Implosion masquée à Thiès : Quand résilience amène à résipiscence

Leurs visages, barrés d’un masque rouge sang, dégageaient une colère noire que nul n’aurait su ne pas partager en cet après-midi sombre de Thiès. Il y a toujours une peine profonde à assister à une rupture de relation entre des amants. Mais là, il s’est agi d’une relation loin de l’inceste qui plus est, bien que tumultueuse, idyllique. Eparpillés dans les 13 marchés de la «future défunte ville de Thiès», de braves et vaillants hommes et femmes se sont engagés dans la lutte, à l’issue hasardeuse, contre un ennemi invisible, auprès du maire de ladite ville. Cela s’est fait à une époque où certains, même malgré cet engagement formel, peinaient à rejoindre leurs ateliers pour ainsi confectionner l’un des seuls moyens qui avaient été identifiés pour faire face à la propagation mortelle de virus : le masque barrière artisanal. Ce virus que nul n’avait su nommer, comme pour le prédestiner à une existence éphémère, continue encore aujourd’hui de tuer les nôtres et d’affaiblir notre système économique. Risquant, par la même, d’inscrire le «marcheur» thiessois au rang des importuns. Du vœu du président de la République, venait d’être déclarée une période de «très forte» résilience. Le commandant en chef ordonna à ses lieutenants de se déployer partout dans la «Gaule» afin de recruter des gueux et pauvres artisans capables de confectionner des masques barrières en un temps record, mais surtout sur fonds propres. Qui l’eût cru ? Le trône, pour la survie de ses ouailles, allait compter sur les maigres ressources des pauvres artisans à qui il avait, lui-même, demandé de fermer boutique, leur garantissant pain et peines, pour lutter contre la propagation de l’ennemi. Telle fût une incongruité qui devait alerter ces derniers sur l’issue probable de cette nouvelle idylle avec le trône et ses lieutenants. Qu’à cela ne tienne ! Nous sommes des patriotes au service du trône ; nous nous devons de nous soumettre, disaient-ils. Après avoir sacrifié leurs maigres ressources pour participer à cette noble lutte dans l’espoir de se voir gratifier, à défaut d’une reconnaissance au niveau de leur engagement, de leurs dûs, ces pauvres tailleurs thiessois se voient aujourd’hui atteints par ce même virus qu’ils ont tant cherché à combattre.
Dommages collatéraux.
Ils sont en train de perdre, parce qu’ils ont eu foi en vous, leur dignité, leur honneur et leur crédibilité de professionnels fiables et respectables auprès de leurs fournisseurs. L’inquiétude qui les anime à ce jour est qu’ils sont les seuls, sur tout le Sénégal, à devoir tenir des points de presse et des rencontres en toutes heures pour être juste payés. Où sont passés les mille milliards ?, serions-nous tentés de demander. Un travail qui leur a été demandé par la ville de Thiès, et qu’ils ont exécuté sur fonds propres et livré en temps et en heure n’aurait jamais dû engendrer autant de peine et de désarroi auprès de ces pères, mères et soutiens de famille. Il est important de ne point rompre la seule relation qui permet de générer une harmonie au sein d’une Nation. Celle-ci nécessitant des fondations basées sur la probité, mais surtout sur la franchise et la vérité. Relation qu’il est bon de faire vivre, en descendant de son piédestal pour appréhender les conséquences de ses défaillances.
Cette relation est la relation de confiance
Monsieur le Président, les tailleurs de Thiès ne demandent pas l’aumône ni à jouir d’une once de vos 1 000 milliards dont ils disent avoir juste «entendu parler». Ces honnêtes et braves gens demandent à être payés leurs dus, ni plus ni moins. Cette très forte résilience doit vous (Etat et Ville de Thiès) amener à résipiscence au-delà de l’acquittement de cette dette qui pourrait finir par devenir plus nocive que le Covid-19. Ils l’ont mérité. «Yeyo nagn ko.» N’est-ce pas M. Sylla ?
Cheikh Alioune NDIAYE
Président de l’Ong Cerip Sénégal Organisation
d’appui à l’insertion socio-économique des jeunes
et des femmes au Sénégal – Incubateur Thiès –
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