La situation à Gaza n’a pas encore fini de livrer toutes ses manifestations de barbarie. Le déferlement de violence va tous les jours on ne peut plus loin. La guerre a repris tous ses droits. Cette situation tragique doit interpeller l’humanité de notre monde, susciter notre honte et mobiliser nos énergies. Depuis les attaques du 7 octobre 2023 perpétrées par le Hamas contre des populations civiles en Israël, le Premier ministre Benjamin Netanyahu et son gouvernement ont décidé, suivant une réponse disproportionnée et barbare, de ghettoïser les Palestiniens, et de les exterminer. A observer les opérations de nettoyage des Gazaouis régulièrement fomentées par l’Armée israélienne, l’une des plus puissantes du monde, parler de génocide pourrait être le langage adéquat. Le bilan macabre de ce carnage ne fait que s’alourdir. Les images d’enfants et de femmes faméliques et agonisants, parce que volontairement affamés par leurs bourreaux, ne finissent de nous interroger au sujet de ce qui reste de notre humanité.

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En réalité, les manœuvres inhumaines du l’Etat hébreu visent de prime abord à déshumaniser leurs voisins, à les inscrire dans un registre zoologique (comme tel était le cas dans la société coloniale où les colonisés étaient rabaissés au rang d’animaux), à faire d’eux une communauté d’hommes dont l’humanité et la dignité sont totalement bafouées. Les blocages des aides humanitaires, qui permettent en grande partie aux populations de la bande de Gaza de vivre, s’inscrivent dans cette logique d’arracher à ce Peuple sa substance humaine. Femmes, hommes et enfants sont à la recherche, souvent désespérée, du pain quotidien pour survivre.

A l’exception de quelques positions plus ou moins sincères, la scène internationale -je ne parle pas de communauté car elle n’en est pas une- continue de cautionner les pulsions impérialistes de l’Etat hébreu. L’Occident et ses valeurs, hélas, n’ont jamais été traversés par un réel sursaut d’humanité pour mettre le holà à ces massacres.

La radicalisation du Hamas, qui est dans une logique de jihad contre toute raison, a donné aux Israéliens les justifications, aussi légères soient-elles, pour continuer à tuer des gens que l’on a fini de considérer comme les ennemis absolus. Pour le Hamas et le monde musulman en général, la doxa a toujours été de considérer, pour parler comme Frantz Fanon, qu’«abattre un [Israélien], c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre ; le survivant, pour la première fois, sent un sol national sous la plante de ses pieds». Il est urgent et nécessaire de se dépêtrer de cette jungle de violence où la mort est l’unique devenir.

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L’heure est enfin venue d’ouvrir de nouveaux imaginaires, de possibles. Le compromis territorial -qui inclut l’acceptation réciproque et sincère- reste l’unique solution, pour permettre à ces deux peuples voisins de vivre en paix. Dans Le temps des combats (Fayard, 2023), le Président Nicolas Sarkozy fait cette analyse qui me paraît extrêmement lucide et réaliste : «Ma conviction d’aujourd’hui, c’est qu’en vérité, rien ne sera possible sans volonté des Israéliens et de l’Autorité palestinienne. Ce sont eux seuls qui doivent faire la paix et qui peuvent la faire. Sans cette volonté initiale de réconciliation et de lucidité, rien n’avancera. Je dis de lucidité, parce que les plus farouches adversaires d’Israël doivent comprendre que l’existence de ce pays ne sera jamais remise en cause par la Communauté internationale et que son émergence fut l’un des évènements majeurs de la seconde moitié du 20e siècle sur lequel personne de sensé n’acceptera de revenir. A l’inverse, et parallèlement, qui peut imaginer que les Palestiniens dont la croissance démographique est importante pourraient renoncer à posséder leur propre patrie ? Aucun de leurs voisins arabes n’étant décidé à leur laisser chez eux la moindre place, la question de la nécessité d’un Etat palestinien n’est pas près de s’éteindre. Palestiniens et Israéliens sont donc condamnés, et pour très longtemps, à vivre côte à côte. Les pays ne changent pas d’adresse, ne déménagent pas. Le choix est donc binaire. Soit ils se supportent, soit ils s’affrontent. A l’image de ce que furent capables de construire les Allemands et les Français au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la réconciliation est donc la seule perspective qui reste. Ce n’est qu’une question de temps. Et il y en a déjà eu tant de perdu. Tant d’enfants de cette terre y ont laissé la vie en pure perte. Il faut maintenant mettre un terme à ce gâchis phénoménal.»

Notre pays doit continuer de réaffirmer sa position traditionnelle : défendre les droits inaliénables du Peuple palestinien dans l’ouverture. Il est possible d’avoir des solutions sénégalaises pour sortir de cette guerre. Il incombe à nos actuels dirigeants de faire entendre la voix de notre pays dans les cercles où se décide la paix dans cette poudrière de notre monde.

Par Baba DIENG