Horizon – Linda Dounia Rebeiz, artiste : «Il y a une vraie culture d’art digital qui a trouvé sa place dans les Nft»

La Biennale 2024 a ouvert la porte à des expressions artistiques futuristes. L’exposition Nft, une nouveauté sous le ciel dakarois, a réuni une dizaine d’artistes sous le commissariat de Anna-Alix Koffi. «The Wake, une autre dimension» a réuni 11 artistes d’Afrique et de la diaspora. Parmi eux, la Sénégalo-Libanaise Linda Dounia Rebeiz, qui a présenté un travail sur Mbour, sa ville natale.Nft, en fait, il y a beaucoup de gens qui ne savent pas ce que c’est. Si vous deviez définir cela, comment le feriez-vous ?
En fait, pour moi, le Nft, c’est un mécanisme pour archiver et mettre sur la blockchain des œuvres d’artistes, des documents… Mais dans le cas de l’art spécifiquement, c’est pour donner à l’artiste le moyen de mettre ses œuvres en ligne d’une manière dont il peut les vendre, mais aussi garder sa souveraineté sur son travail et continuer à le suivre.
Vous présentez un travail sur vous-même ?
J’ai grandi dans la ville de Mbour. Et ce que j’ai remarqué, c’est qu’en quelques années, la population a complètement explosé. Il y a eu une forte migration des villages vers la ville qui a subi de grands changements en termes d’architecture et autres. Donc en fait, ce que je voulais exactement, c’est retracer ces changements-là à travers des outils de code, de programmation informatique et aussi de l’Ia. Et ça m’a permis de regarder dans les archives nationales et d’Outre-mer, de retracer l’évolution de la ville d’un point de vue urbain. Et comme vous le voyez, le travail se base vraiment sur la cartographie.
Comment vous êtes arrivée au Nft ?
C’est un ami, un des artistes ici, qui m’a introduite au Nft. Il est ghanéen de base, mais il a été artiste digital un peu plus longtemps que moi. Et donc, à un moment donné, je me suis rendu compte que, puisque je travaille principalement sur des médiums digitaux et qu’il n’y a pas vraiment un gros marché là où j’étais, je me suis essayée au Nft et ça m’a ouverte à un plus grand marché. Mes collectionneurs sont basés un peu partout dans le monde, aux Etats-Unis, en Allemagne, en France, etc. Et c’est vraiment un moyen pour moi de me faire connaître et de vendre mes œuvres, mais aussi de garder le contrôle sur ma production.
Et ce contrôle, ça se passe comment ?
Il y a ce qu’on appelle une wallet, c’est un porte-monnaie digital où chaque fois que je mets mon art en ligne, je crée un contrat qui m’aide à déjà mettre un prix sur l’œuvre. Ensuite, quand l’œuvre est achetée, je sais exactement dans quel wallet, dans quel portefeuille digital elle est. Et quand elle est revendue, etc., je peux toujours voir son évolution. Parce que c’est moi qui ai créé le contrat, donc c’est moi qui garde le contrôle.
Si j’ai bien compris, vos œuvres sont des vidéos. Est-ce que c’est dans ces vidéos-là que les gens achètent ?
En fait, ça peut être une vidéo, ça peut être une photo, mais c’est vraiment ce qu’on met en ligne qui est acheté.
Et là, on voit que c’est un marché qui explose…
Il y a eu une grosse période d’explosion ces dernières années. Maintenant, ça se stabilise un peu plus et je pense que c’est devenu un peu plus mature. Les artistes qui sont là, en fait, qui ont déjà une carrière, on peut les reconnaître maintenant, par rapport aux artistes qui sont venus au début juste pour peut-être vendre un, deux, trois trucs. Donc, il y a une vraie culture d’art digital qui a trouvé sa place dans les Nft.
Et ici en Afrique, c’est développé ?
Oui, de plus en plus, je pense. Quand on parle de la blockchain, c’est très développé en Afrique. Les gens utilisent beaucoup de crypto dans certains pays.
La blockchain, c’est quoi ?
La blockchain, ce sont les monnaies digitales. Donc, quand on parle de monnaie digitale comme Bitcoin, Ethereum, tout ça, c’est très développé en Afrique. Au Nigeria, au Kenya, les gens utilisent ça pour acheter des biens. Mais pour les Nft, je pense que c’est un peu plus lent. Mais de plus en plus, les artistes qui travaillent dans le digital en Afrique commencent à se reconnaître avec les Nft.
Et donc, vous, c’est la première fois que vous exposez ou vous avez participé à plusieurs expos avant ?
J’ai commencé à exposer en 2020 et j’ai été très chanceuse. J’ai exposé un peu partout dans le monde. Et j’ai eu quelques distinctions, des prix. Donc, on pourrait dire que ça fait longtemps que je fais ça. Donc, j’ai été chanceuse.
Est-ce qu’il faut avoir des connaissances poussées en informatique pour pouvoir l’utiliser ?
Non, non, pas forcément, je ne pense pas. Il faut peut-être être curieux et savoir détecter les bonnes informations sur le net. Mais je ne pense pas qu’une personne ait besoin nécessairement d’avoir des connaissances en informatique. Parce que la plupart des outils Nft n’utilisent pas de code. Donc, on n’a pas besoin de programmer. Quand on s’informe, quand on lit, on peut l’utiliser.
Et vous, comment vous arrivez à créer ? Quel est votre processus de création ?
Ça dépend. Moi, j’utilise beaucoup de programmation, personnellement, pour mon travail, et l’Ia aussi qui est une autre forme de programmation. Donc, je crée mes propres algorithmes.
Propos recueillis par Mame Woury THIOUBOU
(mamewoury@lequotidien.sn)