Le Maroc frappe à la porte de la Cedeao. Mais pour le Comité d’initiative pour le suivi de l’intégration (Cisi), il ne faudrait pas lui ouvrir, à moins de vouloir tuer les faibles économies de la zone ouest-africaine. Les chefs d’entreprise et la société civile souhaitent au mieux un partenariat avec le Royaume chérifien.

«Boxer, danger,  tueur», le champ lexical de la violence a été revisité sous plusieurs formes hier par des membres d’organisations patronales et professionnelles, de syndicats des travailleurs, d’associations de la société civile et d’universitaires qui veulent s’opposer à la demande d’adhésion du Maroc à la Cedeao. Regroupées au sein du Comité d’initiative pour le suivi de l’intégration (Cisi), ces différentes têtes pensantes ont clairement exprimé ne pas vouloir du Royaume chérifien comme membre à part entière de la Cedeao, mais comme un partenaire car, explique le président du Cisi, les économies moribondes de la zone ne peuvent pas concurrencer celle du Maroc. «L’économie marocaine est très compétitive. Elle n’épargne aucun secteur. On s’oppose à des relations déséquilibrées qui étouffent notre économie, détruisent des pans entiers de notre secteur productif et exportent nos emplois vers le Maroc», a déclaré Zator Kane Diallo.
Une étude du Cisi qui sera rendue publique le 2 novembre prochain souligne que «l’agriculture au sens large, l’industrie, l’artisanat, le commerce, les services ainsi que les bâtiments et travaux publics figurent parmi les secteurs qui seront les plus impactés». En effet, avec 101 milliards de dollars, le Produit intérieur brut (Pib) du Maroc à lui seul dépasse ceux du Sénégal, du Ghana et de la Côte d’Ivoire réunis. Dans ce cas, quelles seront les conditions que la Cedeao compte mettre sur la table des négociations pour équilibrer le partenariat ? A cette interrogation, le Cisi «ne dispose d’aucune information officielle venant de l’Etat du Sénégal ou de la Commission de la Cedeao». Pis, annonce Mor Talla Kane, directeur exécutif de la Confédération des employeurs du Sénégal (Cnes), «la Cedeao rencontre le privé marocain, alors que pendant ce temps nous demandons à les voir».
Mais au-delà de cet aspect, la présence du Maroc va soulever des problèmes techniques, selon Mor Talla Kane. Qui souligne que les Marocains «ont signé beaucoup de traités commerciaux avec d’autres pays. Donc, ils bénéficient de régimes préférentiels douaniers que nous n’avons pas. Comment identifier leurs produits ? Techniquement, c’est impossible». Pour le Cisi, les négociations sur les Accords de partenariat économique (Ape) avec l’Europe devaient servir d’exemple aux autorités pour ne pas répéter la même erreur. «Ce que j’ai refusé à l’Union européenne, je vais le refuser aux Marocains», a dit Mor Talla Kane qui appelle les populations à faire sien ce problème, car si notre économie prend un coup, ce sont les populations qui vont en souffrir.
Le 24 février dernier, le Maroc a adressé une demande officielle d’adhésion à la conférence des chefs d’Etat de la Cedeao pour devenir membre à part entière de l’organisation. Le 4 juin 2017 à Monrovia, la conférence des chefs d’Etat a donné son accord de principe au Maroc et a chargé à la Commission de la Cedeao d’examiner les implications d’une telle adhésion. Cette Commission doit rendre ses conclusions dans 2 mois, soit en novembre prochain à Lomé.
Certes l’arrivée du Maroc dans la communauté devrait être une bonne chose pour les 300 millions de consommateurs, car ils vont bénéficier des retombées de la concurrence, mais dans le long terme, comment la puissance économique du Royaume va-t-elle se comporter ? C’est la question qui fait paniquer le patronat sénégalais, et certainement aussi celui des autres pays de la zone Cedeao.
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