Fmi-Sénégal, cherche accord désespérément

Depuis plus d’un mois, le patron du Groupe Avenir Communication, Serigne Saliou Diagne, est arbitrairement détenu en prison pour crime de parenté. Le procureur n’a trouvé aucune incrimination à lui imputer, mais cela n’a pas empêché le juge de le maintenir en prison. Serigne Saliou Diagne a laissé un vide dans cette rédaction, qui est difficile à combler. De plus, ses «Palimpsestes» continuent de manquer à nos lecteurs. Nous ne pourrons pas remplacer sa plume, et ne le souhaitons pas. Mais Le Quotidien veut garder frais, dans les mémoires, le souvenir de ses chroniques au style si particulier. Cela démontrera à ses geôliers que mettre M. Diagne derrière les barreaux est facile, mais emprisonner ses idées ne sera jamais chose aisée. Les membres de la rédaction prendront chaque fois la plume en son nom et poursuivront son combat.
La mission du Fonds monétaire international (Fmi), qui a séjourné au Sénégal pendant deux semaines, du 20 octobre au 6 novembre, a pris fin sans aucune annonce rassurante pour le Sénégal. Tout au contraire, au moment où le tandem de l’Economie et des finances du Sénégal se trouvait à l’Assemblée nationale, pour faire face aux membres de la Commission des finances, Edward Gemayel, le chef de la mission du Fonds, disait sur les ondes d’une radio étrangère que les discussions tenues à Dakar n’avaient pas pu aboutir à l’éventuelle préparation d’un accord de coopération, du fait de «l’ampleur de la dette cachée du Sénégal, d’une ampleur inédite en Afrique». On note en passant que le terme «dette cachée», qui avait disparu du lexique de l’institution de Bretton Woods, est réapparu à l’occasion. Faudrait-il croire que les propos s’adapteraient à l’auditoire auquel ils sont adressés, car les Apéristes, de leur côté, n’ont jamais souscrit à ce terme, lui préférant celui de chiffres erronés.
Ce qui ressort de tout cela est que le gouvernement sénégalais souhaite aujourd’hui une chose, que le Fmi ne semble pas encore disposé à lui accorder. Il s’agit de permettre au gouvernement de ne pas prescrire au Peuple la plus amère des pilules. Et c’est devenu un gros dilemme. Le gouvernement du Premier ministre Sonko a déjà lancé une campagne pour financer son Plan de redressement économique et social (Pres) dont le montant oscille entre 4604, 5667 et 6950 francs Cfa, selon les documents de présentation. Le ministre Cheikh Diba a annoncé hier s’attendre sur ce plan, à des recettes de l’ordre de 762, 2 milliards de Cfa pour l’année budgétaire à venir. Le gouvernement a prévu pour cela, de mettre en place un système de taxation qui concerne quasiment tous les secteurs d’activités.
En bons inspecteurs des Impôts, le Premier ministre Sonko et son Grand Argentier ont annoncé vouloir se sucrer à partir d’une liste de produits et de secteurs qui devraient faire l’objet d’une taxation plus ou moins importante.
On se demande d’ailleurs la logique qui sous-tend certaines décisions. Si la hausse de la taxe sur les cigarettes et le tabac pourrait se justifier en ce qu’elle donne des gages aux organisations de lutte anti-tabac, on peut se poser la question de savoir en quoi transformer le Sénégal en dépotoir d’épaves de véhicules recyclés en Europe ou en Extrême Orient pourrait améliorer notre cadre de vie, tout en créant une plus-value sociale et économique à nos populations. Le Journal Officiel a publié, depuis deux jours, le décret portant à dix ans la limite d’importation de véhicules d’occasion. Macky Sall, en relevant le plafond à 8 ans, n’avait en son temps pas échappé aux critiques, et à la fin de son mandat, il se disait qu’il voulait revenir sur la décision.
Parmi d’autres mesures, il y a également celle d’imposer la réciprocité du visa à certains pays non africains. Une imitation d’une autre mesure prise à ses débuts par Macky Sall, et sur laquelle ce dernier avait opéré un remarquable rétropédalage. Au moment où les dirigeants actuels disent vouloir mettre l’accent sur le développement du tourisme, il n’est pas certain que la décision facilite les investissements dans le secteur.
Quoi qu’il en soit, même quand les décisions prises semblent parfois erratiques, les dirigeants se veulent optimistes. Ils nous présentent un budget avec des recettes et des dépenses à la hausse, ainsi que d’énormes investissements prévus, portés par le commentaire du ministre des Finances, qui prétend qu’«il ne s’agit pas seulement de chiffres, mais d’une vision collective du Sénégal que nous voulons transmettre aux générations futures : un pays maître de ses choix, garant de sa souveraineté économique, soucieux de la dignité de ses citoyens et ancré dans les valeurs de probité et de responsabilité». Et son collègue de l’Economie, Abdourahmane Sarr, se permettra d’ajouter devant les députés que «sur le plan du financement du déficit, vous aurez remarqué une part très importante du financement de notre dette arrivant à échéance sur le marché régional, notamment par les titres publics et les appels publics à l’épargne, et donc en monnaie locale. Cette option correspond à notre stratégie d’endettement qui consiste, à moyen terme, à réduire notre dépendance vis-à-vis des emprunts en devises. L’accompagnement du Fonds monétaire international dans la mise en œuvre de notre cadre macroéconomique crédible permettra par ailleurs de renforcer la confiance de nos partenaires internationaux qui continueront d’avoir un rôle à jouer dans le financement de notre économie».
On verra comment les paroles vont se traduire en actes. On peut toutefois déjà noter qu’à ce jour, un accord avec le Fmi n’est pas encore en vue. Edward Gemayel, le Libano-Américain le plus connu au Sénégal, a, avec tact, annoncé que les «discussions vont se poursuivre, à distance».
Il était évident que même pour un gouvernement volontariste et «souverainiste», certaines mesures ne pourraient être faciles à avaler dans un contexte de crise économique généralisée. La situation est telle qu’aujourd’hui, on entend des Sénégalais déclarer à haute voix et devant des caméras de télé ou de smartphone, que «même si on dit que Macky Sall a volé l’argent du pays, on a au moins vu ce qu’il a construit et acheté avec. Sous son régime, les gens parvenaient à trouver de quoi subsister. Aujourd’hui, il n’y a que les gens du pouvoir qui semblent satisfaits de la situation du pays».
Pour dissiper la gêne des partisans du pouvoir face à ce qui ressemble à une incapacité des dirigeants de maîtriser le panier de la ménagère et d’offrir aux consommateurs un pouvoir d’achat abordable, et surtout contenir le mécontentement de nombreux citoyens, le Premier ministre Sonko avait annoncé, il y a deux semaines, une baisse sensible du prix de l’électricité. L’opinion s’est étonnée de voir les choses rester en l’état. Cela était principalement dû au fait que les négociations avec la mission du Fmi portaient, entre autres, sur ce point. Tous les Sénégalais savent que Abdoulaye Wade et Macky Sall ont toujours freiné des quatre fers sur cette exigence du Fmi d’imposer une levée de la subvention sur les produits énergétiques. Or, tout le Sénégal «patriotique» sait que ces deux dirigeants ne se distinguaient pas par leur amour du pays et de ses citoyens. Comment un gouvernement «souverainiste» pourrait accepter ce que ces gens n’avaient pas accepté ?
L’autre point d’achoppement, on le sait, est le remboursement de l’argent avancé dans le cadre de l’accord de coopération avec le Fonds, qui a été suspendu dès l’annonce par le Premier ministre Sonko, le 26 septembre 2024, d’une «dette cachée» par le régime de Macky Sall. Le Fmi et le Sénégal ont annoncé que la fameuse «dette» s’élève aujourd’hui à 7 milliards de dollars. Entretemps, le Fmi avait décaissé plus de 300 milliards de Cfa, sur le 1, 8 milliard de dollars avancé par l’institution dirigée par Kristalina Georgieva. Au vu de ces points, un accord est-il envisageable avant la fin de l’année ? Il est vrai que les deux parties ont toutes intérêt à clore ce chapitre et reprendre leur «business as usual». Déclarations intempestives ou pas.

