Conditions des femmes détenues : «Rappel à l’ordre» interpelle l’État

Les murs du Camp pénal de Liberté 6 cachent une réalité sociale et humaine de plus en plus insoutenable. Réuni en conférence de presse hier, le mouvement «Rappel à l’ordre», soutenu par plusieurs organisations de la Société civile, a lancé un plaidoyer poignant sous le thème : «Mobilisons-nous contre les longues détentions des femmes dans les prisons sénégalaises.» Entre précarité sanitaire et violations des droits humains, le constat est alarmant. Et le cas Mabintou Diaby est devenu le symbole d’une urgence humanitaire.
Par Justin GOMIS – Le cadre austère du Camp pénal de Liberté 6 est aujourd’hui au cœur d’une vive polémique. Lors d’une conférence de presse organisée hier en collaboration avec plusieurs organisations de la Société civile, le mouvement «Rappel à l’ordre» a dressé un réquisitoire implacable contre les conditions d’incarcération des femmes. Entre précarité sanitaire, détention arbitraire de mineures et défaillances judiciaires, le tableau dépeint est celui d’un véritable «calvaire» carcéral.
Le mouvement a particulièrement braqué les projecteurs sur la situation de Mme Mabintou Diaby, l’épouse du journaliste Madiambal Diagne. Son cas est devenu l’emblème d’une détention jugée incompatible avec l’état de santé des détenues. «Elle est malade, et sa détention ne fait qu’aggraver sa pathologie», a martelé Alimatou Kane, membre du mouvement.
Face à cette urgence, les militants exigent sa libération immédiate, ainsi que celle de toutes les personnes malades en détention, plaidant pour une prise en charge médicale adéquate hors des murs de la prison.
Au-delà des cas individuels, c’est tout le fonctionnement du Camp pénal qui est remis en cause. Les griefs sont nombreux : manque de soins adaptés et précarité sanitaire extrême, une séparation traumatisante avec les familles et les enfants, laissant les mères dans une détresse psychologique profonde. Le mouvement dénonce des durées excessives, certaines femmes croupissant en cellule depuis plusieurs années sans procès. «Une violation grave des droits humains qui alimente la surpopulation carcérale», note la porte-parole. Exigeant sa libération immédiate pour des raisons humanitaires, le collectif a étendu cette demande à toutes les détenues souffrant de pathologies graves. «Elles doivent bénéficier d’une attention particulière et, si nécessaire, être libérées pour recevoir des soins adéquats», plaide-t-elle pointant un système carcéral à bout de souffle. Pour elle, l’insuffisance d’hygiène et le manque de soins adaptés ne sont que la face émergée de l’iceberg. Le mouvement dénonce avec force : des femmes croupissent en cellule depuis plusieurs années sans jugement, une pratique qui alimente la surpopulation carcérale, la séparation avec les enfants est décrite comme un «déchirement» aux conséquences sociales dévastatrices.
Le cas Mabintou Diaby : un impératif humanitaire
L’un des points les plus alarmants soulevés concerne la présence de filles mineures dans les mêmes cellules que les adultes. Pour «Rappel à l’ordre», cette promiscuité est inacceptable et contrevient aux conventions internationales. L’organisation exhorte l’Etat à construire des établissements spécifiques pour les mineures, centrés sur la rééducation et la protection, à l’image des centres existants pour les garçons.
La conférence de presse a également été le théâtre de témoignages poignants d’anciennes détenues. Ces dernières ont évoqué des actes de torture, des sévices liés aux travaux forcés et des pratiques d’extorsion d’argent au sein de l’établissement. Plus surprenant, le mouvement a pointé du doigt la responsabilité de certains avocats. Des «robes noires» sont accusées de percevoir des honoraires sans assurer la défense effective de leurs clientes, laissant ces femmes, déjà vulnérables, sans aucun recours juridique.
En tout cas, la Société civile appelle à un changement de paradigme. Outre l’amélioration des conditions de vie, elle réclame un véritable soutien à la sortie de prison. «Beaucoup de ces femmes sont stigmatisées, sans ressources ni soutien familial à leur libération», déplorent les organisateurs.
L’Etat est désormais sommé de prendre ses responsabilités pour transformer ces lieux de «calvaire» en véritables espaces de réinsertion, conformément à l’Agenda de transformation sociale du pays.
justin@quotidien.sn

