Vendredi dernier, beaucoup de musiciens, proches et amis de Cheikh Tidiane Tall ont été choqués, à l’annonce de son décès. Ce samedi, à sa levée de corps à la morgue de l’hôpital Principal, c’était la tristesse sur leur visage. Sous le choc, ils ont été nombreux à venir faire les adieux au renommé instrumentiste de Xalam.
Youssou Ndour, artiste : «Il était le maitre de la musique sénégalaise moderne»
Il était le maitre. Le maitre s’en est allé. Les notes qu’il a jouées avec le groupe Xalam et avec les autres groupes resteront, à jamais, gravées dans nos mémoires. Nous venons de perdre quelqu’un qui nous a toujours encouragés à persévérer et à aller de l’avant dans la musique. Tous ceux qui œuvraient dans le domaine des arts et de la culture, rêvaient d’avoir à leur côté Cheikh Tidiane Tall, sinon ne serait-ce qu’un mot d’encouragement. C’était le cas pour moi lorsque je débutais ma carrière. A chaque fois que Cheikh Tidiane Tall, appréciait mon travail, c’était un grand baume au cœur. C’était le maitre de la musique sénégalaise moderne. Quelqu’un qui a su parler aux plus jeunes, encourager, les plus jeunes pour les amener à redoubler d’efforts. Il avait bien compris que la musique c’était l’échange. Les musiciens, les guitaristes savent que Cheikh Tidiane Tall avait des connaissances extrêmement pointues dans le jazz… Il a joué un grand rôle. On a perdu un grand maitre.
Henry Guillabert, membre du groupe Xalam : «Nous avons perdu le meilleur musicien de tous les temps en Afrique»
Cheikh Tidiane Tall c’était un homme généreux. Un homme qui a su nous accompagner, un homme qui a été patient. On le connait avec Xalam, depuis tout jeune, il avait cette chose qui est très importante pour un être humain normal, il était honnête dans son métier. Quand il disait «ce n’est pas bon», ce n’est pas bon. Il ne faut même pas essayer de chercher de midi à 14h. Il incitait les gens à être professionnel, parce que lui son souci était d’avoir le même niveau que les musiciens que l’on écoute en Europe. Il avait cette rigueur et il partageait. C’est rare dans le monde où on est, les gens sont égoïstes. On a perdu un grand homme. Pour moi, il a été le meilleur musicien de tous les temps en Afrique. Il ne faut pas oublier que dans les années 1970, Manu Dibango a voulu l’emmener dans sa tournée et il a refusé. Miriam Makeba aussi. Ils étaient pourtant au sommet, mais lui a voulu rester ici, nous accompagner et accompagner ses frères. J’ai cheminé avec Cheikh et j’ai joué avec lui dans Xalam 1 et Xalam 2.
Ouza Diallo doyen de la musique sénégalaise : «C’est très important que la jeune génération de musiciens s’inspire de lui et de son œuvre»
Avec le décès de Cheikh Tidiane, Allah nous a montrés que nous sommes des artistes et que nous sommes tout près de lui. Depuis presque 50 ans de carrière musicale, il est parti à la Mecque pour se purifier, il est revenu, rentré en transe avec son bon Dieu, et il est parti un jour de vendredi. On peut avoir espoir à ce point de vue. C’était un homme que j’ai connu depuis fort longtemps, un grand musicien, un grand artiste très sincère et avec un bon cœur. C’est un monument, une icône de la musique sénégalaise. Au regard de ses arrangements musicaux, de ses dispatchings avec Kiné Lam, Dial Mbaye et tant d’autres artistes, hommes et femmes, on peut dire qu’il a apporté beaucoup de choses dans cette musique sénégalaise. Il a accompagné le processus de modernisation. C’est un grand exemple. C’est très important que la jeune génération d’instrumentistes s’inspire de lui et de son œuvre. Que Dieu l’accueille au paradis.
Ousmane Sow Huchard alias Soleya Mama, Pca Musée des civilisations noires : «Cheikh Tidiane, a participé à la valorisation de la musique traditionnelle»
Cheikh TIdiane Tall c’est un frère, un condisciple. Nous avons partagé la scène depuis longtemps. J’ai commencé à jouer avec lui depuis 1966, du temps du grand Xalam. Nous étions là quand nous avons perdu notre frère Mbaye Fall et nous avons toujours été ensemble, non seulement sur des plateaux de musique mais aussi hors scène, nous voyagions ensemble, nous partions découvrir le Sénégal ensemble. Cheikh Tidiane est un très grand instrumentiste, un de nos plus grands instrumentistes. C’est un monument de la musique, qui est passé par tous les instruments. Il a commencé par les Kongas, il a viré par la suite avec un de ses maitres Tapha Sall. Il a participé à la valorisation de la musique traditionnelle, en encadrant des divas de la chanson comme Kiné Lam et tant d’autres. Il a été à la base de beaucoup d’expériences. Même quand l’informatique est entrée dans la musique, il était là comme Aziz Dieng dans un studio à Sicap Baobab. Nous étions tous là. Il a accompagné l’évolution de la musique sénégalaise. C’est un grand livre de la musique sénégalaise qui se ferme mais pour s’ouvrir sur la jeune génération qu’il a contribué à faire éclore.
Aziz Samb, animateur : «Il avait un don»
Cheikh Tidiane Tall, faisait partie de nos ainés, on ne pouvait pas ne pas être présent. L’inverse aurait pu se produire, lui, venir à la levée du corps de chacun d’entre nous. On retient qu’il a été un grand artiste, un grand musicien avec son groupe le Xalam, le Sahel et pas mal d’artistes dont il a eu à arranger la musique. Il a accompagné le processus de l’évolution de la musique sénégalaise. Il a toujours été présent et je pense qu’il continuera à être présent, parce que ses œuvres sont là. Il peut continuer d’être une source d’inspiration pour les jeunes talents, surtout les instrumentistes. Il touche à la guitare, au clavier, il a travaillé, il a appris, mais il avait aussi un don. Qu’il repose en paix.
Pape Dembel Diop musicien : «C’est une page de la musique du Sénégal qui vient d’être fermée»
Il n’est pas propice de trop parler en ces instants et de m’épancher sur ses qualités intrinsèques, mais à priori, ce que je retiens c’est que c’était un grand musicien, qui avait beaucoup d’humilité, beaucoup d’expérience, beaucoup de sagesse. C’est avec beaucoup de peine que nous assistons à sa levée du corps. Je ne tarirai jamais d’éloges à son endroit. Parce que nous avons cheminé ensemble. Je retiens de l’homme, un homme pétri de qualités à tout point de vue. C’est un monument qui vient de nous quitter. C’est un super bon musicien, c’est un compositeur, il a eu à former beaucoup de musiciens et de chanteurs. Il faut interroger les archives pour s’en rendre compte…C’est une page de la musique du Sénégal qui vient de s’envoler.