La culture génère chaque année 2 milliards de dollars soit 3% du Produit intérieur brut (Pib) mondial. Mais le continent africain n’en représente qu’une petite portion. Pour changer cette donne et contribuer au développement d’industries culturelles créatives, Fatimata Wane et Seynabou Dia ont lancé l’initiative Action Africa Culture (Aac55).

A l’échelle du monde, la culture génère chaque année 2 milliards de dollars soit 3% du Produit intérieur brut (Pib) mondial. Sur le continent africain, la richesse culturelle est incommensurable. Mais l’Afrique ne représente qu’une partie infime de ce marché. Le constat est fait par l’activiste culturelle Aisha Dème. Elle participait ce mercredi à un panel en ligne marquant le lancement de la plateforme Action Africa Culture (Aac55), une initiative portée par la journaliste de France 24, Fatimata Wane, et Seynabou Dia, Ceo de GlobalMind Consulting. Les industries culturelles et les industries créatives, c’est autour de cette question qu’intervenait la sénégalaise qui fait remarquer que le continent africain est très en retard par rapport au reste du monde. Cela, alors même que ce reste du monde tire une grande partie de son inspiration du continent. «On est capable de créer une  industrie culturelle», estime Mme Dème dont l’agence d’ingénierie culturelle Siriworo accompagne nombre de projets culturels. Et pour elle, la première étape à franchir est d’abord de réfléchir au problème et d’en trouver des solutions. Une dynamique dans laquelle justement les deux initiatrices du projet Aac55 se sont déjà engagées. La plateforme ambitionne d’œuvrer en faveur de la promotion de la culture africaine et de son développement. Ici, la culture est comprise comme secteur économique, à la fois vivier d’emploi et de croissance, et porteur de sens pour tous les pays du continent, francophones, anglophones, arabophones et lusophones. «Au-delà̀ des 54 Etats, le projet intègre la Diaspora, décrite comme le 55ème acteur du continent, d’où le nom Aac55», indique la note de présentation du projet. Dans un premier temps, il s’agit pour Aac55 de proposer une année d’échanges et de réflexion autour des enjeux et des défis du secteur culturel en Afrique. Le résultat de ces travaux alimentera la première édition du Sommet africain de la culture Aac55, prévue en décembre 2021 au Musée des civilisations noires de Dakar au Sénégal, en partenariat avec l’Unesco. Ce sommet verra l’élaboration d’une charte pour la promotion de la culture en Afrique et au profit des acteurs culturels, à destination des secteurs public et privé, informent les initiatrices qui indiquent également que ce document s’appuiera sur les recherches déjà existantes et sera rédigé en collaboration avec des experts juridiques. Mais d’ores et déjà, la plateforme a lancé un processus pour recueillir les avis à travers la diffusion d’un questionnaire sur la culture africaine, destiné tant aux artistes et acteurs culturels qu’au grand public et aux amateurs d’art africain.
Invitée à la discussion, l’ancienne ministre de la Culture du Mali, Aminata Dramane Traore, a mis l’accent sur l’absence de politiques culturelles dans les pays africains. Selon Mme Traoré qui partageait la discussion avec le philosophe, Achille Mbembé, autour du thème «Comment l’Afrique peut se rapprocher de sa culture», aucune politique culturelle digne de ce nom ne permet encore au continent de développer cette richesse dont elle regorge. Selon l’ancienne ministre de la Culture, la raison est à chercher dans le faible poids que représente ce secteur pour les dirigeants. En concurrence avec des enjeux macroéconomiques, la culture, l’environnement et l’artisanat sont des secteurs sous évalués dans les gouvernements africains, déplore l’activiste. Une situation qui ne favorise pas l’émergence d’une industrie culturelle pouvant engendrer l’épanouissement des artistes.

Prendre au sérieux l’histoire du continent
Dans son intervention, le philosophe camerounais, Achille Mbembe, n’a pas manqué d’insister sur l’importance de la langue dans ce processus de réappropriation de son patrimoine pour l’Africain. «Nous vivons un moment où l’équilibre des processus naturels de la planète est en péril. Nous vivons dans un moment où s’annonce un changement de monde. Le Covid-19 et le racisme posent la question de savoir dans quelle condition nous pouvons reconfigurer le champ des possibles de l’Afrique, réenchanter notre continent pour faire une maison où l’on a envie d’habiter au moment où d’autres ont envie d’en partir en prenant des risques mortels pour aller vers des lieux où personne ne les attend. C’est la question de la culture qui doit être posée et nous avons des atouts pour y répondre», souligne également le philosophe qui invite les Africains à prendre au sérieux leur histoire.