Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine, un père, un guide religieux, une référence, s’en est allé, laissant derrière lui : affliction, stupéfaction et désespoir pour de nombreuses familles. Sa disparition laisse également un vide dans la communauté musulmane sénégalaise et dans toute la Oumah islamique, qu’il sera difficile de combler au vu des nombreux témoignages les plus élogieux les uns que les autres, faits à son endroit. Décrit comme un humaniste doublé d’un philanthrope hors pair, Al Amine s’est évertué, durant toute sa vie, à préserver de nombreux pères de famille démunis, de la hantise des vissicitudes de la vie en leur assurant la dépense quotidienne, en les exonérant des contraintes liées au «sacrifice de l’Aïd» par l’octroi de centaines de moutons chaque année, et en les aidant à réaliser leur forte propension (ambition suprême de tout musulman) à aller faire leurs dévotions musulmanes aux Liens saints de la Mecque, avec une garantie fiable de leur déplacement et de leurs moyens de subsistance durant leur séjour. Ainsi, il se substituait quelque part aux obligations de l’Etat, à qui incombe la charge de garantir aux citoyens les conditions d’assouvissement de leurs aspirations, sans oublier les nombreuses sollicitations sociales auxquelles il a toujours eu à faire face. Ceci traduit toute la dimension sociale et empathique de l’homme.
Décrit également comme un homme de Dieu, pour avoir réuni en lui les qualifications se référant à sa réputation, sa moralité, ses bonnes mœurs ainsi que sa dimension spirituelle et psychologique, qui ont pour noms : sobriété, modération, sociabilité, hospitalité, déférence, calme, désintéressement, justice, droiture, générosité, Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine n’hésitait pas, malgré le poids de l’âge, à prendre son bâton de pèlerin pour éteindre les foyers de tension sociale, quelles que soient leur complexité et leur ampleur entre d’une part, pouvoir et opposition et d’autre part, entre pouvoir et les différents corps sociaux, dans l’intérêt suprême de la Nation. Ces qualités humaines, Abdoul Aziz Sy Al Amine les doit à la proximité qu’il avait avec son vénéré père, Serigne Ababacar Sy, dont on dit qu’il était son bras droit pour avoir vécu sous son ombre jusqu’à son rappel à Dieu. Les témoins de l’histoire disent de lui que c’est à l’âge de 16 ans qu’il reçut la bénédiction de son père, qui lui valut d’être responsabilisé au point de gérer la dépense familiale avec toute la rigueur requise. La dimension spirituelle de cette responsabilité lui conférait la faculté d’écrire, de sa propre main, les diplômes «ijaza», synonymes d’habilitation à autoriser la pratique du «Wird» (bréviaire de la confrérie tijanya) que son père décernait aux «Mouqadam» (les sages). Le dévouement à son père, Serigne Ababacar Sy, était tel que quand ce dernier lui refusa son projet d’aller étudier, comme ses frères, dans les universités islamiques en le rassurant d’acquérir à ses côtés, le même niveau de connaissances (présage divine), il n’y opposa aucune forme de résistance. Ainsi, en tant que pur produit de l’Ecole coranique de l’érudit Serigne Alioune Guèye, Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine, devenu enseignant, a su inculquer son savoir et ses connaissances à de nombreux apprenants.
Avec sa disparition, Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine, nous laisse un legs qui devrait nous inspirer et nous servir de gouvernail dans la voie de la droiture, de la solidarité, de la tolérance, de l’accomplissement de nos dévotions religieuses et des missions (toute mission est d’ordre divin) dont nous sommes investis et pour lesquelles nous devrons rendre compte un jour. Que n’a-t-on pas entendu de la bouche de nos gouvernants qui, depuis la disparition de cet érudit hors pair, se sont succédé dans les médias pour magnifier les préceptes religieux et moraux du guide religieux, qu’ils se sont toujours gardé étrangement d’appliquer ? Que n’ont-ils pas tari d’éloges sur l’illustre disparu depuis sa disparition, sur ses propensions à appeler au dialogue et ses capacités à prodiguer de bons conseils qui, paradoxalement, leur sont restés inaudibles. Non ! L’important n’est pas de les ressasser mais d’en être convaincu et d’en faire une boussole.
On ne le dira jamais assez. Il s’agit pour ces hommes qui nous gouvernent, de comprendre que la mission républicaine dont ils sont investis par le Peuple est d’abord d’ordre divin et qu’il leur revient de l’exercer pour ce dernier et avec lui. Sous ce rapport, il leur revient de mesurer le poids des obligations constitutionnelles : «Le respect des libertés fondamentales et des droits du citoyen, la consolidation d’un Etat de droit dans lequel, l’Etat (incarné par eux-mêmes) et les citoyens sont soumis aux mêmes normes juridiques sous le contrôle d’une justice indépendante et impartiale, le devoir et la charge de l’éducation et de la formation de la jeunesse par des écoles publiques, le droit de travailler et le droit de prétendre à un emploi» qui pèse sur eux et dont ils auront à répondre devant Dieu. A voir ce saint homme, qui n’était investi d’aucune mission républicaine et qui ne disposait d’aucun sou provenant de la poche des «gorgorlou» (les débrouillards), s’élever à un tel niveau d’humanisme au point de s’adonner à d’innombrables actions de bienfaisance avec ses propres moyens, que dire de nos gouvernants, à qui le Peuple a tout donné pour qu’ils lui garantissent l’amélioration de ses conditions de vie. Puisse le Bon Dieu faire que la vie et la disparition de ce grand homme, soient source d’inspiration pour tous les fils du Sénégal, mais particulièrement de toute la classe dirigeante de ce pays.
Le Président Macky Sall, dès sa descente d’avion, en provenance de New York a rallié la ville sainte de Tivaouane pour présenter ses condoléances. Emu et attristé, il a exprimé un fort témoignage à l’endroit de l’illustre disparu : «La Nation sénégalaise vient de perdre un de ses remparts les plus solides. Le Vénéré Khalife Général des Tijanes, Serigne Abdou Aziz Sy Al Amine, a été, sa vie durant, un chantre infatigable de l’unité nationale, de la cohésion sociale et de la paix des cœurs.» Fasse Dieu que ce témoignage dont nous ne doutons nullement de la sincérité, puisse l’habiter dans la conduite du dialogue social, afin que des conclusions consensuelles en sortent dans la perspective de l’élection présidentielle en 2019.
A l’illustre disparu, nous prions Dieu pour qu’il l’accueille dans son paradis et que son legs continue d’éclairer nos pas. Que son âme repose en paix.
Mamadou FAYE
Grand-Yoff