Les nouvelles autorités, qui ont annoncé une transformation du système éducatif, ont été interpellées par la Cosydep afin de clarifier cette commande politique. Le Conseil d’administration, qui s’est réuni en session ordinaire et qui a formulé des recommandations en prélude à la prochaine rentrée, estime par ailleurs que «la décision d’introduire l’anglais à l’école élémentaire, dès la rentrée scolaire d’octobre 2024, nécessite une réflexion profonde».Par Dieynaba KANE –
La Coalition des organisations en synergie pour la défense de l’éducation publique (Cosydep) dont le Conseil d’administration a tenu une session ordinaire ce week-end, recommande au nouveau régime de clarifier la commande politique pour la transformation annoncée du système éducatif. Dans un document, les membres de cette organisation s’interrogent : «Le nouveau régime opte-t-il pour une refondation du système, une réforme curriculaire, une révision des programmes ?» Pour eux, «la réponse à cette question préjudicielle détermine le processus à mettre en œuvre». Poursuivant leur analyse, ils estiment que «la refondation renvoie à la reconstruction du système sur des bases conceptuelles et des valeurs nouvelles». Ainsi, souligne la Cosydep, «elle est différente d’une réforme, qui consiste à adresser un aspect spécifique du système, et d’une révision de programmes, qui est une opération de modification de certaines dispositions». D’après cette organisation, «la clarification de la commande politique invite ainsi à tracer des lignes directrices claires pour des choix stratégiques pertinents». Dans la dynamique de repenser le système, Cheikh Mbow et ses collaborateurs conseillent aux nouvelles autorités de «privilégier une approche holistique et prospective dans le traitement des problématiques soulevées». Pour eux, «il s’agit de mettre l’accent sur les interactions et les interrelations nécessaires dans le traitement des problématiques soulevées». Et d’ajouter : «Cette vision permettrait de mieux cibler les défis à relever et de bien planifier leur prise en charge, tout en veillant davantage aux équilibres.» C’est ainsi, selon la Cosydep, «que les débats en cours (daara, écoles confessionnelles, tenues scolaires, langues nationales, Intelligence artificielle, protection des enfants, éducation au développement durable, aux médias, à la citoyenneté, aux valeurs…) devraient être inscrits dans l’agenda d’une concertation inclusive imminente sur le projet global de transformation du système».
Dans cette même lancée, les auteurs du document font savoir que «la décision d’introduire l’anglais à l’école élémentaire, dès la rentrée scolaire d’octobre 2024, nécessite une réflexion profonde». Et d’expliquer : «Plusieurs langues sont déjà présentes dans le système avec des statuts différents : le français, l’arabe, les langues nationales à généraliser. L’introduction de l’anglais dans un système aussi complexe demande la mise en place de plusieurs préalables dont l’élaboration d’un curriculum (programme, formation, supports didactiques et système d’évaluation). Il s’y ajoute le profil d’enseignant en mesure d’implanter ce curriculum et l’adoption d’une nouvelle didactique en contexte multilingue.» Selon eux, «les implications d’une telle décision nécessitent une large concertation avec toutes les parties prenantes, une mobilisation de moyens conséquents et le temps requis pour réussir toute réforme engagée». Dans son document, la Cosydep précise qu’il «est clair que la pertinence d’introduire l’anglais à l’école élémentaire ne se discute pas, l’anglais étant reconnu à la fois comme langue internationale et langue de la science». Il est également conseillé aux autorités de «saisir l’opportunité des grandes vacances scolaires pour, à la fois, lancer le processus annoncé de transformation du système (finalité, offres éducatives, curricula, organigramme, gouvernance) et développer des actions de mobilisation communautaire en faveur de l’amélioration de l’environnement des apprentissages (écoles vertes, salubres, sécures et fonctionnelles)». D’ailleurs, pour Cheikh Mbow et ses collaborateurs, «il demeure plus qu’urgent d’engager un état des lieux objectif et exhaustif des programmes et autres réformes en vue de cerner les contraintes, les défis et opportunités pour bâtir un plan de développement du secteur qui traverse les régimes politiques». Cet exercice, indiquent-ils, «devra s’appuyer sur les conclusions des Assises de l’éducation, de la formation et de l’enseignement supérieur (Anef et Cnaes), l’offre programmatique du nouveau régime et les diverses contributions des partenaires».
Il faut noter que les acteurs du secteur éducatif membres de cette organisation ont attiré l’attention sur le fait que l’année scolaire 2024 a été marquée par une baisse des taux de réussite au Baccalauréat (50, 50% contre 51, 54% en 2023) et au Bfem (73, 94% contre 76, 30% en 2023). Prenant en compte ce contexte, ils demandent au nouveau régime de «garantir, dès à présent, les conditions minimales pour un démarrage effectif des cours dès la rentrée scolaire». Il s’agit, selon la Cosydep, «d’adresser la résorption des déficits et la planification des besoins en personnel, en infrastructures, en équipements et supports, l’affectation à temps des élèves en 6ème et en Seconde, mais aussi des élèves maîtres et professeurs sortants des écoles de formation».
Par ailleurs, la Cosydep suggère que «le capital humain, érigé en première priorité, bénéficie d’un fonds spécial pour adresser un défi récurrent identifié par les acteurs du secteur, au-delà du budget alloué à l’éducation». En outre, elle déclare que «la concertation, promue en règle de gouvernance, commande de privilégier d’une part, l’échange avec les partenaires avant de rendre publiques certaines décisions sensibles et complexes, et d’autre part, de favoriser une réelle participation des jeunes dans la politique éducative». Elle souhaite aussi que «la digitalisation intégrale, annoncée comme réforme majeure, permette d’enclencher la modernisation du secteur et d’assurer la diligence dans la délivrance des actes relatifs à la gestion des enseignants et à l’état civil». Les auteurs du document veulent aussi que «le triptyque «Jub, Jubbal, Jubanti», adopté comme principe directeur, permette de corriger des injustices liées aux conditions de performance, d’inclusion, de sécurité, de salubrité et de protection des enfants, mais aussi de renforcer les services publics (éducation publique, santé publique, transport public, habitat public…)».
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