Horizon – Sally Birom Seck, directeur de Scènes-Gal Tv «J’ai décidé de faire partie du changement en utilisant YouTube»

Aux silences qui ruinent les âmes, aux tabous qui taisent les maux, Sally Birom Seck a choisi la parole. Celle qui épingle les tares de la société et offre une tribune de réflexion collective. A travers sa chaîne YouTube «Scènes-Gal Tv», il informe, sensibilise et éveille les consciences. «La voix des sans-voix» cherche ainsi surtout à inciter à l’action.
Votre passion pour les médias vous a conduit à créer une chaîne Youtube, Scènes-Gal Tv. Que pouvez-vous nous dire sur cette chaîne ?
J’ai créé Scènes-Gal Tv en début d’année (janvier 2025), mais le lancement officiel a eu lieu le 28 juin dernier à la Maison des cultures urbaines (Mcu) de Ouakam. Lors de cette cérémonie, nous avons eu des panels thématiques, des projections exclusives, du slam, et d’autres prestations artistiques étaient au menu. Cela a été une grande réussite et a vu la participation d’artistes engagés, à l’image notamment de Duggy Tee, Kane Diallo Welma, Baye Mass, Demba Guissé. Ils sont tous venus soutenir notre projet. Scène-Gal Tv est une plateforme audiovisuelle spécialement créée dans un esprit de sensibilisation et d’engagement social. C’est un espace de réflexion et de dialogue autour des réalités sociales du Sénégal. Elle aborde des thématiques qui touchent directement nos vies : éducation, enfance, santé, émigration irrégulière, justice sociale, Violences basées sur le genre (Vbg) et, plus généralement, la dignité humaine. Enfin, Scènes-Gal Tv est une chaîne qui ose mettre en lumière des luttes silencieuses que beaucoup endurent, des vérités souvent tues, mais toujours avec humanité et compassion. Elle est spécialisée dans le social et la sensibilisation citoyenne. Mon crédo est : «Dëgg ak yërmandé» (vérité et compassion). Nous produisons des épisodes sous forme de courts métrages (environ 15 à 20 minutes). Chaque thème traite d’un sujet précis, et nous nous sommes donné comme objectif de traiter chaque thème avec responsabilité, sérieux et rigueur. Et puisqu’une meilleure sensibilisation passe aussi par la parole des experts, nous donnons, après chaque épisode, la parole à un(e) spécialiste sur le sujet, sous forme d’entretien ou d’interview. C’est le cas notamment avec Selly Ba, docteure en sociologie et enseignante-chercheure à l’Ucad, sur le thème de la puissance paternelle ; Fatoumata Ngayta Diop, sage-femme d’Etat, sur le thème de l’infertilité du couple et du blâme systématique de la femme ; Ndèye Magatte Mbaye, juriste spécialisée en droit de la famille, membre de l’Association des juristes sénégalaises (Ajs) et aussi spécialiste de la protection de l’enfance, sur le thème des violences conjugales, de la puissance paternelle et des enfants de la rue. Mais il y a aussi Mame Diarra Bousso, maîtresse sage-femme d’Etat à la Maternité de Ndoyenne, sur le thème de la maternité en milieu rural ; Coumba Ndoffène Diouf, psychologue-conseiller, sur le thème des violences conjugales, etc. En tout, sur Scènes-Gal Tv, on trouve des analyses pointues, mais aussi des récits poignants qui interpellent sans juger.
D’où vous est venue cette dénomination ?
Le nom Scènes-Gal s’inspire directement de son slogan : «Une chaîne qui met en scène des faits de société au Sénégal.» C’est un jeu de mots qui combine «scènes», qui renvoie à la mise en scène, au théâtre, au cinéma et à l’art de raconter visuellement et émotionnellement des histoires inspirées du réel, et «gal», qui est tiré de Sénégal ou encore «Sunugal», porteur de plusieurs sens symboliques car rappelant l’ancrage identitaire et culturel sénégalais de la chaîne. «Gal» évoque également, en wolof, la pirogue, symbole de voyage, de lutte, d’espoir et parfois de drame (exode, migration). Ainsi, Scènes-Gal signifie littéralement «les scènes du Sénégal», des récits, des témoignages et des mises en images qui traduisent les réalités socio-culturelles, les défis, mais aussi les espoirs du Peuple sénégalais. Scènes-Gal, c’est un nom à la fois poétique et engagé.
L’idée de créer cette chaîne est partie d’où ?
J’ai été témoin de beaucoup d’injustices, de souffrances silencieuses et de tabous qui brisent des vies. Alors plutôt que de me taire, j’ai décidé, avec mon équipe, de faire partie du changement, en utilisant YouTube comme un canal pour informer, sensibiliser, éveiller les consciences et surtout inciter à l’action. Tout cela a fait naître en moi une volonté de donner une voix aux silences sociaux, à celles et ceux qu’on n’entend presque jamais, autrement dit être la voix des sans-voix. L’objectif est d’avoir un maximum d’abonnés. Mais à l’heure actuelle, la chaîne est encore jeune et compte 1044 abonnés. Cependant, cette croissance montre un intérêt réel pour nos contenus. Les premiers abonnés se répartissent principalement comme suit : les jeunes (18-35 ans) étudiants, jeunes professionnels, sensibles aux débats de société et aux réalités vécues ; les femmes, qui sont fortement présentes car les thématiques abordent souvent la condition féminine, l’égalité des genres et les luttes sociales ; les professionnels/acteurs sociaux (Ong, associations, journalistes, enseignants, acteurs culturels) qui voient Scènes-Gal comme un outil de sensibilisation ; et la diaspora sénégalaise et africaine qui est intéressée par un regard vrai sur les réalités du pays.
Quel est l’objectif que vous vous fixez au final en créant cette chaîne YouTube ?
Mon objectif est triple : briser le silence, éveiller les consciences et inspirer des changements positifs en montrant qu’un autre chemin est possible. Dans le long terme, je souhaite que la chaîne devienne un véritable outil d’éducation populaire, accessible à tous.
Est-ce que les chaînes YouTube font gagner beaucoup d’argent ?
Pas forcément. Beaucoup de gens pensent qu’une chaîne YouTube est une «machine à cash», mais ce n’est pas le cas pour tout le monde. Les revenus dépendent du nombre de vues, d’abonnés et surtout du type de contenu. Une chaîne de sensibilisation comme Scènes-Gal n’est pas forcément la plus rentable financièrement, mais elle est riche en impact social. Les revenus varient énormément. Certains créateurs gagnent quelques dizaines de milliers de francs Cfa par mois, d’autres plusieurs millions. Pour des chaînes qui traitent de sujets sérieux comme la mienne, le vrai gain n’est pas l’argent, mais la prise de conscience collective.
Partagez-vous l’avis que les chaînes desservent plus qu’elles ne servent dans l’éducation des enfants, avec des contenus où les insultes et les mauvais comportements ne sont pas bannis ?
Je comprends parfaitement cette inquiétude, et je la partage en partie. Mais il faut éviter de faire des généralités, il faut toujours relativiser. Certains contenus véhiculent de bons modèles et d’autres non. Autrement dit, il y a des chaînes qui élèvent les esprits, qui instruisent, qui divertissent sainement, mais pour d’autres, ce n’est pas forcément le cas. Tout ça pour dire que YouTube, et au-delà de YouTube, Internet d’une manière générale, n’est pas le problème, dans la mesure où c’est un outil qui peut éduquer ou pervertir. Tout dépend de l’usage qu’on en fait. Il appartient aux parents, éducateurs et créateurs de proposer du contenu de qualité et d’accompagner les enfants dans leur consommation. Il faut, à mon avis, trois choses. D’abord, la responsabilité des créateurs : proposer des contenus éducatifs et respectueux. Ensuite, l’accompagnement des parents : encadrer et orienter les enfants vers des contenus positifs. Enfin, la régulation intelligente : encourager les initiatives qui valorisent les bonnes pratiques et limiter celles qui banalisent la violence verbale ou morale.
Pouvez-vous revenir sur votre parcours professionnel ?
Je suis diplômé de l’Université Dakar-Bourguiba, de l’Université de Lorraine, puis de l’Université de Strasbourg. Je suis un ancien Chargé d’enseignement vacataire (Cev) à l’Université de Strasbourg. Je suis également entrepreneur et consultant. Enfin, je suis un passionné de la communication sociale et de la création de contenus à fort impact. Je suis très attaché à mon pays, le Sénégal, et convaincu que l’art et les médias peuvent contribuer à transformer positivement notre société.
Propos recueillis par Amadou MBODJI (ambodji@lequotidien.sn)