Gestion du dossier du Joola : Les orphelins prennent le relais
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Le Comité d’initiative pour l’édification du mémorial Le Joola a jugé utile de faire cas de l’état d’avancement du dossier, le bilan de ses activités, et enfin de livrer le message des familles de victimes du naufrage en direction de l’opinion nationale et internationale. Après avoir atteint la majorité, ont pris le relais de leurs aînés, pères, oncles et grands frères, dans la défense de leurs intêrets.Par Ousmane SOW –
19 longues années se sont écoulées depuis que le ferry sénégalais a coulé à environ 40 kilomètres des côtes gambiennes. Un triste anniversaire que le Comité d’initiative pour l’édification du mémorial Le Joola s’apprête à commémorer dans un contexte marqué par une crise sanitaire majeure. Ce dix-neuvième anniversaire sera placé sous le thème «Naufrage du Joola et gestion de la pandémie : l’irresponsabilité se poursuit», déclare Samsidine Aïdara, membre du Comité d’initiative pour l’édification du mémorial Le Joola, hier, lors d’une conférence de presse à la Place du Souvenir sur la corniche ouest de Dakar. Par le choix de ce thème, le comité veut adresser un message fort aux populations : «Prenons ensemble conscience de nos responsabilités individuelles et collectives pour vivre ensemble», a-t-il ajouté. Il invite l’Etat à en faire de même pour assurer de meilleures conditions de vie et de sécurité à toute la population. Et ce, en tirant pleinement partie des leçons des erreurs et errements passés.
Au lendemain du naufrage, près de 1 900 orphelins mineurs avaient été recensés et le gouvernement avait pris l’engagement solennel de les prendre immédiatement en charge. «Nous invitons aussi l’Office des pupilles de la Nation à tenir compte de ces recommandations pour que la liste qu’elle nous a communiquée soit ouverte et complétée», a dit M. Aïdara. Selon lui, l’exaspération du comité continue de grandir. «Alors, comment le gouvernement a-t-il géré le dossier du Joola depuis 19 ans ? Qu’a-t-il fait du mémorandum soumis par les associations de familles de victimes ?», s’interroge-t-il. Rappelant également que par rapport à la gestion étatique du dossier, le comité avait déposé sur la table du gouvernement depuis 2007, un mémorandum en Cinq (5) points. Mais «le renflouement, la justice et la journée du souvenir sont toujours au point mort», déplore Samsidine Aïdara.
Par contre, à l’en croire, il y a quelques avancées en ce qui concerne la prise en charge des orphelins et l’édification d’un mémorial. D’ailleurs, pour le projet du mémorial, le comité a proposé au gouvernement un modèle de mémorial composé d’un édifice polyvalent comprenant un musée du souvenir et un centre de recherche sur la sécurité humaine, la prévention des risques et des catastrophes. «La construction du mémorial est en cours à Ziguinchor et nous attendons sa réplique à la corniche ouest de Dakar», renseigne-t-il.
Ils réclament justice
Depuis quelques années, des orphelins devenus majeurs ont pris le relais de leurs aînés, pères, oncles et grands frères. Ce qui donne un nouveau souffle au mouvement de défense des intérêts des familles. Ils déplorent tous le fait que toute la lumière n’ait pas été faite sur ce naufrage. A en croire Martin Kourouma, orpheline du Joola et membre du comité, il y a un manque de volonté politique. «Nous attendons que les responsabilités soient situées parce qu’il y a des responsables au regard des situations qui ont précédé le naufrage. Nous maintenons qu’il y a des responsables et qu’ils doivent être désignés pour que justice soit faite», dit-il.
Cependant, il tient à rappeler que la majorité de ceux qui ont péri dans cet accident, leurs corps n’ont pas été retrouvés. Donc beaucoup parmi eux n’ont pas encore fait leur deuil. «Et sans corps, il n’y a pas de deuil», dit-il. Et de poursuivre : «L’érection de ce musée nous permettra de faire une partie de notre deuil parce qu’en Afrique le deuil est important.» D’après lui, ce musée ne va pas tellement servir à faire nourrir le devoir de mémoire, mais il pourra servir de lieu pour prévenir les risques et les catastrophes pour que pareille catastrophe ne se reproduise plus au Sénégal.
Quant à Alassane Thiam, orphelin du Joola et déclaré pupille de la Nation, par ailleurs aussi membre du comité, il demande : «Qui est-ce qui a tué nos parents ? Un naufrage qui a eu le 26 septembre à 23h et les secours sont venus à 17h le 27 septembre. A qui la faute ?». «Ce qui s’est passé, ce n’est pas de notre faute. Ce ne sont pas les orphelins qui l’ont provoqué, mais eux. C’est la faute de l’Etat», regrette-t-il.
Revenant sur la prise en charge des orphelins, il soutient qu’«il n’y a pas une prise en charge globale». «L’indemnisation a commencé en 2012. Actuellement, il y a 366 orphelins recensés dont 341 sont pris en charge. Les autres sont laissés en rade dans le dernier décret pour les désigner comme pupilles de la Nation», a-t-il conclu.
Stagiaire