Faire entrer le musée Théodore Monod dans la cour des grands musées qui ponctuent l’actualité artistique : c’est le challenge que s’est fixé le conservateur El Hadji Malick Ndiaye. Première étape de ce programme, la première exposition africaine du Pr Heinz Mack. L’artiste, qui est mondialement connu, est un précurseur de l’art cinétique.
Des plaques d’acier alignées régulièrement sur un champ de sable. En arrière-plan, la photographie représentant cette même installation sur les dunes du Sahara. L’exposition Mouvement et lumière du Pr Heinz Mack au Musée Théodore Monod est un dialogue permanent entre l’être et le monde qui l’entoure. Le Pr Mack, qui a séjourné au Sénégal entre 1964 et 1965, a souhaité revenir sur ses pas, sur le sol de cette Afrique dont il s’est largement inspiré dans son œuvre. Le nouveau programme du musée Théodore Monod, Création patrimoine, lui a offert l’occasion de revenir dialoguer avec les sources premières de son inspiration. «Je me suis beaucoup inspiré de l’art africain. Et à 88 ans, je me suis senti moralement obligé de venir ici pour rendre un peu de ce que l’Afrique m’a donné», a expliqué l’artiste de renommée au terme du vernissage de l’exposition vendredi dernier. Les œuvres du Pr Mack qui ouvrent une large fenêtre sur le désert magnifient l’immuabilité de cette étendue de sable. «Nous vivons dans un monde où tout se transforme. La nature connaît plein d’agressions, mais le désert est le seul endroit qui est resté intact, qui a gardé sa vigueur», explique-t-il en allemand. Sur les murs de la galerie, les couleurs vives, les lignes épurées des statues qui s’élancent vers le ciel et le scintillement des matières en mouvement donnent à voir une partie importante de l’œuvre. Au total, ce sont 39 œuvres uniques de Mack, peintures, sculptures, reliefs, photographies et cinétiques, dont certaines sont exposées pour la première fois, qui sont présentées avec huit œuvres de sa collection africaine
Initiateur de cet évènement en collaboration avec l’ambassade d’Allemagne à Dakar, le conservateur du musée, El Hadji Malick Ndiaye, explique qu’il s’agit d’un programme qui consiste à inviter les artistes contemporains à venir exposer ici à Dakar. «Ce qui guide les invitations, c’est que nous allons chercher des artistes qui ont la capacité de dialoguer avec les collections d’art plastique que nous avons ou des artistes dont le travail est en dialogue permanent avec l’art africain classique. C’est pour cette raison que nous nous sommes rapprochés du Pr Heinz Mack et l’avons invité», explique-t-il. L’exposition du Pr Mack est la première du genre en Afrique. Cela s’explique, selon le consul du Sénégal à Hanovre, Mme Ute-Henrietta Ohoven, par la fascination du Pr Mack pour le désert, la culture, les couleurs et les lumières du continent africain et qui ont inspiré l’œuvre de l’éminent artiste.
Dans ses œuvres, le Pr Mack utilise différentes matières. Bois, aluminium, verre acrylique ou encre de Chine. Mais la superposition des couleurs vives, bleues, jaunes, rouges ou orangées donne des toiles éclatantes. Ces œuvres semblent simples, mais en définitive, elles ne le sont pas du tout. Interpellé sur leur sens, l’artiste renvoie immanquablement à la perception de chacun. Sur l’une d’elles, la trajectoire de l’astre solaire dans le ciel. Cette succession de boules dans un ciel orangé évoque la beauté et la lumière, caractéristiques de notre continent. Pas étonnant que l’ambassadeur d’Allemagne révèle sa préférence pour cette toile intitulée Soleil africain. «L’artiste a aussi beaucoup collectionné cet art africain. Il est le fondateur du groupe Zéro qui a fait beaucoup d’expérimentations et nous voulons confronter ces expérimentations passées et présentes à nos collections afin de renouveler la lecture que les Sénégalais, les visiteurs et le monde entier ont de nos collections d’art africain», souligne M. Ndiaye.
Dans la cour des grands
L’exposition du Pr Mack n’est que la première ligne de ce programme initié par le conservateur du Musée. El Hadji Malick Ndiaye annonce en effet que son objectif est «de sortir le musée Théodore Monod de cette condition dans laquelle les œuvres d’art africain sont exposées sans pour autant qu’il y ait une perspective, de grands dialogues avec les plus grands artistes qui exposent dans les plus grands musées du monde». Faire entrer le musée Théodore Monod dans la cour des grands musées qui ponctuent l’actualité artistique, c’est le challenge qu’il s’est fixé. Jusqu’au 26 avril, l’exposition sera ouverte aux visiteurs.
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