CINEMA – Projection dans les écoles : Plus de 2000 élèves à l’école du documentaire

L’auteur de «Sarraouinia» était connu pour ses écrits. Mais au-delà de sa plume, Mamani Abdoulaye avait aussi joué un grand rôle dans les évènements qui ont conduit le Niger à l’indépendance. Une histoire «effacée» que sa fille Amina Mamani Abdoulaye a minutieusement retissée dans ce film qui vient de remporter le Grand prix du Jury du Festival international du documentaire de Saint-Louis.
Amina Mamani Abdoulaye n’avait que dix ans quand son père perd la vie dans un accident de voiture. Poète et écrivain, ce père se révèle être un des acteurs majeurs de la lutte pour les indépendances au Niger. Mais ce passé est presque occulté et sa fille, 26 ans après sa disparition, tente de reconstituer la toile de cette histoire. Sur les traces de Mamani Abdoulaye, le film qu’elle a réalisé mêle la petite histoire à la grande. A côté de la petite fille trop tôt sevrée de la présence de son père, le film raconte aussi les évènements historiques qui ont précédé l’accès à l’indépendance du Niger. Cette quête, la réalisatrice la démarre auprès de sa mère d’abord dont les souvenirs sont exhumés avec pudeur et émotion. Autour d’une valisette remplie de vieilles photos, de correspondances, elle retisse les fils du passé. Le ton est donné et le film de Amina revisite petit à petit les nombreuses vies de son père. Enseignant puis syndicaliste, il devient un des leaders politiques du parti Sawaba, un parti qui milite contre la domination coloniale et pour la transformation de la société. Au Congrès de Cotonou en 1958, il fait partie de ceux qui exigent une indépendance immédiate. De par son engagement, Abdoulaye Mamani a été aux premières loges dans la lutte pour l’indépendance en Afrique occidentale française (Aof). Son engagement en faveur du Non au référendum en fait une cible politique. Exilé après les indépendances, il passera 14 années entre l’Algérie, la Suisse et ailleurs, toujours recherché par les autorités de son pays. En 1974, le coup d’Etat du Général Seyni Kountchié le ramène dans son pays natal. Un retour trop prématuré puisque la junte va encore l’embastiller pour 4 années. Ses compagnons de lutte qui racontent le fil de ces combats, soulignent que cette énième épreuve lui laisse une marque indélébile. Il s’oriente alors vers une lutte plus intellectuelle. Ses écrits deviennent ses armes et c’est durant ces quatre années de captivité qu’il écrit l’histoire de la reine Sarraounia. Une œuvre qui sera par la suite adaptée au cinéma par le réalisateur mauritanien, Med Hondo, en 1986.
Plus de 2000 élèves ont pu suivre des films
Le film de Amina Mamani Abdoulaye est un des 22 films documentaires de création en compétition pour cette 11e édition du Festival international du film documentaire de Saint-Louis. Contrairement aux années précédentes, la présente édition a adopté une portée plus limitée. Mais les projections dans les écoles qui sont des moments importants dans le déroulement des activités du festival ont pu être maintenues. En cette matinée du vendredi 18 décembre, ces jeunes élèves d’une classe de 4e du Lycée des jeunes filles Hameth Fall font partie des plus de 2000 élèves qui ont pu suivre des films entre Saint-Louis et Gandiol. Après avoir suivi le film dans un silence quasi religieux, John Schlegel, l’animateur des débats, prend les choses en main. En guise d’entrée en matière, il pose quelques questions aux jeunes élèves : Qui était Mamani Abdoulaye ? Les reponses fusent : il était écrivain, dit l’une, activiste, enseignant, disent d’autres voix. C’est l’occasion pour John de parler un peu du contexte de ces luttes pour l’indépendance, le référendum et le voyage de De Gaulle en Afrique occidental française (Aof). Rapidement, les débats glissent vers le contexte sénégalais et des noms de figures contemporaines sénégalaises sont cités, Mamadou Dia, Léopold Sedar Senghor, Lamine Guèye ou Blaise Diagne. «Vous avez déjà au programme la décolonisation, les indépendances et ce film documentaire va beaucoup vous aider», insiste la Proviseure du Lycée Ahmeth Fall. Selon Mme Khady Ba Sy, le choix de ce film dans cette salle n’est en effet pas fortuit. «L’année dernière, l’équipe du festival était ici pour la projection d’un film documentaire sur le Mali qui parlait du djihadisme. Cette année, on a présenté un écrivain qui était aussi engagé en politique. Et c’est l’occasion pour les élèves de revisiter l’histoire du Niger et de l’Afrique et de passer en revue cette période liée à la décolonisation et les problèmes que les écrivains ont pu rencontrer», explique-t-elle. Le Lycée Hameth Fall est un des nombreux établissements scolaires qui accueillent des projections de films documentaires durant le festival. Et Mme Sy se réjouit de cette opportunité. «Le festival nous a permis de faire découvrir aux élèves autre chose que les films de fiction. Elles découvrent le documentaire et nous allons les encourager à suivre les autres films.» Mamadou Habib Kébé est un enseignant de carrière. Selon lui, il est important pour ces jeunes filles d’acquérir du savoir par d’autres canaux que les études. «Beaucoup de romans sont devenus des films et beaucoup d’écrivains ont eu la chance d’avoir un film documentaire sur eux», souligne M. Kébé en s’adressant à son jeune auditoire.