et Aly Ngouille Ndiaye des hautes stations dans lesquelles ils ont longtemps gravité ne pouvait laisser personne indifférent. Et bien entendu, Le Quotidien, comme d’autres confrères, a voulu se faire aussi sa religion.
Et c’est là que l’on comprend également à quel point la politique est un art de dissimulation. Depuis hier, les langues se délient pour indiquer à quel point les relations s’étaient dégradées entre le Président Sall et, notamment, celui qui passait pour être le seul à mieux lire et même précéder les désirs du chef, son dernier Premier ministre. De fait, on apprend qu’entre les deux hommes, la confiance était rompue depuis déjà un certain temps. Le ministre Secrétaire général de la Présidence a été soupçonné de s’être servi de sa position pour se poser en numéro 2 de facto dans ce régime. «Il se permettait de prendre des initiatives de nature à exercer des pressions indues sur certaines personnes, menaçant des carrières. Le tout, à l’insu du chef de l’Etat», révèle-t-on. Mis au courant de ces pratiques et de bien d’autres plus graves, Macky Sall a longtemps hésité à le limoger. Mais son mécontentement à son égard était tel qu’il lui avait demandé de libérer le logement officiel du Premier ministre qu’il avait continué à occuper même en étant à la Présidence.

Ambitions démesurées
Et c’est quasiment les mêmes griefs qui ont emporté le secrétaire général du Gouvernement, Maxime Jean Simon Ndiaye. Une différence assez minimale d’avec le groupe de ceux à qui il est reproché de s’être vus en Iznogoud d’Afrique. En tête desquels on pourrait mettre l’ancienne présidente du Cese, Mme Mimi Touré. Voilà une personne qui ne retient pas les leçons du passé. Elle avait perdu la Primature pour avoir très tôt lorgné le fauteuil. Mais sa traversée du désert ne lui aura pas servi de leçon, car une fois remise en selle au Cese, elle a commencé à laisser place à sa mégalomanie. Au point de se brûler les ailes une fois de plus. S’ils n’ont pas fait montre des mêmes comportements, on peut néanmoins dire que, depuis un bon bout de temps déjà, il était prêté à Amadou Ba, Makhtar Cissé et Aly Ngouille Ndiaye de nourrir des ambitions un peu trop démesurées pour leur carrière. Amadou Ba, en qui beaucoup d’observateurs avaient commencé à tailler le costume de patron de l’Apr, le parti présidentiel, à Dakar, s’est brouillé avec le Président dès la réélection de ce dernier. M. Ba n’avait pas caché ses états d’âme d’avoir été délogé du 6ème étage de l’immeuble Peytavin, le siège du ministère des Finances. Il n’avait accepté les Affaires étrangères que contraint et forcé. Il faut croire que cet épisode a dû laisser des traces. On apprend qu’il a erré à ce ministère comme une ombre. «Certaines décisions se prenaient même à son insu. Il n’était plus associé à grand-chose par le chef de l’Etat», se susurre-t-il. Il était donc évident que, dans ces conditions, il n’allait pas rester longtemps à son poste.
Ce questionnement s’était posé dans le cas du ministre sortant de l’Energie et du pétrole, Mouhamadou Makhtar Cissé. Dès l’éclatement du conflit opposant la Senelec à son partenaire Akilee, tout le monde se demandait pourquoi la personne qui avait signé le fameux contrat, jugé par tous comme léonin, pouvait encore rester dans le gouvernement, et avoir la tutelle sur la Senelec. Ses détracteurs trouvaient que M. Cissé avait fait montre de duplicité, et s’était servi de son poste à la Senelec pour se préparer des niches, aussi bien financières qu’en termes de relations, pour des ambitions à plus ou moins long terme. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que c’est quasiment de la présidence de la République que venaient les instructions données au Dg de la Senelec dans la gestion du dossier Akilee. D’autant plus que les enquêtes ont révélé que ce n’était pas la seule nébuleuse laissée par Makhtar Cissé dans la société de l’électricité. Les mêmes failles dans la bonne gouvernance ont coûté son poste à Oumar Youm qui, lui aussi, passait pour être proche du chef de l’Etat.

Antoine Diome, différent de Aly Ngouille ?
Quant à Aly Ngouille Ndiaye, on ne peut que noter le contraste qu’il fait avec son remplaçant Antoine Félix Diome. S’il avait fini par fondre son mouvement dans l’Apr, Aly Ngouille était d’abord un allié politique, réuni avec Macky par les bégaiements de la politique. Après avoir été ministre des Mines et de l’énergie, poste qui correspondait plus à son parcours professionnel antérieur, il s’est retrouvé à l’Intérieur, d’où il a piloté le Référendum et l’élection présidentielle. Il a fait l’objet de beaucoup de critiques de la part de l’opposition du fait de sa coloration politique. Il faudra s’attendre à ce que ces critiques non seulement ne cessent pas, mais mieux s’amplifient avec M. Diome. Mis en lumière lors du procès de Karim Wade pour enrichissement illicite, il a été substitut du procureur de la Crei, avant de migrer vers l’Agence judiciaire de l’Etat. Antoine Diome est un bon serviteur de l’Etat, mais il est aussi, et surtout, un ami très proche de la famille présidentielle. Avec lui, c’est vraiment un très proche de Macky qui prend le contrôle des services d’ordre du pays.
En termes de surprise, on peut noter le maintien en poste de Me Malick Sall. Voilà quelqu’un qui doit certainement une bien fière chandelle à ses détracteurs de l’Ums. En effet, des observateurs soulignent que le juge Téliko et ses amis ont commis une erreur stratégique en demandant à cor et à cri le limogeage de leur ministre de tutelle. Si le Président avait accédé à leur demande, cela aurait passé pour de la faiblesse. Donc il était évident pour beaucoup en ce moment que, quel que soit ce qui lui était reproché, le garde des Sceaux n’allait pas lâcher son portefeuille.