La Fondation pour les médias en Afrique de l’Ouest (Wfwa) a tenu du 17 au 19 octobre 2019 à Accra, au Ghana, la 3e édition de la Conférence d’excellence des médias d’Afrique de l’Ouest et remise des prix (en anglais West africa media excellence conference and awards (Wameca)). A l’issue de cette rencontre, Mme Safy Ly Sow, la nouvelle présidente du Conseil d’administration de Wfwa, est revenue sur les particularités de cet évènement qui a réuni dans la capitale ghanéenne plus de 700 participants venant de la Cedeao.

Le 19 octobre 2019, la Fondation pour les médias en Afrique de l’Ouest (Wfwa) a bouclé sa 3e édition Wameca. En quoi consiste-t-elle ?
Wameca c’est le nom en anglais de la Conférence et du prix annuel du meilleur journaliste ouest-africain,  qui est une initiative lancée par la Fondation pour les médias en Afrique de l’Ouest depuis trois ans, pour essayer de relancer véritablement l’esprit de l’utilité, de l’excellence et de l’exigence dans le journalisme. Depuis trois ans, les journalistes de la Cedeao sont invités à soumettre des productions journalistiques de qualité dans différentes catégories thématiques ou les différents genres journalistiques qui sont soumis à un jury de haut niveau et ensuite, ils sont primés. Cette année, il y a eu 6 ou 7 catégories, il y a des thèmes et également, des genres journalistiques comme l’investigation, etc. L’investigation est toujours primée un peu plus chère. Car, nous savons tous que c’est un genre qui est particulièrement difficile et exigeant, voire dangereux et qui demande l’implication non seulement du journaliste, mais de sa rédaction pour l’encadrer, le soutenir, etc. C’est ce qu’est Wameca. C’est la troisième année et cette initiative a rencontré un écho extrêmement favorable très rapidement auprès des journalistes eux-mêmes, parce qu’il y a une demande non seulement d’amélioration, mais de reconnaissance entre les pairs, une reconnaissance par la société, une reconnaissance par tous les acteurs de la société et ça s’est fait rapidement comme vous avez pu le voir. Il y a eu un soutien qui se fait rapidement autant par les bailleurs que les sponsors, le secteur privé et la Cedeao elle-même qui s’est jointe à l’initiative très rapidement. Cela signifie que vraiment c’est une demande qui était là pour tout le monde.

Qu’elle a été la particularité de la troisième édition par rapport aux éditions précédentes ?
Trois années, ce n’est quand même pas beaucoup, mais en trois éditions, on est en train d’aller assez rapidement à la maturité, à une maturité du prix de cette institution, qui est en train de devenir une institution en termes déjà de nombre. Parce que plus de 700 participations venant de la Cedeao, c’est quand même une belle participation. Il y a une maturité en termes de diversité des sujets et des angles de traitement. Cela veut dire que l’appel à la qualité a été entendu, parce que la première année, je me souviens, honnêtement, les soumissions n’étaient pas d’une qualité extraordinaire. Or là, on se rend compte qu’il y a vraiment de la qualité qui arrive. Donc, ça veut dire que ceux qui produisent de la qualité réalisent qu’ils doivent se faire connaitre. Et il y aura un effet d’entrainement. Il y a de la maturité également en termes d’exigence dans le jury, une des attentes très fortes. Pour moi, la Wameca est en train de se renforcer et ce qui reste à renforcer véritablement, qui reste faible, c’est une participation équilibrée entre les différentes parties de la sous-région. Les anglophones participent. C’est leur tradition, on a vu que le Nigeria a raflé les prix. D’abord, ils sont plus nombreux, ça c’est normale, mais c’est aussi parce qu’ils participent davantage, et comme ils ont un sens de la compétition qui est très élevé, ils s’obligent à faire des productions de qualité et à les soumettre. Donc, c’est tout naturellement qu’ils sont en bonne position pour rafler beaucoup de prix. Le Ghana, c’est la même chose. Les anglophones dominent vraiment pour le moment. Mais en trois ans, on voit que d’autres pays francophones participent et émergent. D’ailleurs, le meilleure journaliste de l’année 2019 est un Burkinabè de l’Observateur Paalga, qui est un journal de très grande qualité qui a une longue tradition vraiment de gagner des prix. Donc, c’est une bonne chose de participer. Il y a une faiblesse dans la participation, mais les choses s’améliorent et je dirais que 2019, c’est la maturité.

Est-ce que l’appel à candidature est bien vulgarisé dans les pays francophones, pour permettre aux journalistes de participer à cette compétition ?
Il y a probablement plus à faire, peut-être, il faut que nous fassions plus. Mais j’ai quand même tendance à penser qu’il y a une dimension culturelle ; c’est que les francophones, de manière générale, n’ont pas autant que les anglophones, cette tradition de participer à la compétition et c’est quelque chose sur quoi il va falloir travailler et peut-être mettre un peu plus d’effort. Oui, on va mettre plus d’effort.

Vous avez été nommée à l’issue de la Wemeca 2019, Présidente du conseil d’administration (Pca) de la Fondation des médias en Afrique de l’Ouest (Wefa). Quelles seront vos priorités ?
Oui je viens d’être nommée Pca de l’organisation, mais comme vous le savez c’est une organisation qui a quand même 22 ans d’existence et qui a une stratégie qui est très claire, très solide et c’est ce qui a pu donner de tels résultats. Donc, je m’inscris dans une continuité. Il y a des programmes qui sont là, qui sont très solides. Trois grands programmes que sont la liberté d’expression, la promotion et la défense de la liberté de la presse et un autre programme, le journalisme pour le développement et enfin un programme de développement institutionnel, c’est-à-dire voir comment est-ce que les organisations professionnelles journalistiques de la sous-région peuvent travailler ensemble, en réseau pour se donner plus de force et plus d’impact. Ce sont des objectifs. Alors, en sortant de la réunion du conseil d’administration de cette année, il y a une inspiration forte qui nous anime. C’est le constat que la liberté d’expression et de presse dans la sous-région est dans une phase de récession, a quoi s’ajoute malheureusement, un recul de la confiance que la société porte à la presse et ça c’est terrible. Donc ce à quoi nous allons nous atteler, c’est de rebâtir ce sens de combattre pour la liberté d’expression, mais reconstruire et regagner la confiance. Vous voyez comme tout le monde qu’il y a beaucoup de troubles profonds et les gens ont perdu la confiance. Or, quand il y a troubles, les gens cherchent quelqu’un en qui avoir confiance et moi je dirais au fond, il faut que la presse se repositionne comme un nouveau dépositaire de la vérité et qu’il y ait moins de contestations et que nous soyons à nouveau les dépositaires de la confiance et de la vérité.

Au-delà de ces troubles, le phénomène des fake news devient de plus en plus inquiétant…
La fondation a décidé de mettre un focus sur cette question. Cette année ça a été le thème de la conférence d’autant que les fake news sont particulièrement virulents en période électorale et que la sous-région va connaitre en 2020 un grand nombre d’élections. Il y a au moins 5 pays qui vont connaitre une Présidentielle sans compter d’autres élections, donc la fondation essaie d’anticiper, de prendre le problème à bras-le-corps. Déjà la conférence s’est penchée dessus pour mettre ça à l’agenda de tout le monde, pour qu’il y ait une prise de conscience générale et également de comprendre ce qu’est ce phénomène en termes de définition, en termes d’impact, etc. Et quelle est la part qui concerne les journalistes, les réseaux sociaux… et qu’on voit quelle est la part de responsabilité de tout un chacun. Parce qu’en un moment donné, quand on est dans un flou général, on ne peut pas travailler, on ne peut pas apporter de la solution. Le travail va continuer pour clarifier cela. Ensuite, comme vous le savez, il y a des solutions qui sont déjà en train d’émerger, qui sont parfois collectives et des entités qui sont créées pour travailler sur le Fact checking et voir comment aider à servir au fond le secteur et il va y avoir des mesures beaucoup plus individuelles ou organe par organe, voir comment renforcer la capacité de chacun, de procéder à la vérification nécessaire pour se protéger et particulièrement appliquer à des champs tels que les élections. Donc, essayer de restreindre les choses pour qu’elles soient plus faciles à gérer. Là, la fondation se concentre sur la compréhension et la gestion des fake news dans le champ électoral puisque 2020 est un enjeu. Il faut que nous nous mobilisions, nous Africains, afin de préserver notre presse, la liberté d’expression. J’appelle tout le monde à venir contribuer à cette œuvre de reconsolidation, de réarmement professionnel et moral pour que nous pussions véritablement, assurer notre rôle dans la société.