Le Sénégal doit se doter d’une stratégie nationale pour l’éradication de l’analphabétisme d’ici 2029. C’est la recommandation forte des acteurs du sous-secteur pour la promotion de l’alphabétisation et des langues nationales. C’était à l’occasion de la cérémonie de clôture du Mois national de l’alphabétisation. Les travaux ont été présidés à Diamniadio par le ministre de l’Education nationale, en présence du directeur de Cabinet du président de la République publique, le Pr Mary Teuw Niane.Par Badé SECK – 

Avec un taux d’analphabétisme qui tourne autour de 37%, le Sénégal fait face à de nombreux défis liés à l’alphabétisation et à la promotion des langues nationales. La cérémonie de clôture du Mois national de l’alphabétisation (Mna) a été un prétexte pour les acteurs du sous-secteur de lancer le plaidoyer. Du haut de son pupitre, Pr Fary Silate Ka, linguiste, a d’abord magnifié le passage d’une semaine à un mois consacré à l’alphabétisation, avant de pointer du doigt les défis auxquels le sous-secteur fait face. Il estime que le premier défi reste la prise en compte de la valeur et du sérieux de l’alphabétisation. Le deuxième défi, poursuit-il, ce sont les moyens. «Il faut que l’alphabétisation ait les moyens de ses ambitions. On a rappelé aujourd’hui, à travers toutes les déclarations, que depuis la Conférence de l’Unesco de 2007 à Bomako, on avait recommandé, à travers le pays, d’augmenter le financement de l’alphabétisation à un taux de 3% au moins. Et aujourd’hui au Sénégal, ce taux tourne autour de 0, 22 à 0, 44%. Donc, on est loin du compte», a-t-il regretté.
Le troisième défi consiste, selon M. Ka, au respect de l’orthographe correcte des mots dans les différentes langues nationales. Abondant dans le même sens, Fatimata Sy, représentante de l’Ong Union pour la solidarité et l’entraide, pense qu’il faut encore un saut qualitatif pour qu’aujourd’hui, toutes ces politiques publiques qui doivent être vulgarisées, connues par l’ensemble des populations au niveau des communautés de base, puissent se réaliser à travers cette mobilisation des ressources. «L’alphabétisation, clé de notre souveraineté, c’est d’abord l’alphabétisation au niveau des classes, c’est le développement de l’environnement lettré, c’est traduire nos documents officiels en langues nationales. Et là, nous avons un potentiel humain qui est là, qui mériterait d’être renforcé. Je pense que le renforcement des capacités aussi, c’est un des axes de recommandation», plaide-t-elle. Les défis sont énormes. Mais la volonté est affichée pour le ministère de l’Education nationale d’éradiquer l’analphabétisme. La réussite d’une telle ambition exige un changement de paradigme dans l’orientation de la politique d’alphabétisation, selon le ministre de l’Education nationale.
Moustapha Mamba Guirassy a exprimé sa gratitude au président de la République, son Excellence M. Bassirou Diomaye Diakhar Faye, pour avoir pris l’option de dédier un mois à l’alphabétisation. «C’est une décision historique qui illustre parfaitement sa volonté de hisser l’alphabétisation et les langues nationales au rang de priorité et d’en faire des évolutions stratégiques d’autonomisation, de souveraineté, d’affirmation de notre identité et de notre commune volonté de vivre ensemble dans la paix, la solidarité et la concorde», se félicite M. Guirassy.
Le ministre a également exprimé sa satisfaction à l’ensemble des acteurs qui se sont mobilisés de fort belle manière durant ce mois à travers des activités de communication, de sensibilisation et de plaidoyer qui ont permis de faire le bilan des réalisations en matière d’alphabétisation, mais aussi d’identifier les difficultés, les contraintes et les défis à surmonter pour réduire de façon drastique le taux d’analphabétisme qui reste encore très élevé.
«37, 1% des Sénégalais âgés de 10 ans et plus ne savent toujours pas lire ni écrire dans une langue quelconque, selon le rapport du cinquième Recensement général de l’Ansd en 2023», regrette-il. Par ailleurs, pour le ministre, la première édition a été une belle opportunité de rapprocher les communautés et de magnifier nos langues locales dans toute leur diversité et pour le réservoir culturel intéressant qu’elles constituent. Un réservoir dans lequel nous étanchons notre soif de connaissances de l’Afrique et du monde, et dans lequel nous devons puiser des solutions aux problématiques auxquelles notre cher pays est confronté.
Le directeur de Cabinet du chef de l’Etat a indiqué que la question de l’analphabétisme doit être résolue au plus vite pour que notre pays puisse fonder ses politiques en la matière sur des chiffres fiables obtenus avec une méthodologie rigoureusement scientifique et largement partagée. Selon Mary Teuw Niane, il convient de préciser que ce taux national d’analphabétisme masque quelque part les disparités de genre. Il est plus important chez les femmes, mais aussi au niveau des territoires, car plusieurs régions dont Matam, Diourbel, Louga et Tambacounda, avoisinent ou dépassent le taux de 50%. «Ces disparités doivent être pleinement prises en compte pour être corrigées efficacement conformément à notre orientation d’égalité et d’équité», a souligné Mary Teuw Niane.
Le directeur de Cabinet du chef de l’Etat a indiqué que lire et écrire sont des droits humains fondamentaux, raison pour laquelle l’Unesco, en 1989, a assez tôt proposé un plan d’actions visant à éliminer l’analphabétisme dans le monde en l’an 2000, en concentrant ses efforts autour des quatre grands objectifs suivants : alerter l’opinion publique mondiale, mobiliser la Communauté internationale, renforcer les projets et programmes d’alphabétisation régionaux et consolider la coopération technique avec les Etats membres. Les ressources humaines sont incontestablement notre capital le plus précieux, mais leur immense potentiel est bridé par l’analphabétisme et le faible accès à la science. Selon Mary Teuw Niane, «éradiquer l’analphabétisme et en même temps promouvoir les langues nationales sont donc un impératif pour faire un pas décisif dans la construction d’un Sénégal souverain, juste et prospère, un Sénégal de paix, de progrès et de partage dans l’équité, la solidarité et la fraternité». Pour cela, indique M. Niane, au-delà du mois d’alphabétisation, il nous faut avoir l’ambition d’élaborer, de façon inclusive et le plus rapidement possible, une stratégie nationale d’éradication de l’analphabétisme et de la mettre en œuvre de façon rigoureuse et réussie dans un délai de quatre ans.
Pour la première édition du Mna, le thème choisi est : «L’alphabétisation, un instrument au service de la souveraineté, de la justice sociale et de la paix.» Un thème en parfaite cohérence avec le Référentiel Sénégal 2050. Le directeur de Cabinet du président de la République a annoncé l’instauration d’un Prix du chef de l’Etat pour la promotion de l’alphabétisation et des langues nationales dans un Sénégal souverain.
bseck@lequotidien.sn