Un an et demi après la nomination de Ousmane Sonko à la Primature, la bataille judiciaire pour son intégrité civique franchit une étape décisive. Réuni en conférence de presse ce lundi 22 décembre 2025, le pool d’avocats du leader de Pastef a officiellement annoncé l’introduction d’une requête en révision du procès pour diffamation l’ayant opposé à Mame Mbaye Niang. Entre invocation de «faits nouveaux», application de la loi d’amnistie et volonté de «nettoyer» le casier judiciaire du Premier ministre en vue de 2029, la défense mise sur une rupture totale avec les décisions de l’ancien régime pour restaurer les droits de leur client.

L’annonce majeure concerne la réouverture du procès pour diffamation opposant Ousmane Sonko à l’ancien ministre Mame Mbaye Niang. Ce dossier est crucial car c’est cette condamnation qui avait entraîné l’inéligibilité du leader de Pastef lors de la dernière élection présidentielle. Les avocats ont confirmé que la procédure de révision est désormais enclenchée. Le pool de défense a longuement communiqué sur la situation électorale de leur client. Selon eux, l’objectif de cette bataille judiciaire est de «laver» l’honneur de l’actuel Premier ministre et de lever définitivement toute hypothèque sur son éligibilité pour les échéances futures, notamment la Présidentielle de 2029.
Cette sortie intervient alors que le Président Bassirou Diomaye Faye effectue une tournée économique dans le Sud du pays. Les avocats ont souligné que la Justice doit désormais suivre son cours en toute indépendance pour corriger ce qu’ils qualifient de «commande politique» passée sous l’ancien régime.
Quel est le «fait nouveau» pour rouvrir le dossier ? C’est le pivot central de leur action. Les avocats s’appuient sur la loi organique sur la Cour suprême (notamment les articles 92 et 93) qui permet de rouvrir un dossier jugé définitivement si des éléments inconnus au moment du procès apparaissent. Ils soutiennent que de nouveaux documents ou témoignages remettent en cause les fondements de l’accusation de diffamation portée par Mame Mbaye Niang. «Quand M. Ousmane Sonko s’est retrouvé Premier ministre, le rapport dont on disait qu’il n’existait pas a été porté à sa connaissance», a expliqué Me Makhtar Diouf. Selon l’avocat, ce document, signé et approuvé en 2018, constitue un «fait nouveau» au sens de l’article 92 de la loi organique sur la Cour suprême, permettant d’engager une procédure de révision. La décision repose désormais entre les mains de la ministre de la Justice, Garde des sceaux, qui est la seule autorité habilitée à transmettre officiellement la demande de révision à la Cour suprême. Conformément à l’article 93 de la loi organique sur la Cour suprême, la ministre de la Justice, Yassine Fall, a réuni une commission composée de magistrats de haut rang pour examiner la demande de révision. Cette commission comprenait notamment «un président de chambre à la Cour suprême», «le Procureur général près la Cour suprême», ainsi que plusieurs directeurs du ministère de la Justice, soit «peut-être huit magistrats» ayant «entre 25 et 40 ans d’expérience», selon Me Diouf. «Cette commission, telle qu’elle est composée, a rendu un avis favorable» à la révision du procès, a-t-il annoncé. Le dossier a été transmis au Procureur général qui doit saisir le Premier président de la Cour suprême pour statuer sur la recevabilité de la demande de révision.

Fait nouveau et révision du procès
Me Ciré Clédor Ly ajoute : «Ousmane Sonko a été violenté, martyrisé, embastillé, en violation de tous ses droits fondamentaux. Son seul tort : avoir porté une vision audacieuse pour l’Afrique. Nous sommes face à l’une des plus grandes conspirations de l’histoire politique du Sénégal, visant à confisquer la démocratie, les libertés et à vassaliser des juges.» Le procès ayant conduit à la condamnation de Sonko est décrit comme un instrument politique, destiné à l’empêcher d’accéder au pouvoir et à neutraliser un projet de souveraineté nationale. Me Ly enchaîne : «Ousmane Sonko est électeur et éligible aujourd’hui. Tant qu’il aura un souffle de vie, tout débat sur cette question est sans intérêt.»
Par ailleurs, un débat juridique majeur a été soulevé concernant l’articulation entre la condamnation et la loi d’amnistie : la défense soutient que si les faits sont couverts par l’amnistie (visant les événements politiques entre 2021 et 2024), la condamnation doit être purement et simplement effacée des registres, y compris du casier judiciaire. Ils argumentent que la diffamation, dans ce contexte précis, était une manœuvre politique et doit donc bénéficier de la rétroactivité de la loi d’amnistie, rendant caduque l’inéligibilité qui en découlait. «L’amnistie efface la peine, mais pas la condamnation. La révision, elle, annule la condamnation pénale et civile. Ce procès en révision sera inédit, parce qu’il ne s’agit pas d’une simple erreur judiciaire, mais d’une conspiration politico-judiciaire», explique Me Ly.

Contestation de la régularité du procès initial
Le collectif dénonce une «commande politique» et pointe du doigt ce qu’il considère comme des ruptures d’égalité devant la loi lors des précédentes instances : les avocats de Sonko invoquent le principe de la «loi pénale plus douce» qui devrait s’appliquer rétroactivement si les réformes judiciaires en cours au Sénégal modifient les sanctions liées à la diffamation. Ils ont également évoqué la suspension de l’exécution de la peine (les 200 millions de F Cfa de dommages et intérêts) tant que la procédure de révision est en cours.
Au-delà du droit, l’enjeu est le nettoyage du casier judiciaire de Ousmane Sonko. Les avocats ont précisé que cette démarche vise à éliminer toute «zone d’ombre» juridique pour garantir qu’aucune contestation ne puisse être soulevée lors de son éventuelle candidature à la Présidentielle de 2029. «Le préjudice, il est immense», a déclaré Me Diouf. «Imaginez-vous si Ousmane Sonko n’avait pas été condamné et qu’il avait été candidat à l’élection présidentielle de 2024, qu’est-ce qui se serait passé ?», s’interroge-t-il.