Les députés débattent depuis hier, du projet de loi des Finances, le premier de l’ère Sonko mooy Diomaye. Après les travaux en commissions cette semaine, s’ouvriront les débats publics en plénière. L’opinion pourra alors se faire une idée directe du niveau d’ambition de la politique économique et sociale de nos nouveaux dirigeants. Si l’on voit des ambitions affichées dans les documents rendus publics, il est difficile d’avoir une vision d’ensemble en partant des documents libellés de manière à laisser des observateurs dans l’expectative. Il ne s’agit pas d’une curiosité intellectuelle, mais de savoir quelle orientation les dirigeants veulent donner à ce pays pour cette année, et pour les 5 années à venir au minimum. Même les partenaires qui veulent investir dans ce pays ont besoin de connaître la vision que les autorités actuelles ont du pays et de ses capacités.

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D’autant plus que, face aux déclarations antérieures, notamment celles contenues dans le Référentiel Vision 2050, on ne trouve pas toujours une cohérence entre le projet de budget et les ambitions à long terme.
Ainsi, dans son exposé des motifs, le projet de loi de finances se veut très ambitieux. Il déclare dans ses «Grandes orientations» sa volonté de rompre «définitivement avec le modèle de gouvernance jusque-là administré, qui continue de maintenir nombre d’Etats africains dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de l’extérieur». Le pouvoir actuel déclare par ailleurs que «ce budget marque un effet de rattrapage par rapport à l’exercice 2024, fortement impacté par les effets des tensions sociopolitiques durant le premier trimestre 2024 et par la poursuite du ralentissement des activités économiques sur tout le reste de l’année, hors secteur de l’énergie».
Cet effet de rattrapage dont il est question ici, devrait porter le taux de croissance à plus de 8%, grâce à l’exploitation du pétrole et du gaz, assure le projet de loi. Malheureusement, une fois les effets amortis, les chiffres tirés du Référentiel 2050 nous feront retomber à 5% de croissance. De plus, le plus extraordinaire, pour une économie dont le chef du gouvernement -ne l’oublions pas- nous a affirmé qu’elle est en état de ruine, dans un pays en état de délabrement, selon ses mots, on ne sait pas encore sur quels leviers les dirigeants ont tiré pour nous permettre de réaliser ces prouesses en si peu de temps.

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D’autant plus que, si l’on se dit que les chiffres de l’époque de Macky Sall ont été fortement «maquillés», le déficit budgétaire laissé par Macky Sall serait selon la Lfi 2025, de 11%, alors que le Fonds monétaire international, en octobre dernier, avait revu les chiffres à 7, 5%, quand Macky Sall et son régime se projetaient sur 5%.

Néanmoins, maquillées ou pas, les données de l’ancien régime avaient tout de même la prestance de l’ambition d’un développement réel. On peut toujours s’interroger sur les mécanismes qui permettront aux Sénégalais de rêver d’une véritable amélioration de leurs conditions de vie avec les chiffres qui nous sont soumis. La première question est de savoir comment le gouvernement va faire passer notre déficit de près de 8% à un peu moins de 4% en une année. Dans une économie de marché, aucune économie aussi extravertie n’avait jamais réussi cette prouesse. Il faudrait sans doute croire que nous allons nous mettre en autarcie, et changer de système monétaire, comme l’ancien maire de Ziguinchor avait voulu le faire pour sa ville, à une époque.

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Les ressources internes sont prévues à 4 549 641 520 000 francs Cfa. Dans le budget en cours, les recettes étaient de 4693,7 milliards de Cfa. Les dépenses étaient plus importantes, mais le projet de loi en cours va encore plus loin, pour un projet qui ambitionne de mettre en place une gestion de bon père de famille. Nous aurons ainsi plus de 6395 milliards de dépenses. Mais le gouvernement entend préserver la viabilité de la dette, en mobilisant «des ressources concessionnelles disponibles auprès des bailleurs classiques à travers une sélection rigoureuse des projets à financer»… Souhaitons que ce genre de rigueur ne nous mène pas à des couacs du genre Acwa Power ou du scandale de «l’Asergate». Surtout si l’Etat veut encourager les contrats Ppp. Or, on sait que le niveau de développement du secteur privé dans ce pays fait que nos hommes d’affaires ont pour le moment, encore besoin de l’appui de partenaires étrangers.
Par Mohamed GUEYE – mgueye@lequotidien.sn