Cinéma – Sortie en salle au Sénégal : «Tirailleurs» de Mathieu Vadepied arrive à Dakar

Projeté pour une première fois à Cannes cette année, «Tirailleurs», le film de Mathieu Vadepied, arrive dans les salles dakaroises. La vedette et producteur du film, Omar Sy, qui accompagne cette sortie aux côtés du réalisateur, a rencontré la presse hier.Par Mame Woury THIOUBOU
– Omar Sy et Mathieu Vadepied se sont connus sur le tournage d’Intouchables, le film qui a participé à faire connaître le comédien franco-sénégalais. En discutant, le premier prend connaissance du projet longtemps mûri par Mathieu Vadepied de raconter l’histoire de ces tirailleurs sénégalais arrachés à leur terre et plongés dans l’enfer de cette guerre à laquelle ils ne comprenaient pas grand-chose. «Et si le soldat inconnu était un tirailleur sénégalais ?» Autour de cette interrogation, les deux hommes vont développer l’histoire de Tirailleurs, celle d’un père et de son fils. En 1917, Thierno (Alassane Diong), 17 ans, est enrôlé de force dans l’Armée française. Son père, Bakary Diallo (Omar Sy), s’engage à son tour pour le rejoindre. Envoyés sur le front, père et fils vont devoir affronter la guerre ensemble. Galvanisé par la fougue de son officier qui veut le conduire au cœur de la bataille, Thierno va s’affranchir et apprendre à devenir un homme, tandis que Bakary va tout faire pour l’arracher aux combats et le ramener sain et sauf. Le synopsis est posé. Et l’histoire que déroule Tirailleurs est plus celle de l’amour d’un père pour son enfant. Un amour qui le conduira au cœur de la grande guerre, dans les tranchées. Son seul désir, sauver son fils et le ramener en Afrique. Un amour paternel présent tout au long du film, même si le contexte culturel le rend si pudique qu’il ne se manifeste guère par des mots. «On va s’en sortir», la parole du père à son fils est rassurante. Mais la guerre a ses réalités. Et l’une des plus odieuses est la mort, comme celle de 2000 hommes qui meurent pour avancer de 300m sur la prise d’une colline. Mais le film se veut avant tout humain et s’attache à présenter un visage nouveau de ces combattants étrangers. «Je suis venu au Sénégal quand j’avais 18 ans et j’y ai rencontré un tirailleur sénégalais. Dans ce film, j’ai voulu dire la douleur de ça, cette expérience d’être exilé, de se battre et de mourir loin de chez soi», explique Mathieu Vadepied.
Tirailleurs, qui est sur les écrans sénégalais depuis hier, arrive au bon moment selon Omar Sy. «On a besoin de ces récits pour se construire. Je pense que c’est un besoin générationnel. Le livre de David Diop, Frère d’âme, a été une préparation pour ce film. J’ai même fait une lecture au Festival d’Avignon pour me préparer», explique Omar Sy. L’acteur, qui n’a pas de tirailleurs dans sa famille, connait quand même l’histoire de ces soldats noirs, notamment à travers Thiaroye 44, le film de Sembène Ousmane. Ce qui contribue à faire de ce film un moment particulier pour l’acteur, c’est le fait que ce soit le premier rôle qu’il interprète en pulaar, sa langue maternelle. «Cette histoire, c’est mon histoire et mon identité. Et je pense qu’elle ferait du bien aux descendants des tirailleurs», dit-il. Les premières projections en France semblent lui donner raison puisque sans aucune polémique, «le film est accueilli dans l’apaisement», indique Mathieu Vadepied. «Une partie de l’histoire française a été occultée. Dans les écoles, cette histoire est largement «sous-enseignée». On a beaucoup de témoignages de jeunes personnes qui nous font sentir que ce récit fait sens pour eux», souligne le réalisateur du film. Sur le plan esthétique, Tirailleurs fait un pari sur la sensibilité et l’émotion, selon son réalisateur qui dit avoir travaillé sans lumière, avec la caméra à l’épaule le plus souvent possible. Une façon aussi de plonger le spectateur dans l’émotion. Il faut signaler que le film a bénéficié d’un financement du Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuelle du Sénégal (Fopica).
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