Ils sont enfants autistes ou souffrant de trisomie, 10 mômes sont pris en charge sur le plan éducatif par l’association Enfants Soleil de Vélingara. Le Quotidien a fait une incursion dans la Maison Jaune qui accueille, du lundi au vendredi, une dizaine d’enfants en situation de handicap pour des cours spéciaux.Par Abdoulaye KAMARA –

En 3 mois de cours, les pensionnaires de la Maison jaune de Vélingara parviennent à écrire, tant bien que mal, à répondre à des questions des encadreurs dans un français saccadé, à écrire les lettres A.O.I, écrire les chiffres de 1 à 20 et même à faire une lecture syllabique (P-A=PA). Une visite guidée, mercredi dernier, à la Case-foyer des femmes de Vélingara qui accueille cette structure d’encadrement et de prise en charge des enfants en situation de handicap, a permis d’en faire le constat. Des enfants, autistes ou souffrant de trisomie, de l’âge de la maternelle, divisés en 2 cohortes dans une même salle, étaient particulièrement agités, répondant à qui mieux mieux aux questions de leurs 2 encadreurs, écrivant des lettres et chiffres dans des cages dessinées par l’éducateur spécialisé ou lisant à haute voix.

Ils ne se gênent pas pour célébrer eux-mêmes leurs succès, leurs bonnes réponses, en se tapotant la poitrine ou en tapant la main de l’encadreur, avec un large sourire. Des sourires ou rires de joie qui ont leur effet contagieux sur leurs parents (des femmes exclusivement) qui étaient là pour suivre le cours, appréciant positivement l’évolution comportementale de leurs fils/filles ou petits-enfants. Des enfants pouponnés par l’association Enfants Soleil de Vélingara, qui a démarché la création de cette salle de classe. Mme Ndèye Diamana Barry en est la présidente. Elle dit : «C’est un miracle d’arracher la parole, le rire et la gestuelle à certains de ces enfants en si peu de temps. Des enfants qui peinaient à parler à la maison, certains parvenaient difficilement à lever la main, que l’on cachait à la curiosité des voisins et qui, en cet endroit, parviennent à prononcer des mots audibles, à écrire passablement, à compter en français et à lire même. C’était inespéré pour les parents.» Mme Méta Baldé, maman d’un enfant autiste, enchaîne : «Quand mon enfant revient à la maison, il répète les sons enseignés ici, chante, s’exerce à l’écriture ou se met devant la télévision pour suivre des films de dessins animés. Avant, il parvenait à peine à agiter ses mains et ses propos étaient à peine audibles. C’est un enfant qui vivait caché dans la chambre, rarement on le mettait dans la cour de la maison. Je ne cesserai de remercier les initiateurs de la Maison jaune. Je vois toute l’importance de cette initiative et le mérite de ces enseignants», souffle-t-elle, les yeux et les mots pleins de reconnaissance et d’admiration à l’endroit des encadreurs qu’elle ne quittait pas des yeux. Des encadreurs pétulants, pleins de générosité, chez qui l’empressement et l’énervement sont bannis. Avec patience, ils parviennent à tirer des mots, même passablement articulés, de leurs protégés, à tenir un bout de craie pour écrire… juste.

Mme Madeleine Lamotte Bandiaky tient sur ses jambes son petit-fils âgé de 13 ans, qui n’a jamais su parler ni marcher depuis sa naissance. Mme Bandiaky a une autre préoccupation : «Depuis l’âge de 6 mois, ma fille m’a remis cet enfant qu’elle ne pouvait pas prendre en charge. Depuis lors, j’ai fréquenté plusieurs structures sanitaires de Dakar et Ziguinchor en vain. Vélingara est très éloignée des grands centres hospitaliers. Il faut que l’on construise dans nos zones des structures de santé spécialisées et surtout que l’on y affecte des spécialistes de pathologies de ce genre», dit-elle avec des trémolos dans la voix qui renseignent sur la profondeur de sa peine pour l’enfant et de la détresse face à l’impuissance des spécialistes consultés. «Une structure spécialisée, des spécialistes pour la prise en charge médicale de ce genre de pathologie !» est le cri du cœur de tous les parents des pensionnaires de la Maison jaune de Vélingara.

Ça rit jaune à la Maison jaune
Lorsque la Maison jaune ouvrait ses portes au mois de novembre passé, 12 enfants en situation de handicap étaient enrôlés par l’association Enfants Soleil Vélingara en collaboration avec Enfants Soleil Sénégal, membre d’Enfants Soleil monde. Quelques jours après, deux ont dû quitter. La raison ? Samba Mbaye, éducateur spécialisé, quelque peu contrarié, en explique la raison : «Ce sont 2 filles qui avaient 14 ans. Elles avaient des besoins spécifiques que l’on ne pouvait pas prendre en charge. Il n’y a pas de garçons de salle, ni femmes. Nous ne pouvions pas, en tant qu’hommes, nous occuper d’elles quand elles vont aux selles, par exemple et puis…», coupe court l’une des 2 recrues de l’association Enfants Soleil Sénégal qui prend en charge le salaire mensuel des 2 enseignants.

D’ailleurs, le mode d’enrôlement des pensionnaires ne respecte pas les critères préétablis. «Nous aurions dû avoir une fiche technique de chaque pensionnaire qui informe, de manière précise, de la maladie dont souffre chaque enfant. On parle d’autisme en général, sans en avoir la certitude.» Et puis : «Nous n’avons pas de matériels didactiques et pédagogiques adaptés. Pas assez de chaises. Nous faisons les séances d’accueil et d’éveil, d’exercices sensoriels, de motricité et de graphisme avec les moyens rudimentaires dont nous disposons.» Il poursuit, avec le brin de regret du professionnel consciencieux : «Il y a un type de matériel qui ne devait pas manquer à cette structure. Même la salle de cours n’est pas adaptée. Nous encadrons 2 cohortes de pensionnaires, aux besoins en formation différents, dans une même salle. Quand un groupe est interpellé, des membres de l’autre groupe peuvent être perturbés. Nous avons besoin de l’appui de mécènes pour équiper l’école et appuyer les enfants.»
Et puis : «ce qu’il nous faut, c’est de déménager, en urgence, dans un appartement d’au moins 3 pièces, pour donner le minimum d’attention et d’encadrement adéquat à ces enfants. En attendant la construction d’un centre de formation spécifique pour ce genre de handicap», déclare une responsable de l’association Enfants Soleil Sénégal.

A rappeler que, selon la présidente de l’association de Vélingara, Ndèye Diamana Barry, «quelque 40 enfants en situation de handicap sont recensés dans le département. Il doit y en avoir plus parce que certains cachent leurs enfants ou petits-enfants. Le dénuement de cette maison empêche d’enrôler les enfants se trouvant dans les autres communes. Même ceux de la ville de Vélingara (qui abrite la Maison jaune) ne sont pas tous enrôlés», se désole-t-elle.
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