Au moment où les premières passes étaient échangées sur les terrains de football de la Côte d’Ivoire, au cœur du Plateau d’Abidjan, étaient disposés un à un, les différents éléments de cette trame historique du football ivoirien. Avec le Pr Yacouba Konaté à la baguette, la première édition d’«Abidjan Art Week» a ajouté une touche culturelle à la grand-messe du football africain.

Propos recueillis par Mame Woury THIOUBOU  – Sur l’esplanade de la Rotonde des arts, au cœur du Plateau d’Abidjan, une équipe de football est capturée en plein mouvement. Sur un espace de la taille d’un grand tapis, des joueurs en métal s’adonnent au sport roi. Ce sont des sculptures en fer réalisées par le Burkinabè Siriki Ki. Particu­larité de cette œuvre, elle ne représente que 11 joueurs et un arbitre sur le terrain. Elle est une des attractions de cette exposition qui donne le coup d’envoi de la première édition d’Abidjan Art Week. A la Rotonde des arts, l’exposition a pour thème : «Y’a match! Mémoires d’éléphants, histoire de la Can.» L’évènement réunit une douzaine de galeries dans différents endroits de la ville. Cette initiative du Pr Yacouba Konaté, directeur de la Rotonde des arts, donne une tonalité culturelle à cette Coupe d’Afrique des nations. «Ce qui m’a intéressé, c’est de traduire mon intérêt pour le football en termes d’exposition et donc, la première réflexion, c’est comment l’art de mon pays a-t-il déjà présenté le football ? Est-ce qu’il y a déjà eu des tableaux qui ont parlé du football ?», explique le Pr Konaté. A côté de son installation, Siriki Ki a écrit sur une pancarte, «fair play». «J’interpelle les gens. Quand ils vont au stade, ils disent qu’ils supportent le 11 national, mais ce sont les 11 nationaux. Parce que sur un terrain de foot, on a toujours deux onze nationaux. Alors s’il y a un onze national qui perd, souvent on s’en prend aux ressortissants du pays qui a gagné et ça crée des drames. C’est pour ça que j’ai fait cette installation pour dire que si vous voulez gagner, forcément il faut jouer seul.» La leçon est fort à propos dans cette exposition pensée pour raconter l’histoire du football ivoirien. Et dans cette histoire, cet épisode tragique en 1993 entre supporters de l’Asec Mimosas et ceux de l’Ashanti Kotoko de Kumasi. Pour l’initiateur de cette exposition, il s’agit avant tout de mettre en avant le football comme catalyseur d’émotions, illustrant des mémoires joyeuses et tragiques, évoquant des incidents mortels et retraçant l’arrivée du football en Côte d’Ivoire. Ainsi, des coupures de journaux, des sculptures, des toiles, beaucoup de supports sont utilisés pour raconter cette histoire.

Des expressions diverses
Dans la Rotonde des arts, dès l’entrée, ce sont des sculptures de l’artiste Landry Komenan qui nous accueillent. Elles représentent des sculptures de grandes vedettes du foot ivoirien. Incrustées dans des toiles, ces silhouettes de joueurs grandeur nature semblent jaillir des tableaux. A côté, la légende du foot ivoirien, Laurent Pokou. C’est l’une des dizaines de portraits réalisés par l’artiste Jems Koko Bi. «En 2010, c’était le cinquantenaire de la Côte d’ivoire, et cet artiste, qui vit en Allemagne, a décidé de faire 50 figures ivoiriennes qui, pour lui, symbolisent le pays. Et parmi ces figures, il y avait une dizaine de footballeurs», indique le Pr Kouyaté.

Un jeune garçon réussit un contrôle sur son genou. Chaussures en plastique aux pieds, les personnages de l’artiste Pacôme, avec leurs couleurs vives, constituent une image particulièrement dynamique. Dans la même veine, Baka Thierry propose des toiles autour de la thématique du football. Ses traits de pinceaux arrivent à transmettre cet enthousiasme et cet espoir qui habitent les jeunes des rues. Sur la toile, cinq jeunes garçons se disputent un ballon. C’est ici, dans ces rues, que beaucoup de destins de champions se sont forgés. Et la joie pure de jongler le ballon rond est palpable.

Dans la cour qui prolonge la rotonde, l’exposition s’appesantit surtout sur l’histoire du football ivoirien, de ses premiers jours à maintenant. Grace à des coupures de presse de Fraternité matin, un quotidien ivoirien, l’histoire reprend vie et se conte au gré des différentes performances réalisées par les clubs.
Parfois au prix de forts antagonismes, allant jusqu’aux violences extrêmes. Mais globalement, cette histoire du football se veut positive et inclusive. Ainsi, les peintres populaires y occupent une belle place. Quelques panneaux donnent ainsi une vision sur la place qu’occupent les stars du football mondial dans la culture populaire. Ces «Gbaka», voitures de transport en commun, servent de vitrine pour exposer des joueurs tels que Messi, Ronaldo ou encore l’entraîneur de Liverpool ou un Drogba au plus fort de sa popularité, dans une Côte d’Ivoire qui célèbre le football.
(mamewoury@lequotidien.sn)